Chapitre 42 - Camille

433 35 22
                                    

Don't let me down, I'm falling

Moonlight - Temper

*

Dès que la sonnerie a annoncé la fin du cours, je me suis précipité hors de la classe. De l'air ! Comme si nous n'étions pas au courant, les professeurs passent leur temps à nous rabâcher que dans moins de quatre mois, les épreuves du bac s'offrent à nous. Pour ne rien arranger, le championnat de basket arrive à grands pas, entraînant avec lui, tout un stress qui commence à sérieusement me peser.

J'avance vers mon casier d'un pas nonchalant. Entre les cours, les entraînements et les révisions, j'oublie ce que c'est de prendre du temps pour soi. Gabin est en train de discuter avec un gars de sa classe quand il passe devant moi. Il me sourit fièrement de toutes ses dents en pointant le casier puis continue sa conversation. Parfois légèrement perché celui-là. Je fronce les sourcils, curieux, mais il ne relève pas. Au moins, il a l'air d'aller plutôt bien, et c'est le principal.

J'ouvre machinalement mon casier et ne fais pas attention au papier qui s'envole. Il ne tombera pas plus bas, lui. Mes fiches de révision me narguent du fond de mon sac, essayant de voir si j'arriverais à ne pas céder à la tentation de les abandonner au fin fond de mon casier. Désolé de vous décevoir, mais vous allez me tenir compagnie quelque temps, pense-je en refermant la porte pour ne pas que l'idée me séduise plus que nécessaire.

Je commence à partir en direction de la cour pour retrouver mes amis jusqu'à ce qu'un seconde m'interpelle.

« Hé, tu as laissé tomber ça ! fait-il en tenant la feuille que j'avais oubliée.

- Merci. »

En reprenant mon chemin, je déplie la note pour découvrir une écriture fine que je reconnais instinctivement : Gabin. Surpris, je commence à lire ce qui est écrit.

Ne me dis pas que tu pensais sérieusement que j'allais te laisser comme ça, tu me connais, je ne te laisserais pas m'oublier seulement parce qu'on va rester « potes » pendant quelque temps ;) Un peu de poésie tous les jours, ça ne fait jamais de mal. Et puis, quand tu seras prêt pour que l'on continue à nouveau, je serais là. Je t'attends. Alors attends-moi.

L'amour-compassion trouve encor de l'emploi.
L'amour jeune est plus beau ; ravissante folie,
Prodiguant les trésors et les enchantements,
Et les rêves et les serments,
Pour le cœur qui s'allume il est la poésie.

L'amour-passion, de Henri-Frédéric Amiel.

À demain, Camille...

Lorsque je finis de lire, je souris comme un idiot. Il ne sait pas faire comme les autres, c'est certain. Ce serait bien trop simple, sinon. Et c'est sûrement ce que j'aime le plus chez lui. Pardonne-moi, Gabin, je t'avais largement sous-estimé...

Je m'assieds à côté de Jules qui est en plein débat avec Jackson sur l'importance du bonnet de bain dans la piscine quand j'arrive. Passionnant. Noah discute avec sa nouvelle petite-amie, Emy, et Marie et Addison sont en train de faire le récapitulatif d'une soirée du week-end dernier à Darek qui veut connaître les potins du jour. Gabin nous rejoint assez rapidement et je me rends compte que je tiens encore sa note que lorsqu'il me lance un regard entendu, souligné d'un de ces fameux sourires à fossettes que lui seul arrive à rendre si charmant.

« Vous pouvez à nouveau vous supporter sans fondre en larmes ? lance Darek dans toute sa finesse en remarquant notre manège.

- On dirait bien que oui, répond Gabin.

- Et vous ne vous collez pas comme des sangsues ?

- On dirait bien que non, je réponds à mon tour.

- Donc...

- Donc ?

- Plus de gays ? Enfin, tu vois ce que je veux dire ! se corrige-t-il après un regard noir de la part de toute la bande. Non, mais sans rire, j'suis un peu mal à l'aise avec tout ça... Sans vous blesser, bien sûr ! »

Un silence plane jusqu'à ce que j'explose de rire en même temps que Gabin. Les gars ont l'air de sonder si le terrain n'est pas trop fragile sur ce sujet avant nous rejoindre. Quoiqu'on en dise, je ne peux pas en vouloir à la franchise de Darek. Lui, il n'a pas été préparé à ce que deux de ses potes se retrouvent à aimer les hommes. Et puis, que serait Darek s'il arrêtait de ne plus prendre de pincettes ? Un peu moins bête, par moment, c'est vrai.

Malgré ça, il fait de plus en plus attention à ses propos, et, même si le naturel finit toujours pas revenir au galop, il nous montre chaque jour un peu plus qu'il peut vraiment être un bon pote.

« T'es con, quand même !

- Toi, t'es célibataire, maintenant. Chacun nos vices, Camille ! rétorque-t-il en me donnant un coup dans l'épaule. »

J'accuse sa pique avant de lever mon majeur dans sa direction. Il fait l'offensé en se passant une main sur le front. Nous rions ensemble. Puis les discussions reprennent et dérivent sur d'autres sujets tels que la fatigue des révisions, le prof d'histoire qui s'est absenté pour trois semaines, et notre prochaine sortie tous ensemble.

Tout revient doucement à la normale, si ce n'est le regard de Gabin qui croise de temps à autre le mien d'une façon qui veut dire mille choses.

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant