Doux réveil, au goût amer
Était-ce un cauchemar, était-ce un cauchemar?
Oh non, c'était bien hier
J'ai les yeux si rouges et bombés par la nuit
Ou par les pleurs:Les matins - Angèle
*
Trois jours. Un temps record. C'est aussi celui que j'ai tenu avec ma culpabilité qui m'enfonce six pieds sous terre. C'est le temps qu'Ambre est restée à mes côtés. Elle n'essaie même pas de faire comme si ce n'était rien parce qu'elle sait combien j'ai mal, là, tout de suite. Elle est juste à côté de moi, à me parler de son bébé, de son copain, de son boulot, de sa vie. Et c'est fou comme j'aime qu'elle m'en parle. Parce que je peux voir que le monde continue de tourner, avec ou sans moi. C'est aussi angoissant que rassurant.
C'est long trois jours quand on le veut. Surtout un dimanche où le soleil fait la tête au début d'un beau mois de mars. Surtout la veille de la rentrée des vacances de février. Surtout quand je sais que j'aurais pu être avec lui en ce moment. Et que lui serait avec moi.
Éric m'a appelé trois fois ce matin, je n'ai pas eu le courage de lui répondre. Je ne l'avouerais jamais, mais j'étais vraiment touché par son geste. Je ne connais pas l'avenir de notre amitié, mais je sais que je peux compter sur lui en ce moment, et c'est réconfortant d'avoir des gens sur qui se reposer de temps en temps.
Je me lève tout groggy, les yeux encore rougis par la nuit que je viens de passer. Des cernes barrent mon visage et donnent à mes paupières un aspect battu. Je suis pâle après tout ce que je suis allé vomir et Ambre a râlé comme quoi je lui faisais de la concurrence à elle et ses nausées. J'ai souri pour la forme avant de repartir me terrer dans mes draps.
Je me suis réveillé deux fois après des cauchemars où je voyais Camille s'enfoncer dans un trou noir et j'avais beau hurler, il ne se retournait pas. Quand j'ai pris conscience que ce n'était pas seulement un cauchemar, j'ai eu l'impression de revivre une nouvelle fois mon retour. Et j'ai fini la tête dans la cuvette.
J'ai annulé ma présence à la soirée de retrouvailles que l'équipe avait prévue. J'ai évité les messages de tout le monde. J'ai feint de ne pas entendre les paroles de ma mère. Celles de mon père aussi. Ainsi que celles de ma sœur. Je m'enferme avec moi-même et laisse mes pensées tourbillonner et m'enfoncer de plus en plus bas. C'est donc ça la tristesse ? Pourquoi nous infligeons-nous ça ? Qui est l'idiot qui a créé ce sentiment ? Pourquoi j'ai été aussi con ?
J'ouvre ma penderie à la recherche d'un t-shirt qu'il aurait porté pour passer la nuit à la maison récemment. Quand je trouve enfin celui que je voulais, je le serre contre moi et me laisse glisser, dos contre le mur. Son parfum mentholé a quasiment disparu mais si je ferme les yeux, je peux retrouver la sensation de sécurité que je ressens à côté de lui.
Je n'arrive pas à croire que j'ai vraiment tout gâché. Encore.
Le livre posé sur ma table de chevets me ramène à nos nuits blanches à deux. Je me lève tout en gardant en main mon précieux trésor et l'ouvre sur le marque-page qui en dépasse.
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensembleC'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensembleMon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.Louis Aragon, Nous Dormirons Ensemble. Je peux encore voir le sourire qui planait sur les lèvres de Camille avant que je ne les embrasse. Il m'avait demandé de lui répéter deux fois au moins, avant que nous ne tombions de fatigue. Il s'était assoupi en premier, et je m'étais serré contre lui tout en tentant de ne pas le réveiller tout en continuant de réciter encore et encore ces quelques vers remplis d'amour jusqu'à tomber de fatigue à mon tour. Ce souvenir me serre le coeur.
Parce que j'ai beau avoir peur, je n'ai plus le droit de m'en servir comme excuse. Parce qu'aujourd'hui, je découvre un nouveau sentiment. Un sentiment plus fort que la peur.
Aujourd'hui, je peux affirmer aimer de tout mon être un garçon merveilleux. Un garçon dont le nom commencerait par Ca et finirait par mille. Je peux affirmer que je veux bien essayer de prendre le risque de tout. Si on peut le faire ensemble, je suis prêt.
Mais l'arrière-goût amer me dit que je prends conscience de tout ça bien trop tard. Je me sens con d'avoir eu besoin de tout foutre en l'air pour me rendre compte que ce n'était pas la bonne décision. Et la larme silencieuse qui roule sur ma joue est seulement l'illustration d'un seizième de tout le bazar dans ma tête.
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Le jour où on rejoindra les étoiles
RomanceJe crois que je n'avais jamais ressenti ça. Un vide immense qui vous entoure. Une seule idée qui vous obsède. Une envie de rien, de tout, de lui. Je crois que je ne pourrais pas trouver les mots pour qualifier ce sentiment qui m'est tombé dessus. D'...