Virée

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— Vous n'avez pas le droit de m'empêcher de la voir... vous n'avez pas le droit répéta-t-elle, hystérique.

— Vous allez vous calmer immédiatement ou je renvoie votre mère ici sans le moindre soin médical. Contentez-vous que je prenne en charge la visite du médecin vu que vous n'avez pas d'assurance maladie. 

Emmy déglutit bruyamment. Elle voulait plus que tout voir sa mère mais cet homme avait l'air sérieux en menaçant de la renvoyer sans soin. Il s'éloigna sans un regard en arrière et grimpa à bord d'un véhicule luxueux. Elle s'assit devant la cabane et observa l'océan en songeant à sa mère. Quand la nuit commença à tomber, Emmy ramassa à la hâte le linge sec et le plia afin de le ranger dans le seul meuble qui ornait cette cabane. Elle confectionna une soupe d'oignons sur un petit réchaud à gaz que sa mère avait pu acheter il y a plusieurs années de ça. La cabane était illuminée au moyen de cinq bougies. Elle resta assise sur le tapis où dormait habituellement sa mère, durant de longues heures, en attendant son retour, en vain. Elle finit par s'endormir assise et sa mère ne rentra pas cette nuit-là. Cependant, au petit matin, elle finit par franchir la porte, un faible sourire aux lèvres. Emmy se leva précipitamment pour la serrer dans ses bras.

— Maman, tu m'as fait peur. Comment ça va ? Viens, assieds-toi.

Mère et fille s'assirent sur le tapis.

— Je vais mieux. J'ai fait un petit malaise à cause d'un manque de sucre. 

— Je t'avais dit qu'il fallait que tu te reposes !

— Maintenant je vais avoir le temps de me reposer...je...je n'ai plus de travail. 

Emmy se leva comme une furie.

— Il n'a pas le droit ! Tu as toujours travaillé comme une folle pour lui. Tu y allais nuit et jour quand il te sollicitait. Ce... ce n'est pas juste ! 

Elle quitta précipitamment la cabane et marcha vers le quartier pavillonnaire où se dressait fièrement l'immense propriété des De Laberty. Elle se rendit compte que sa mère marchait énormément pour ce travail car elle mit facilement une heure et demie avant de gagner les quartiers chics. Elle n'était jamais allée chez le patron de sa mère mais elle savait que c'était la plus haute du quartier. Elle s'arrêta devant un immense portail noir et dorée et se mit à hurler : 

—Monsieur De Laberty, Monsieur De Laberty ! 

Une femme vêtue d'une robe claire ouvrit la porte. 

— Qu'est-ce que vous avez à hurler comme ça, mademoiselle ?

— Je dois parler à Monsieur De Laberty, maintenant.

Celle-ci haussa un sourcil devant le ton autoritaire d'Emmy avant d'ouvrir la porte.

— La prochaine fois, utilisez la sonnette plutôt que de hurler comme une folle. 

Elle ignora sa remarque et grimpa les marches menant à l'imposante demeure. 

— Mademoiselle, attendez, je dois vous annoncer, qui êtes vous ? 

Emmy poursuivit sa quête de Monsieur De Laberty sans répondre aux cris stridents de la femme qui la poursuivait. Elle finit par buter sur un jeune homme, juste habillé d'une serviette autour du ventre. Il avait les cheveux tout dégoulinants ce qui lui conférait un petit côté sexy. Emmy l'admirait de la tête aux pieds, quand elle fut saisie par le bras par la gouvernante qui lui avait ouvert.

— Sortez d'ici, Mademoiselle, maintenant ! 

— Non ! Je cherche Monsieur De Laberty, riposta-t-elle en dégageant son bras. 

Le jeune homme observait les deux femmes un sourire taquin aux lèvres.

— Et pourquoi recherchez-vous mon père ? Que vous a-t-il promis sans tenir parole ? 

— Je voulais lui dire que c'était un... un gros pied de chaise cassé ! lâcha Emmy un bras sur la hanche.

Le jeune homme éclata de rire quand Monsieur De Laberty fit enfin son apparition.

— Mais qu'est ce qui se passe ici ? demanda-t-il d'emblée.

— Cette jeune fille est venue vous dire que vous êtes un pied de chaise... ah non un pied de chaise cassé, père ! répéta-t-il hilare. 

Le père lui ne riait pas.

— Vous êtes la sauvageonne de la cabane ! J'ai renvoyé votre mère, que faites-vous là ? 

— Ma mère a travaillé sans relâche pour vous. Vous n'avez pas le droit de la priver de son travail... c'est juste...

— Je vous arrête de suite, jeune fille. J'ai tous les droits sur cette propriété. Votre mère se fait vieille et je ne veux pas d'un nouveau malaise. Monica, faites-la sortir maintenant ! 

— Elle a besoin de ce travail, on a besoin de cet argent pour vivre, rectifia-t-elle. 

Le fils leva la main pour stopper Monica qui entraînait tant bien que mal Emmy vers la sortie. 

— Père, pourquoi vous n'employez pas la fille si la mère n'est plus apte ? 

— Lyam, cette...cette fille serait incapable de passer un balai, voyons.

Le jeune Lyam se tourna vers Emmy.

— Vous pensez, mademoiselle, être en capacité de passer le balai ? Et vous atteler au ménage de cette maison ? 

Elle se précipita dans les bras du jeune homme si brusquement que sa serviette tomba au sol, dévoilant à tous sa nudité. 

— Je suis désolée, lança Emmy en s'agenouillant devant lui pour récupérer la serviette. 

Elle lui tendit la serviette mais resta agenouillée. Une femme blonde entra dans la pièce. Elle était habillée d'un tailleur de créateur jaune. Elle fixa la scène, avant de pousser un cri d'effroi.

— Mon Dieu, mon fils, mais que vous fait cette bohémienne ? 

Lyam tendit une main à Emmy pour la relever et il lui chuchota à l'oreille :

— Ça ne me dérangerait pas de vous voir à nouveau agenouillée devant mon sexe comme ça mais... pas devant mes parents. 

Emmy rougit comme une pivoine et recula, presque en trébuchant. Elle baissa la tête, gênée et s'apprêta à quitter les lieux. 

— Vous vous prénommez comment ? demanda Lyam.

— Emmy, Monsieur. 

— Très bien Emmy. Nous vous attendons donc demain matin pour votre premier jour.

Monsieur De Laberty secoua la tête en se donnant une tape sur le front avant de quitter la pièce. Emmy hocha la tête, remercia poliment Lyam et prit congé. 






Les maux d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant