Séances

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Emmy piqué au vif par cette histoire de deuxième chance, l'interrogea.

— Et vous ? Que s'est-il passé pour que vous ayez une deuxième chance ? 

— Si cela ne vous ennuies pas je préférerai qu'on se tutoie ? commença Élise.

Emmy hocha la tête de haut en bas.

— J'ai eu un long parcours d'errance qui ma conduite en prison pour des vols. Sylvie, l'autre femme de ménage s'était lancée dans la prostitution pour payer ses factures. Rico, le chauffeur attitré de Blaise a tué involontairement un homme dans un combat de Muay-Thaï, il ne s'en est jamais remis. Les trois autres chauffeurs, Emile, Lukas et Evan, ont eu des parcours avec drogues et alcools. Virginie, notre cuisinière, vivait dans la rue quand Blaise l'a récupéré et puis il y a notre majordome, il est veuf depuis 10 ans mais n'avait plus le goût de vivre. Il a enchaîné les hôpitaux psychiatriques, avant que Blaise ne le prenne sous son aile. Ah oui, il y a aussi Bryan de la sécurité, son entreprise a fait faillite, les deux autres agents de sécurité, Isabelle et Tony sont passés par la case prison et toi...je ne sais pas encore. 

— Moi ? J'ai fait de la prison mais pour un vol que je n'ai pas commis. Je suis pauvre, ne sait ni lire et écrire, j'étais follement amoureuse d'un homme riche qui s'est joué de moi. Ma mère est décédée brutalement et je n'ai aucune famille. Je me suis faite exploitée et humiliée. J'ai vécu dans une cabane mais aussi dans la rue. Et j'ai il y a quelques jours été...

Elle se tue, elle voulait parler du viol mais ça ne sortait pas. Elle n'était pas prête psychologiquement à en parler.

— Emmy, si tu ne te sens pas prête tu n'es pas obligée de me dire. Ça se voit qu'il s'est passé des choses dures pour toi récemment, tu es couverte de bleus, de plaies et ton arcade sourcilière a été fraîchement recousue... je me doute que ce n'est pas facile d'en parler. Mais quand tu seras prête, je serai là. On est une famille, ici, une famille de déglinguée, certes, mais une famille quand même. Personne ne nous aurai laissé de chance de travailler, surtout auprès d'un homme aussi puissant financièrement et stratégiquement que Blaise, et pourtant, nous sommes tous là avec nos casseroles derrière nous. Je suis quand même contente que la maîtresse de maison et sa fille soient parties. Elles n'arrivaient pas comprendre les choix de Blaise nous concernant et on voyait toujours de la méfiance dans leurs regards. Pour elles, ayant été en prison pour vol, j'allais voler des choses dans la propriété...Mais bon, tout ça pour dire que Monsieur Arnault est un homme bien chez lui mais dur à l'extérieur. 

Emmy sourit, elle était soulagée de savoir qu'elle n'était pas la seule ici à avoir eu un parcours difficile. 

— Ah, j'oubliais, tu auras très certainement des cours ou des séances.

— Des cours ? répéta Emmy bêtement.

— Oui, c'est pour cela que l'on travaille que 5 heures par jour. Les deux heures restantes sont consacrées à des cours, des activités libératrices ou des séances. Je travaille pour cette famille depuis 2 ans. Quand je suis arrivée, j'ai eu des cours de français et d'anglais. Monsieur Arnault est persuadé qu'étudier l'anglais m'aidera dans mon avenir. Il nous pousse à nous surpasser et surtout à guérir nos plais. Je sais par exemple que notre majordome voit un psychologue sur les deux heures de travail restantes. Les deux heures sont adaptées aux besoins de chacun et...sont à la charge financière de Blaise, ajouta-t-elle en souriant. 

La journée passa vite et dans la bonne humeur. Les chauffeurs, n'ayant aucunes courses, venaient les taquiner pendant leurs nettoyages. Emmy se sentait de plus en plus à l'aise. Ce jour-là, elle n'eut aucun cours ou séance de quoique ce soit. En revanche le lendemain, Blaise frappa à sa porte alors qu'elle se préparait pour descendre au petit déjeuner. Elle le laissa entrer dans la chambre et il s'assit sur le lit. 

— Comment s'est passé votre première journée hier ? 

— Très bien, votre équipe est superbe et on s'est très bien entendus.

Il hocha la tête le sourire aux lèvres. 

— Je suppose que la petite pipelette d'Élise vous a déjà expliqué qu'en plus de votre travail ici, j'insiste pour que mes employés se réparent ou s'épanouissent sur deux heures de leur temps.

Emmy hocha la tête, elle voulait vraiment savoir à quelle sauce elle allait être mangée. 

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous apprendre à lire et écrire et un jour vous me ferai la lecture pendant que je siroterai un thé glacé, les doigts de pieds en éventails. 

Emmy sourit.

— Mais avant tout ça, je pense que vous avez besoin de vous réparer au plus profond de votre être. Je vous ai observé et je vois tellement de souffrance dans votre regard, dans vos gestes et des sursauts de terreur au moindre bruit. Vous avez vécue des choses traumatisantes et tant que vous ne vous libérerez pas de tout ce négatif vous n'arriverez pas à avancer. C'est pourquoi, pour l'instant, je vous propose des séances quotidiennes d'échanges avec un psychologue et une fois par semaine avec une psychiatre spécialisée dans les traumatismes. Quand votre intérieur sera suffisamment consolidé, on s'occupera de l'agrémenter de culture diverses et variées. 

— Merci du fond du cœur. Je ferai de mon mieux pour ne pas vous décevoir, mais il y a quelque chose que je ne vous ai pas dit et j'espère que vous ne me mettrai pas à la porte quand vous le saurai... Je suis enceinte. 

Il posa une main sur celle d'Emmy. 

— Ça je le savais déjà. Vous ne vous en êtes peut être pas rendue compte mais à chaque fois que vos mains ne sont pas occupées à faire quelques choses, elles sont posés sur votre ventre comme une protection. Et rassurez-vous, je ne vous mettrai pas à la porte pour ça, c'est une bonne chose un enfant, ça apporte tellement de vie. Il va juste falloir que je m'achète des boules caisses pour les pleurs, ajouta-t-il en riant. 

Elle se jeta à nouveau dans ses bras avec tellement de spontanéité que Blaise faillit tomber à la renverse. Il lui tapota maladroitement le dos avant de resserrer son étreinte autour d'elle. Il venait de comprendre que cette petite Emmy avait besoin par dessus-tout d'affection. 


Les maux d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant