Chapitre 23 - Camille

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I'm scared
I've never fallen from quite this high
Fallin' into your ocean eyes

Ocean Eyes - Billie Eillish

*

Je fixe nerveusement l'écran devant moi. C'est la troisième fois que je tente d'appeler Gabin sans succès depuis hier soir. Entre mes messages et ces appels, il va finir par me penser psychopathe mais j'aimerais au moins pouvoir lui souhaiter un joyeux Noël de vive voix.

« Désolé, je viens tout juste de me réveiller, annonce la voix rauque de mon copain lorsqu'il décroche enfin.

- Ne t'inquiète pas, je voulais juste être sûr que tout allait bien, dis-je en souriant à la vue de sa tignasse ébouriffée.

- Oui, ne t'en fais pas, me répond-il distraitement, les yeux encore rougis par le sommeil.

- Tu es sûr ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Rien, r-

- S'il te plaît ?

- Tu dois absolument venir chez mes grands-parents. Ils t'adorent déjà.

- Tu... Tu leur as dit ? je m'étonne.

- Oh, pardon, c'était trop tôt ?

- Non ! C'est super. Je suis touché pour tout t'avouer. Vraiment. »

Il me sourit en se frottant les yeux.

« Tout se passe bien pour toi ? fait-il, curieux.

- Oui.

- Et en vrai ?

- Je ne me sens pas vraiment d'en parler au téléphone, si ça ne te dérange pas, je réponds doucement.

- Camille ? Tu en es sûr ?

- Oui. De toute façon, je rentre ce soir.

- Ah bon ? Ton départ ne devait pas être dans quelques jours ?

- Si. J'aimerais bien te voir dès que j'arrive si c'est bon pour toi, tente-je en souriant.

- Bien sûr que c'est bon pour moi, Cam. J'ai hâte.

- Moi aussi. Bon, qu'as-tu reçu de la part du père Noël ?

- Je pars en voyage à Londres pour retrouver des anciens potes de colos aux vacances de février !

- Oh, c'est vrai ? C'est génial !

- Ça fait des années que nous ne nous sommes pas vus, ça va faire bizarre...

- Vous ne vous parliez plus ?

- Si, mais on est tous d'accord pour dire qu'à l'écrit ce n'est pas pareil. On attendait surtout de pouvoir se retrouver. »

Il se détache de son portable avant que je n'ai eu le temps de répondre et j'entends des murmures que je ne parviens pas à déchiffrer. L'écran se pixelise me rappelant que je suis bien seul face à une image d'un Gabin lointain. Il revient vers moi quelques minutes après :

« Désolé, j'ai été pris par mon cousin.

- Oh, c'est lui le fameux Camille ? demande une voix inconnue. »

Un visage souriant apparaît.

« Mais... C'est ton Camille d'avant, lui, non ?

- Je te présente mon Camille de maintenant, Julien.

- Je me disais bien que ta tête me disait quelque chose ! Heureux de te re-rencontrer dans ce cas-là ! Bon, je t'emprunte Gabin, juste un petit truc à régler, conclut-il en insistant sur le dernier mot.

- Je te laisse, Cam. À tout à l'heure du coup ?

- À tout à l'heure. »

C'est de cette façon que l'appel se finit.

*

Dans la voiture, le trajet se fait en silence. Un silence lourd et pesant. Charlie a réussi à s'endormir et ma mère l'a imité. De mon côté, je préfère regarder défiler le paysage nocturne en laissant toutes mes pensées prendre le contrôle du peu de lucidité qu'il me reste après cette journée éprouvante.

Les périodes de fêtes me rappellent toujours celles que j'ai passées avec ma famille entière. J'adore Charlie et Jean. Je suis vraiment heureux pour maman qu'elle ait pu refaire sa vie avec un homme aussi exceptionnel que Jean. Je suis vraiment heureux d'avoir un frère aussi adorable que Charlie. Je suis vraiment heureux d'avoir une famille recomposée comme celle que j'ai. Mais les souvenirs qui reviennent hanter mon esprit me déchire tant par moment que je ne suis plus sûr d'arriver à vivre normalement à nouveau un jour.

Nous dépassons le panneau d'entrée de la ville et quelques minutes, nous voilà sur le gazon de la maison où attend une moto et son conducteur. Je sors rapidement pour me blottir dans les bras de Gabin.

« Tu as fait bon voyage ? »

Je hoche la tête et me serre un peu plus fort contre lui. Je tremble au souvenir de ces derniers jours. Si je pouvais, je ne bougerais plus jamais d'entre ses bras.

« Camille, tu veux qu'on rentre ? glisse doucement Gabin.

- Oui, s'il te plaît. »

Il salue Jean alors que ce dernier réveille ma mère et Charlie. Nous rentrons et il enlève son blouson. Une fois dans ma chambre, je m'assois sur mon lit tandis qu'il se déshabille pour la nuit. Je sens son regard inquisiteur quant à mon humeur maussade.

Il s'installe à côté de moi, et commence à passer ses doigts dans mes cheveux tendrement. Dans la pénombre, je ne distingue que son souffle chaud près de mon cou.

« Tu voulais parler de quelque chose, ou tu ne préfères pas aborder le sujet ? chuchote-t-il avec douceur.

- Non, je... J'ai besoin d'en parler si ça ne te dérange pas.

- Je suis là pour ça, Camomille. »

Je me positionne plus confortablement contre son torse et commence :

« Tu sais que Hazel est partie, depuis maintenant trois ans.

- Oui, répond-il après une seconde d'hésitation, surpris que j'aborde le sujet. Oui, c'est vrai.

- Tu sais à quel point je l'aimais...

- Vous étiez liés comme des siamois.

- Et comment j'ai pu la détester...

- C'est sûr, mais tu t'en voulais toujours, après.

- Tu sais comment elle est morte, dis-je d'une voix tremblante.

- C'est une question ?

- Oui.

- Tu ne m'en as jamais vraiment parlé, mais je sais que c'était d'un accident de voiture. N'est-ce pas ?

- Oui. Mais ce que tu ne savais pas, c'est que j'étais avec elle à ce moment-là, lâche-je en fermant les yeux pour ne pas voir sa réaction, et ne pas laisser les larmes qui brouillent ma vue, descendre sur mes joues.

- Pardon ? »

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant