Chapitre 1 - Camille

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Ta gueule d'ange, ange coiffée de lueur tout d'un coup
Sourire étrange, ange, et la lumière devient floue

Candide Crush - Thérapie Taxi

*

Je cours pour rejoindre ma meilleure amie à l'arrêt de bus, en tenant dans les mains mes chaussures que je n'ai pas eu le temps d'enfiler. Elle lève la tête de son portable quand elle m'entend arriver et soupire.

« T'es même pas foutu d'arriver à l'heure pour ta dernière rentrée, m'accuse-t-elle.

- Marie ! Je suis là, et le bus toujours pas, donc s'il te plaît, m'offusque-je exagérément.

- Si tu le dis... »

Je commence à m'asseoir pour lacer mes chaussures mais le bus s'arrête devant l'arrêt avant même que je ne commence. Le chauffeur me lance un regard étonné lorsque je passe devant lui, en chaussettes, avant de grommeler quelque chose à propos des nouvelles modes qu'il ne comprendrait jamais.

Je me dépêche de prendre place à côté de Marie et salue Jules de la main.

« Camille, t'es sérieux ? lâche-t-il en me voyant

- Quoi encore ? Je suis dans le bus, oui ou non ?

- Oh mais tu es tout le temps dans le bus. C'est juste que l'année dernière, tu le prenais un arrêt avant il me semble...

- Je m'entraîne pour...Un marathon, rétorque-je.

- Hum... Un marathon... Ce serait bien la première fois en trois ans que je te verrais courir pour le plaisir. »

Je me tourne vers Marie pour chercher un peu de soutien de sa part mais elle garde son visage rivé vers son téléphone et un petit sourire prend place sur ses lèvres lorsqu'elle me répond :

« Jules a raison. Si tu veux nous faire croire que ne pas prendre l'arrêt qui est à côté de chez toi est volontaire, trouve une excuse réaliste.

- Je te remercie de ton souti...

- Les gars, on est dans la même classe et Addison est avec nous, me coupe-t-elle. Ça, c'est une bonne nouvelle ! »

Jules me tape dans la main et je souris. En réalité, l'annonce de Marie vient de me faire redescendre sur Terre. C'est vraiment la rentrée. Et il me reste encore une année ici. Une année que je vais passer à côtoyer la seule personne qui ne peut pas me saquer depuis juillet dernier. J'ai le coeur qui s'affole à cette pensée, et je triture nerveusement mon bracelet.

*

Notre petit groupe, rejoint par Addison, traverse le hall du premier bâtiment et nous nous dirigeons vers les listes devant lesquelles des tas d'élèves sont en train de camper. Je m'imagine dans quelques mois, faire le même trajet en courant pour voir si, oui ou non, j'ai mon bac et cette pensée me met un petit coup au moral. Je ne le nierai pas, oui cette dernière année me stresse. J'ai comme l'impression que je vais jouer mon avenir alors que, comme n'a pas cessé de me le sermonner ma mère, si tu commences à te prendre autant la tête maintenant, tu n'en es pas encore sorti.

Addie saute de joie devant nos quatre noms regroupés dans la même classe et commence à nous raconter tout ce qu'elle a imaginé de ce que nous ferons cette année avec un enthousiasme débordant, comme à son habitude. Je lève mon regard vers la liste qui rend mon amie de si bonne humeur. Terminale F, année 2019/2020.

Soudain, je me fais bousculer et perd l'équilibre avant que Jules ne me rattrape de justesse. Devant moi, la personne qui vient de me pousser se retourne et je tombe nez à nez avec un torse ferme sous un t-shirt gris, une touffe blonde et deux billes azur qui me sondent. Gabin.

Son corps se crispe et je comprends que s'il avait l'intention de s'excuser il y a deux secondes, maintenant qu'il m'a vu, je ne perds rien pour attendre. Je grimace en comprenant que non seulement, oui, il se souvient de cette soirée désastreuse, et non, il n'a pas l'air de vouloir passer au-dessus.

« Les excuses ne sont pas faites pour les chiens, Gabin, l'interpelle mon ami à côté de moi.

- Pour les cons non plus, rétorque-t-il en me pointant du nez. »

Abruti.

Jules me regarde avec un air désolé, mais je continue de fixer les mèches blondes de Gabin jusqu'à ce que mon pote me rappelle à l'ordre.

« Je ne comprends pas ce qui lui passe par la tête pour se comporter comme ça. C'est un gars cool, je t'assure. Quoique, tu dois le savoir, vous qui étiez si proches avant... Il ne sait pas ce qu'il perd, me rassure-t-il. »

Mais moi, si...

Une fois l'épisode Gabin passé, nous partons rejoindre les filles d'un pas déterminé et je décide de chasser cette fâcheuse interaction de mes pensées. Je fais pourtant l'erreur de me retourner au dernier moment et vois Gabin qui se penche pour enlacer une de ses nombreuses admiratrices. Je me détourne vivement et empêche le nœud dans ma gorge de se serrer encore plus.

Quand je comprends enfin à quoi mon année va ressembler, je n'ai plus qu'une seule idée en tête. Quitter le plus vite possible ce lycée.

Et me sortir de la tête cette paire d'yeux azur qui me hantent, le plus rapidement possible.



Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant