Chapitre 34 - Gabin

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You told me something when I left but I don't remember
Maybe 'cause all I could do then was stare at the floor
I held myself 'cause you wouldn't, all wrapped in my sweatshirt
Wonder if you even noticed that that one was yours
When maybe I should've but I never told you 'I'm sorry'
Know that I tried but my words always got in the way

Stay - Gracie Abrams

*

J'avance vers mon père qui m'attend sur le parking en jouant à Candy Crush. Il ne lève pas la tête quand je rentre dans la voiture. Ma gorge nouée m'empêche de prononcer le moindre mot sans que je ne craque. Et, je ne craquerais pas, c'est hors de question. Après tout, c'est ma faute.

Papa coupe son téléphone en râlant après avoir perdu son niveau et pose son regard sur moi, surpris que je monte à l'avant.

« Alors les garçons, chouette retrouvaille ?

- On peut s'en aller s'il te plaît ? le questionne-je d'une voix faible.

- Bah, où est Camille ? dit-il en se retournant. Tu l'as perdu en chemin ?

- S'il te plaît.

- Désolé de me répéter mais, et Camille alors ? s'inquiète-t-il.

- Il... Je... Papa... »

Il me fixe, déconcerté, et j'ouvre brusquement la porte de la voiture pour aller vomir tout le contenu de mon estomac. Des spasmes m'agitent le corps. Je tremble comme une feuille. Ma vision se trouble alors que je me sens prisonnier de mon corps. Tu me dégoûtes.

Ce sont mes propres mots qui se répercutent dans mon crâne en utilisant les yeux larmoyants de Camille pour fond. Entre les paroles de James et les miennes, j'ai l'impression de devenir fou.

J'ai fait une connerie. Une vraie. Une qui broie le coeur à son souvenir. Une qui me donne envie de m'enterrer six pieds sous terre. Papa se précipite vers moi pour me soutenir avant que je ne m'écroule sous mon poids. Je pleure. Pour de bond. Cela faisait si longtemps que ça ne m'était pas arrivé que j'ai l'impression que je ne pourrais jamais m'arrêter. Les larmes qui coulent sur mes joues sont pareilles à des lames, glacées, coupantes, violentes.

« Gabin, qu'est-ce qu'il se passe ? s'affole-t-il.

- J'ai... Per-du Ca... Camille, Papa... Je l'ai per... Du...

- Chut... Respire Gaby. Ça va aller, je te le promets. »

Ses bras étouffent mes sanglots mais n'empêche pas mon coeur de se briser entièrement au souvenir de Camille qui n'arrivait plus à respirer non plus. Sauf que personne ne l'a réconforté, lui. Il s'est retrouvé noyé sous mes propos, et je n'ai pas tendu la main une seule fois. En lui hurlant dessus, j'essayais surtout de me convaincre moi-même. Je lui ai dit ce que j'ai eu peur d'entendre. Je l'ai blessé parce que je ne voulais pas découvrir la douleur que ces mots me laisseraient s'il décidait de les utiliser contre moi.

Mon père me guide vers mon siège tout en me répétant que si ça ne va pas, on ne repart pas. « On peut attendre, aller prendre un peu l'air ou au cinéma si tu préfères. ». Sauf que la seule chose dont j'ai envie, c'est de me rouler en boule dans mon lit et de me réveiller pour oublier ce cauchemar. C'était ton choix, me rappelle ma conscience, je t'avais dit que tu regretterais avant d'avoir dit « ouf ».

Je me déteste. Pour une fois que quelqu'un m'aimait pour qui j'étais, il a fallu que je gâche tout d'un gros coup de pied. Que je gâche tout sur des peurs infondées. Il a suffit d'un mot, d'un putain de mot de travers pour je décide de tout balayer. Il a fallu que nous nous retrouvions pour que j'écarte pour de bon tout ce qu'on essayait de construire.

Quand je rentre chez moi, ma mère m'attend, son éternel sourire aux lèvres et un plat de petits gâteaux dans les mains. Ma sœur apparaît derrière elle, heureuse de me revoir, le ventre bien arrondi. Pourtant je n'arrive pas à leur rendre leur mine réjouie. Un sourire crispé sur les lèvres je marmonne un « hey » à peine audible et pars me réfugier dans ma chambre la tête basse. Je sais que mes yeux rouges n'ont échappé à aucunes des deux femmes qui me connaissent le plus.

J'entends la porte d'entrée se refermer sur mon père et une discussion à voix basse se dérouler, mais je n'essaie pas de comprendre le sens des mots. Parce que ce sera juste un rappel, une fois encore de ce qu'il s'est passé il n'y a pas une heure encore.

Alors je m'étale dans mon lit et me recroqueville, mon coussin dans les bras, en attendant que le sommeil m'emporte loin des phrases que j'ai prononcées. Loin des atrocités que je lui ai hurlées. Loin de tout, loin de moi. Je veux seulement m'envoler de mon corps qui souffre et regrette chacune des syllabes qui ont franchies mes lèvres.

Mon téléphone vibre à l'apparition d'une nouvelle notification.

De Logan :

Notre français préféré est bien rentré ?

La notification apparaît sur un fond d'une photo floue que je pourrais dessiner de mémoire tant je l'ai regardé cette dernière semaine. Camille sur mon dos, nous rentrions de la soirée d'anniversaire de Darek accompagné de Jules. Nos deux corps enlacés me narguent et je laisse les larmes troubler ma vue au souvenir de son rire. Je serre l'appareil contre moi, comme pour essayer de me transporter à nouveau là-bas.

Je suis pathétique.

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant