Chapitre 11 - Camille

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Don't you know I'm no good for you?
I've learned to lose, you can't afford to
Tore my shirt to stop you bleeding
But nothing ever stops you leaving

When the party's over - Billie Eillish (Camélia Jordana & Lomepal version)

*

Quatre mois plus tôt

    Deux heures que la fête a commencée et je me sens déjà si perdu. J'ai la tête qui tourne et les corps qui se balancent autour de moi sont flous. Je n'entends la musique, pourtant si forte, que d'une lointaine oreille. Je ne me suis jamais senti aussi léger.

    Je ne sais pas si j'apprécie vraiment la sensation mais cette ébriété a tout de même un goût de liberté enivrante. Je ne me suis jamais autant laissé aller. Mais ce soir je comprends cette sensation de boire pour oublier. Quitter quelques heures les pensées qui défilent en boucle dans ma tête.

    Je ne voulais pas venir. Je savais que je ne pourrai pas l'éviter longtemps mais avec l'approche des vacances, j'ai relâché la pression, tous ces tourments doivent bientôt prendre fins. Peut-être seulement pour deux mois mais c'est déjà un temps de répit que j'accueille, bras ouverts. Je n'arrive plus à m'échapper lorsque je le croise sans que l'on ne se doute de quelque chose.

    Les messages qui restent sans réponse de ma part me pèsent de plus en plus lourd. La culpabilité est telle que je les supprime sans les lire. J'ai cru que ça le découragerait. Je me suis trompé. Il faut croire que je ne connais peut-être pas si bien que ça mon meilleur ami. 

    Mes parents n'ont fait aucun commentaire lorsque je leur ai demandé de faire comme si je n'étais pas là quand il est venu me voir. Ils n'ont rien dit non plus quand ils ont remarqué que je n'allais plus chez lui le vendredi soir. Ni quand il a arrêté de venir le samedi midi.

    Je n'aurai pas cru cela possible. Il a fait pour moi plus de choses que tous mes amis réunis. Il m'a couvert pour les sorties en douce, il m'a accompagné pendant les premières soirées, a pris soin de moi jusqu'au bout lors de mon premier, et dernier, jusqu'à aujourd'hui, abus. On avait des liens plus forts encore que ceux du sang. Ce n'était même pas un frère, mais un double. Toujours là, à me soutenir ou m'empêcher de faire des conneries. Je crois que je sais depuis longtemps que ce que je ressens pour lui va au-delà des frontières de l'amitié, mais comment lui dire ?

    Je cherche à l'éviter depuis septembre. Je sais qu'il ne le montre pas, mais mon instinct me dit qu'il est blessé bien plus profondément que ce qu'il veut laisser paraître. Je le sais parce que j'ai vu ses larmes. Je les ai connues pour un tas de raisons différentes. J'étais le seul à qui il laissait entrevoir cette part du gars sensible qu'il était réellement.

    Pourquoi n'ai-je jamais trouver le courage de le lui dire ? Certainement parce que la peur est plus forte. La peur de lui, des autres, des regards, et la peur de me l'avouer aussi. Plus jamais il ne voudra me regarder avec ce si beau sourire. Je préfère qu'il garde un souvenir de son meilleur pote, plutôt que d'un gars qui voudrait connaître les et plus si affinités. Je retiens l'envie de lâcher mes larmes en plein milieu de cette piste de danse improvisée. Je suis déjà bien éméché mais ça ne m'empêche pas d'aller me resservir un verre d'un mélange dont il ne vaut mieux pas que je connaisse les substances pour tenter de lâcher prise à nouveau.

*

    J'ai perdu le compte des verres que j'ai bus lorsque je me sens plus libre que jamais. Je n'ai jamais aimé me soûler jusqu'à perdre la notion du temps mais je ne me rappelais pas que c'était si agréable d'oublier le contrôle de ses sens, sinon j'y aurais sûrement pensé avant. Une main se pose sur mon épaule et je me retourne.

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant