Chapitre 18 - Camille

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Et quand ?
Dis-moi seulement quand, à deux nous feront qu'un

Risque de toi - Eddy de Pretto

*

Lorsque j'entends la porte de la chambre se refermer, je m'autorise à ouvrir les yeux. Il m'a laissé seul. Il est parti comme si une mouche l'avait soudainement piquée. Un goût amer se répand dans ma bouche sous la crainte qu'il regrette. Je pensais qu'il m'appréciait plus qu'un simple coup de soir. Qu'il m'appréciait vraiment même. Je me crois réellement dans un conte de fée. Pourtant ces gestes paraissaient si sincères...

Je m'assois, entoure mes jambes de mes bras, ma tête repose sur mes genoux. Je me sens vraiment con. Et triste aussi, dans le fond. Je commence à me rhabiller lorsque j'entends du raffut en bas. Je crois reconnaître les voix de Julie et Ben ainsi que celle de Gabin à peine réveillée. Quelques secondes après, j'entends le bruit plutôt reconnaissable d'une machine à café en marche.

Je commence à descendre, mon sac dans les mains lorsque je m'arrête, bien trop surpris par le ton inquiet de la voix de Gabin quand il reprend la parole.

« Papa, maman...

- Que se passe-t-il, chéri ? s'étonne Julie.

- Je... J'ai besoin de vous parler de quelque chose, fait-il des trémolos dans la voix. »

Je reste bloqué dans l'escalier, cloué par la curiosité. Un miroir reflète la cuisine et je peux mesurer l'anxiété de Gabin vis-à-vis de son annonce à la simple façon qu'il a de passer frénétiquement la main dans ses mèches blondes tout en les tirant légèrement.

« Je suis désolé avant tout de ne pas avoir eu le courage de vous l'annoncer avant... Je... C'est nouveau. Mais vraiment important.

- Tu veux qu'on s'asseye ? questionne Ben.

- Ouais, s'il te plaît.

- Mon plat ne sera pas réussi, vous êtes prévenus, rigole Julie. »

Gabin ne sourit pas, ne relève pas. Son attitude bien trop sérieuse doit vraiment inquiéter ses parents parce qu'ils prennent vite place autour de la table.

« En réalité, il n'y a pas mille et une façon de le dire...

- Ce n'est pas grave au moins ? avance Ben en fronçant les sourcils.

- Je... Je crois que je suis amoureux. »

Ah, bah ça, alors. Mon coeur se brise sous ses aveux. Je n'étais qu'un passe-temps, donc. Une larme silencieuse coule sur ma joue. J'ai la gorge serrée.

Julie se met à rire doucement tandis que Ben tente de ne rien laisser paraître pour ne pas vexer son fils.

« Oh, mais c'est une merveilleuse nouvelle ça ! s'exclame Julie en serrant la main de son mari.

Parle pour toi.

- Quel est le problème, Gabin ?

- Je... Ce n'est pas un problème, maman. Mais... Je... J'aime un garçon. Camille. J'aime Camille. Je suis gay, en fait. Désolé, si vous êtes déçus... Ou que... Vous n'approuvez pas. Ou... »

Ma respiration se bloque. Il aime Camille. Camille. Moi. Je suis vraiment bête.

« C'est récent. Vraiment récent. Il m'a montré ce que ça faisait d'apprécier quelqu'un au-delà des liens familiaux. Je me suis rendu compte qu'avant ça, je ne l'avais jamais vécu avec tant d'intensité. Mais j'ai... Déconné pendant de nombreux mois depuis, tout ça parce que je ne voulais pas voir les choses en face. Ce ne sont pas du tout les comportements que vous m'avez enseignés, mais j'étais mal, j'avais peur, j'ai honte encore aujourd'hui... Je crois vraiment que c'est la personne que j'ai le plus aimé en si peu de temps. Je n'aime pas vous cacher quelque chose qui me rend si heureux. En fait, ce qui me rendrait vraiment joie serait qu'il vienne, que vous lui fassiez passer le test du parfait petit copain, que tu fasses des blagues maladroites auxquelles il rirait nerveusement, papa, que tu l'assommes de questions toutes plus indiscrètes les unes que les autres, maman. J'aimerais vraiment que vous l'acceptiez en tant que mon petit ami. Que vous l'aimiez presque autant qu'il compte pour moi... »

Ma main empêche mes larmes de tremper ma chemise plus qu'elle ne l'est déjà. Voilà ce qu'amène la fatigue : une hypersensibilité à toute épreuve.

« Oh, Gab' ! Qui que tu aimes, tu restes avant tout notre fils adoré. Tu n'as aucune raison de t'inquiéter, commence Julie rassurée, Tu es et seras toujours le même.

- On t'aimera toujours, complète son père, tu n'avais pas besoin de tant t'inquiéter pour nous le dire, rien ne change. »

Ils se lèvent et entourent mon copain en le serrant dans leurs bras. Il s'essuie furtivement une larme qui déboule sur sa joue.

« Et puis, soyons honnêtes, on avait remarqué que tu étais dans la Lune depuis quelques mois, puis d'un coup, tu t'es mis à sourire en permanence. Entre ça et ton renouement avec Camille, j'avais deux options entre la joie que tu avais de retrouver ton ami ou une toute novelle relation... rit Julie en s'écartant pour remuer de nouveau sa sauce.

- Bon et si tu proposais à ton chéri de passer son premier repas ici en tant que tel ? propose Ben joyeusement. »

Gabin acquiesce sans quitter son sourire rayonnant. Lorsqu'il part en direction du canapé, il m'aperçoit du coin de l'oeil et je me rue dans ses bras en lâchant mon sac d'une main. Il me serre contre son torse nu et j'enfouis ma tête dans son cou.

Nous savons tous les deux que cette étreinte signifie tellement plus que des mots, c'est ma manière de lui prouver ma reconnaissance et la sienne de me répéter encore une fois le discours qu'il vient de tenir. Il s'écarte pour glisser son pouce sur mes joues pour effacer mes larmes, et m'embrasse tendrement. Ses parents rient de toutes ces émotions et je rougis.

« Tu restes manger Camille ? interrompt Julie, souriante.

- Avec plaisir, je réponds avec un enthousiasme débordant. »

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant