Chapitre 9 - Camille

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But that was just a dream
Try, cry, why try
That was just a dream
Just a dream

Losing my religion - REM

*

Je prends un caddie et reviens vers Gabin tandis qu'un sourire se dessine sur ses lèvres quand il lève son regard de son portable et me regarde. J'ai du mal à suivre ses changements d'humeur répétitifs mais au lieu de me prendre la tête pour tenter de les comprendre, je vais prendre sa jovialité comme si je n'avais pas eu le droit à des regards meurtriers tout au long de la journée. Je lui adresse mon majeur avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit.

« Tu ressembles à une mamie qui part faire ses courses, j'ad-

- Chut, et avance. Sinon, c'est toi qui pousses le caddie et on verra qui rira, je le coupe.

- Pardon, monsieur Camille, vous avez tout mon respect, conclut-il en s'empêchant de rire. »

Nous rentrons dans le magasin pendant que Gabin continue ses louanges et que je ris à ses bêtises. J'adore ce Gabin joueur, j'ai l'impression de revivre notre amitié, et ce sont ces moments-là qui me renvoient à ce qui me manque le plus.

Il traîne le caddie sur lequel que je suis juché jusqu'au rayon apéritif pendant que les clients nous dévisagent, mécontents d'être dérangés pendant le choix décisif entre du camembert ou de l'emmental, nous rions en coeur comme deux amis, heureux de se retrouver après de longs mois.

Mais après tout, c'est bien ce que nous sommes, et cette fois, je ferais en sorte que ça dure.

« Oh, Cam, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? s'esclaffe Gabin.

- Yes, me revoilà, annonce-je en revenant sur Terre. »

Il sourit avant de me lancer un paquet de chips en pleine tête.

« Tu veux la guerre ? annonce-je sérieusement.

- Je ne voudrais pas te ridiculiser à ce point, enfin, réplique-t-il avec son fameux sourire en coin qui réveille les papillons dans mon ventre. »

J'attrape un autre paquet de chips et l'envoie dans sa direction. Il rapplique vite et je me jette vers lui pour éviter un nouveau projectile. Losing my religion résonne dans la radio du supermarché pendant que nous continuons notre bataille. Il est 20 heures et les rayons sont plutôt déserts par rapport à d'habitude. Heureusement.

Je me retrouve plaqué au sol alors que je ris aux éclats, Gabin au-dessus de moi, ses jambes de part d'autre de mon corps, un sourire maléfique plaqué sur le visage.

« Arrête, lâche-moi, sinon je hurle à la séquestration de mineurs ! signale-je, les joues douloureuses de sourire.

- Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? réfléchit-il à voix haute.

M'embrasser.

- Me libérer ? tente-je

- Même pas en rêve, souffle-t-il contre mon oreille après s'être penché vers moi. »

Je ne ris plus du tout alors qu'une tension inconnue s'empare de moi. Ma respiration s'accélère quand Gabin laisse ses lèvres effleurer ma joue. Il a fermé ses yeux tandis que je le fixe avec les miens, paniqué. Qu'est-ce qu'il se passe ? Il continue sa course lentement et des frissons me parcourent des pieds à la tête. Il sourit lorsqu'il arrive à la commissure de mes lèvres et ce simple contact me laisse tout pantelant. Qu'il ne s'arrête jamais. Son souffle se mélange au mien pendant que je brûle totalement à l'intérieur. Il ouvre ses paupières et me détaille. Il continue de me fixer de ses pupilles bleues qui doublent d'intensité, jusqu'à ce qu'une voix nous coupe.

« Les jeunes, c'est vous qui avez mis tout ce bordel ? commence un vendeur. Levez-vous et rangez, si vous ne voulez pas d'ennui. Dépêchez-vous et je ferais comme si je n'avais rien vu, pigé ? »

Gabin se relève plus vite qu'il ne faut pour le dire et acquiesce, honteux de s'être fait surprendre dans cette position. Je reprends mes esprits, les joues rougies et les cheveux en bataille, avant de me lever à mon tour pour l'aider.

Une tension s'installe entre nous une fois le vendeur parti. Je range les gâteaux apéritifs dans le caddie sans bruit puis lève mon regard vers Gabin pour tenter d'entamer un contact qui me prouverait que je n'ai pas rêvé.

« Tu vas chercher les boissons, je m'occupe des gobelets, lâche-t-il froidement en s'échappant, les yeux rivés sur le sol. »

« Why try ?
That was just a dream, just a dream, just a dream
Dream,
finissent les hauts-parleur du magasin lorsqu'il disparaît. »

Ces phrases n'ont jamais sonné aussi vraies. Et ma solitude ne m'a jamais autant pesée.

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant