Chapitre 35 - Camille

459 29 21
                                    

I'm not naive
I know how people can be
We're leavers, cheaters, liars that make you believe
None of us are saints
I guess we're all the same
But you were supposed to be different, yeah
Darling, you were supposed to be different

You were supposed to be different - Aron Wright

*

Hier soir je suis rentré comme dans une sorte de flou. Après m'être complètement abattu devant lui, j'ai eu comme un déclic, et depuis je n'ai pas reversé une larme. Ses paroles ont créé un vrai trou béant dans mon coeur. Ses mots sont un brouillard épais dans mes pensées. Et le souvenir de sa voix, une épée tranchante sur ma blessure à vif.

Je crois que ce qui m'a le plus touché, ce n'est pas tant les horreurs qu'il a sorties mais le ton honnête de sa voix et ses pupilles remplies de véracité. J'aurais peut-être douté de ses paroles s'il n'y avait pas eu tant de dégoût sur ses mots. Malgré sa voix qui tremblait, j'ai eu l'impression qu'il savait exactement dans quoi il s'embarquait et c'est peut-être ce qui me touche le plus. Un millier de questions tournent en boucle. Pourquoi ? N'était-il pas sincère pourtant ? Qu'est-ce qui a dérapé ? Pourquoi maintenant ?

C'est horrible, mais j'aurais préféré continuer notre relation basée sur ses mensonges plutôt que de savoir qu'il s'était foutu de moi pendant des mois. Pendant toute la semaine il m'avait envoyé des messages, tous plus touchants, nous nous étions appelés presque tous les jours, et j'étais heureux parce qu'il s'ouvrait de plus en plus à moi. Pourquoi faire ça si c'était pour tout me balancer ensuite ? Qu'est-ce qu'il s'était passé à Londres ? Est-ce que tout était préparé depuis le début ?

Je fixe le plafond en espérant naïvement qu'il me rappellera en me disant que ce n'était qu'un rêve. Mais mon téléphone reste silencieux en dehors des messages que m'envoient Marie, Jules et Addison sur notre groupe pour me demander comment se sont passés les retrouvailles. Je balance mon portable à travers la pièce et hurle dans mon coussin. Je veux être anesthésié de tout. De lui. Surtout de lui.

*

Quelques heures plus tard, c'est ma mère qui me réveille, un verre de jus de citron dans les mains, un sourire réconfortant sur le visage. Elle me regarde, attendrie. Je n'ai pas prononcé un mot depuis que je suis rentré, mais elle a cet instinct que toutes les mères du monde ont pour savoir reconnaître un petit malheur sur le visage de leurs enfants.

Elle n'a pas fait de remarque lorsqu'elle a vu que je n'étais pas accompagné, ni lorsque je suis monté sans rien dire, et encore moins quand j'ai fait semblant de dormir pour ne parler à personne. Elle a juste retenu Charlie par le bras quand je suis rentré, et n'a pas essayé de me faire parler pour comprendre.

« Tu sais Camille, commence-t-elle en s'installant sur mon lit, Je ne sais pas ce qui s'est passé, hier, mais je sais que les chagrins d'amour font mal. Surtout le premier. C'est un trou béant dans la poitrine et on s'imagine qu'on ne pourra jamais le refermer. On pense que c'est la fin, on se sent trahis, et pourtant crois-moi, ce n'est qu'une passe. Je suis vraiment désolée pour toi, je sais à quel point il comptait dans ta vie juste en voyant l'éclair qui passait dans tes yeux quand tu l'évoquais. Mais je suis encore plus désolée pour Gabin car il perd une des plus belles personnes que je connaisse. Camille, je te promets que tu retrouveras des garçons, ou même des filles, qui t'aimeront de tout leur coeur et réciproquement. En attendant, je suis là. Si tu veux en parler, me raconter ou seulement une épaule sur laquelle te poser, tu m'appelles, compris ?

- Merci maman, dis-je les yeux pleins de larmes après l'évocation de son nom, Mais je ne veux pas en parler. »

Elle me serre contre elle puis sort de ma chambre. Je contemple la photo de Hazel et moi sur mon mur. Nous rions alors qu'elle tape dans un ballon.

« Qu'est-ce que tu dirais si tu étais là, toi ? »

Personne ne me répond et je souffle.

*

Jour 2 sans nouvelle de Gabin. Pas le moindre signe sur les réseaux sociaux, que ce soit de sa part ou de ses potes. Je ne m'y attendais pas.

Mon demi-frère est passé me voir ce matin pour me donner un dessin avant que sa mère ne vienne le chercher pour la semaine. On voit deux bonhommes bâtons qui se tiennent par la main et un gros coeur violet au-dessus d'eux. Il m'a expliqué que « ça, z'est Cami et ça z'est Sarlie », j'ai fondu. Charlie est vraiment mignon quand il s'y met, même si j'ai plus souvent droit à son côté polisson, j'adore ce môme.

Maman passe deux fois dans la matinée, une pour accompagner Charlie, une autre pour m'apporter une tasse de chocolat fumante. Jean me sourit quand il passe devant ma chambre. Je lis. Beaucoup. Je reprends les poèmes qu'il me récitait. Ces moments-là donnent un semblant de paix dans mon crâne en ébullition permanente. Je pourrais presque entendre le son de sa voix quand il me les lisait en me couvant du regard. J'ai vu ses pupilles azures remplies d'amour.

J'en étais sûr jusqu'à son discours. Je doute de tout, de moi, de notre histoire. Je me suis totalement laissé avoir par une illusion, j'y croyais tellement. J'ai mal.

Je joue du piano aussi. Plus que jamais je n'en ai fait. Je me brûle les doigts tant je parcoure ce clavier. Le morceau que j'use tant et tant me rappelle de plus en plus son visage au fur et à mesure que les notes s'enchaînent. Tellement de douceurs tout en restant si surprenant à chaque tournant. C'est le seul morceau j'ai déjà joué en public, et c'était devant lui. J'ai retenu mes larmes tout le long de ces deux jours mais devant cette partition, mes pleurs me brouillent la vue. Parfois je suis parcouru de tremblements tant l'émotion qui me prend aux tripes est forte. Je hurle derrière mon clavier. Je déverse toute mon âme dans ce morceau. Et parfois je me laisse juste emporté par cette mélodie devenue si familière. Je pleure des heures durant, je déverse ma colère, nos souvenirs, nos moments, lui, moi, nous. Je deviens la musique. Je reviens à ses côtés. Je l'aime plus que jamais. Puis je mets toute ma haine dans ces notes. Je deviens fou pendant un instant. Fou de rage, fou de lui.

Parce que, putain, il m'a trahi. J'y croyais vraiment, moi.

Quand je pose la dernière note pour la centième fois de la journée, je glisse sur mon lit, épuisé, vidé, dénué de toutes émotions et je m'endors à nouveau.

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant