Le jour où on rejoindra les étoiles

Chapitre 10 - Gabin

Trop tard même si je m'en rappelle, j'ai jamais su te dire à quel point je tiens à toi
J'suis le plus froid de tous les hommes
Mais tu peux tout lire dans mes yeux
Dire je t'aime c'est pour les autres

3WW - alt-J (ft. Lomepal)

*

Je traverse le jardin bondé pour revenir dans le salon, et retrouver mon meilleur pote. Éric est dans la cuisine en train d'essayer des mélanges de tout genre. Je grimace à leur vue mais ne fais aucun commentaire.

« Ah ! Voilà votre hôte préféré, clame-t-il dès qu'il m'aperçoit, déjà bien éméché. Tu ne veux pas essayer un de mes réputés cocktails ? me glisse-t-il une fois que j'arrive à sa hauteur.

- Euh, non merci, Éric. Essaie de ne pas empoisonner tout le monde, si tu peux.

- Hé, il faut te décoincer, Gab' ! Depuis que tu es revenu de ta sortie avec Camille, on dirait qu'une statue de glace a pris possession de ton corps, je te jure que je suis à deux doigts de brandir une allumette vers toi dès que je te croise...

- Je ne sais pas ce que tu as bu, mais arrête de suite, conseil d'ami, réplique-je agacé par la mention de mon trouble. »

Certes, je ne suis pas très bavard depuis l'incident du supermarché, mais ce n'est pas une raison de me le rappeler à tout bout de champ. Le malaise ambiant qui s'est installé entre Camille et moi suffit déjà amplement. Le trajet du retour a été glacial. Et depuis, je fais tout pour l'éviter, ce qu'il a remarqué après m'avoir adressé un regard d'incompréhension que j'ai, bien sûr fait semblant de ne pas remarquer. Je suis juste honteux d'avoir de nouveau cédé à des pulsions que je croyais bien enfouies. J'étais prêt à l'embrasser, merde ! Et le pire, c'est que j'en ressentais vraiment l'envie, comme si... Comme si je le désirais, moi aussi.

Je chasse ces pensées de mon esprit qui commence à être un peu embrumé par la bière que je tiens dans la main. Je n'ai pas l'habitude de boire mais Darek a insisté et j'avais vraiment envie de m'évader un peu d'une certaine personne.

« Gab', arrête de fixer Camille comme si tu allais le mordre, je te promets que ça devient flippant, ajoute mon ami en chuchotant. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais calm down.

- Hum, grogne-je en me détournant sans plus de démonstrations. »

Et si ce soir, j'en avais marre, tout simplement marre de faire semblant ? Et si ce soir, je décidais de craquer, une fois pour toutes ? Et si ce soir, j'avais envie de baisser les armes ? Et si ce soir, je m'écoutais, je veux dire, vraiment, j'écoutais mes désirs les plus profonds ?

Hors de question.

Je prends une gorgée de la boisson que j'ai entre les mains tout en continuant de réfléchir. Et si, j'arrêtais de réfléchir, finalement ? Que se passerait-il ? Est-ce si mal d'avoir adoré les frissons qui m'ont traversés ?

« Gabin, tu nous suis ? On va s'asseoir dans le jardin, m'avertit Éric en fronçant les sourcils après une brève analyse de mon air perdu.

- Ouais, j'arrive. Deux minutes, dis-je en partant en direction de la baie vitrée inverse. »

Une fois dehors, je me laisse tomber sur les fesses en soupirant. Pourquoi tout est si compliqué ? La brise d'air frais me rassure. Presque. Les voix des invités ne sont plus qu'un murmure ambiant de là où je me trouve. C'est calme. J'apprécie ce moment de sérénité en fermant les yeux.

« Oh, pardon, je ne t'avais pas vu, prévient une voix bien trop familière à mon goût. »

Je lève le regard vers lui, étonné.