Chapitre 21 - Gabin

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Tu seras viril mon kid
Tu tiendras dans tes mains l'héritage iconique
D'Apollon, et comme tous les garçons
Tu courras de ballon en champion
Et deviendras mon petit héros historique
Virilité abusive
Virilité abusive

Kid - Eddy de Pretto

*

Toute la famille est réunie autour du buffet que nous avons installé ma mère et moi. Il ne manque que ma sœur qui est restée sur Paris avec son copain maintenant qu'elle est enceinte.

« Alors Gabin, comment se passe le lycée ? demande mon oncle Marc depuis le bout de la table.

- Et tes amis ? questionne ma grand-mère

- Tu prends les révisions au sérieux j'espère, blague mon cousin, Julien.

- Tout va bien, de tous les côtés, ne vous inquiétez pas, je réponds avec un grand sourire. »

Ma mère me lance un petit clin d'oeil et je comprends que comme toutes les autres fois, on va tous y passer. Les amours. Autrement dit, le sujet favori de ma famille de commère.

« Et côté coeur ? réplique Marc alors que je me mets à pester en riant.

Un sourire s'installe sur mes lèvres quand je pense à mon chéri qui doit subir le même interrogatoire à l'autre bout de la France.

- Ne t'inquiète pas pour moi, Marc. Je gère de ce côté-là... j'annonce en lançant un regard confiant à mon oncle tandis qu'il me dévisage surpris.

- Ah ! Et comment elle s'appelle ? reprend le frère de papa, Pierre.

- Camille. »

Marc tique à la mention de son prénom. Je suis presque certain qu'il ne tardera pas à faire le lien.

« Tu as une photo j'espère, rit mon grand-père.

- Ne l'assaillez pas de questions le pauvre, il a déjà du mal à en traiter une à la fois ! »

Je me retiens de justesse de lever un doigt à l'intention de Julien. Abruti.

« Je ne voulais pas vous en parler parce que c'est encore tout récent, quelques mois que nous sommes ensemble. Mais je ne me suis jamais aussi senti bien avec quelqu'un.

- Quelle chanceuse !

- En fait, c'est un chanceux... je reprends ma grand-mère avec un sourire crispé. »

Le silence qui s'installe autour de la table me met mal à l'aise.

« C'est-à-dire ? demande Pierre soudain curieux.

- C'est...

- Tu es gay ? me coupe d'une petite voix mon cousin.

- Bah enfin Gabin, tu ne peux pas être une pédale, si ? »

Aïe. Je savais que j'aurai le droit à des commentaires débiles, homophobes, pendant quelques temps, histoire que les gens en prennent conscience. Cependant, je n'aurai pas cru que les premiers viendraient de mon oncle, Marc, que j'avais toujours trouvé si compréhensif. Je l'avais déjà entendu déblatérer des tonnes de choses sur l'homosexualité mais j'avais toujours cru que c'était sous le coup de la fatigue, même si cela n'excuse rien. De voir son regard empli de déception me perce un trou dans la poitrine.

« Mais c'est une blague ! Marc, tu n'as pas honte de sortir des imbécillités pareilles ? crie ma mère sur son frère.

- Parce que tu le savais en plus ! Donc ce n'est pas une plaisanterie, Gabin ? demande-t-il en me regardant d'un air perdu.

- Laisse Gabin tranquille ! Tu te rends compte de ce que tu dis au moins ?

- Mais, Gab ! Répond quelque chose ! On en a fait des choses toi et moi, passé des week-ends ensemble, et des moments entre nous ! Gabin, je te connais mieux que personne, notre complicité, nos vacances avec Julien... Tout ce temps, tu n'as pas pu me cacher, ça, si ?

- Gabin, chéri, monte, s'il te plaît, rétorque maman, énervée. »

J'ai l'impression d'être un enfant de cinq ans qui ne doit pas entendre les vilains mots des adultes qui vont suivre. Mais cette fois, je suis soulagé que ma mère m'évite ça, alors je ne dis rien et avance d'un pas rapide en haut dans ma chambre, comme un gosse.

*

Les cris de mon oncle résonnent dans la maison, se répétant en boucle dans ma tête. J'ai la tête qui tourne et je veux que cette discussion cesse, mais je ne peux pas descendre au salon tant j'ai les jambes qui tremblent. Personne ne m'a suivi. Mes parents prennent ma défense en bas et les autres n'ont pas dû remarquer mon absence. Ou alors ils ont préféré me laisser tranquille. Ou je les déçois trop.

La voix dans mon crâne est insupportable. Je rêve de me réveiller de ce cauchemar ou de rejoindre mon copain. En fait, non. Cela me rappellerait trop les paroles de Marc. Je m'en veux de penser ça mais je suis à bout.

D'un geste discret, je vois mon cousin ouvrir la porte et se glisser dans ma chambre. Il s'assoit sur le lit et détaille du regard mon espace.

« Et bah ! Ta chambre a changé depuis l'époque des posters de Tokio Hotel ! »

Je ris doucement et il dirige son regard vers moi.

« Mec, t'es tout pâle putain !

- Non mais ça va, promis, le rassure-je dans une tentative vaine.

- Pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?

- Mais parce que je te l'ai dit : c'est tout récent !

- Gabin, arrête. Tu ne vas quand même pas essayer de me faire gober que ton Camille est arrivé et là, pouf tu t'es rendu compte que tu avais plutôt un penchant vers les gars, n'est-ce pas ? fait-il en joignant les gestes à la parole. »

Je ne fais aucun commentaire. Bien sûr que ce n'était pas juste un pouf.

« Tu sais que tu peux tout me dire putain ! Je te parle bien de tout, moi.

- Désolé Julien. Je... Je ne l'ai jamais vraiment accepté en réalité. Sauf depuis que je suis avec lui.

- Je suis heureux pour toi, vraiment. Même si j'ai du mal à saisir pourquoi tu avais du mal à l'accepter. Tu n'es pas attirée par les meufs, et alors ? Arrête de laisser les autres te dicter ta conduite. La personne que tu aimes ne regarde ni ta mère, ni ton chien. Cela se passe juste entre lui et toi. Et si demain tu te rends compte que finalement tu t'es trompé, et bah tant pis ! Merde, Gabin, tu as toute la vie devant toi, arrête de te bouffer pour des bêtises pareilles. Moi je serai là. Toujours. Même si tu manges mon chat, -bien que je ne te conseille pas de le goûter-. Tu n'es pas seul. Tu as ce Camille, aussi. Tu trouveras toujours des gens sur qui tu pourras compter. Pas papa, pas ce soir, il faut lui laisser le temps de digérer. Mais on est toute une famille quand même, conclut-il en me serrant la main. »

Je souris en reniflant. Qu'ai-je fait de si bon dans mon ancienne vie pour mériter une personne si généreuse ?

« Ah et maintenant je comprends ta passion sans mesure pour les basketteurs... lâche-t-il avec un clin d'oeil. »

Je m'étouffe et il rit.

« Je suis démasqué, alors. »

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant