Chapitre 3 - Camille

1K 71 14
                                    

I won't lie to you
I know he's just not right for you
And you can tell me if I'm off
But I see it on your face
When you say that he's the one that you want
And you're spending all your time
In this wrong situation
And anytime you want it to stop

Treat you better - Shawn Mendes

*

Mes cahiers d'histoire au bout des bras, je m'efforce de marcher sans renverser mon plateau repas où tangue une mixture appelée « soupe » par le menu. Je n'ai jamais été un grand fan de potage mais là, je n'ai qu'une envie, c'est de poser ce bol aux côtés de ma tendre et douce meilleure amie qui, elle, raffole de ce breuvage.

Jules me fait un signe de loin et me montre du doigt. Les filles se retournent hilares, mais amies indignes qu'elles sont, aucunes ne vient m'aider et je souffle. Notre table, c'est un peu un téléfilm américain idiot : Addison, la grande métisse toujours enjouée, toujours tentée dans l'aventure et la nouveauté ; Marie, la brune qui se la joue sombre, froide, solitaire, et bien trop au-dessus de notre monde de pauvres mortels mais qui se révèle être la plus immature du groupe tout en restant à l'écoute dans toutes les situations ; Jules, grand sportif basketteur, une mèche toujours devant les yeux lui permettant d'illustrer son je-m'en-foutisme permanent, tombeur professionnel auprès de ces nombreuses admiratrices qui a pourtant eu plus de fois le cœur brisé qu'il n'en a fissuré lui-même, et qui malgré tout, reste un bon gros geek imbattable sur toutes les sagas du style Star Wars ou Game Of Thrones...

Et puis il y a moi. Le bon copain de tout le monde. Le gars discret. En réalité, je ne sais pas vraiment ce qui me différencie des autres. Dans ces films américains, je dois peut-être jouer le figurant qui prend la parole une fois pendant le cours d'économie. Je suis le gars sans histoire qui s'est fait remarquer seulement lorsqu'il s'est absenté pendant quelques jours, l'année passée pour une histoire dont personne n'aura eu le fin mot. Mais ça me va, je n'ai jamais voulu chercher à me démarquer et ce n'est pas un regret.

Je m'assois sur la chaise libre et tente de reprendre le fil des discussions déjà bien entamées tout en faisant glisser la bouillie tant vénérée par Marie de son côté.

« ... Et tu aurais vu à quel point il était énervé, sérieux ! finit Jules.

- Je ne le pensais pas du tout comme ça, pourtant. Les seules fois où je l'ai croisé dans le couloir, il se décalait toujours un peu, comme s'il avait envie de disparaître tu vois ? répond Marie tout en me lançant un vague « merci ».

- C'est de ta faute. Tu as vu comment tu fixes les gens ? Même à la douane, ils sont plus conciliants ! affirme Addison en riant.

- De qui vous parlez ? je demande la bouche pleine de petits pois.

- Le pape, Camille, le pape.

- Le pap... ? dis-je étonné.

- Tu n'es pas réveillé toi ce matin ! s'esclaffe Jules tandis que mes amies rient.

- C'est ce devoir d'histoire qui me stresse...On n'est qu'au début de l'année et je commence l'année avec deux gros cartons... Du coup j'ai révisé toute la nuit et j'ai pourtant l'impression d'en connaître encore moins qu'avant...rétorque-je. »

Jules me tapote le dos avec des propos motivants pendant que Marie et Addison s'efforce de me rassurer sur le fait que ne t'inquiète pas, il faut toujours un peu de temps pour se remettre dans le bain, on est tous dans le même cas...

Je leur renvoie un sourire presque convaincu et la conversation repart de sitôt.

*

Une fois que nous finissons de manger, je commence à me lever mais une main sur mon épaule me retient fermement. Je me tourne vers son propriétaire et lève les yeux pour découvrir le capitaine de l'équipe de basket qui me fait face.

« Hey, Gabin. Tu veux quelque chose ? demande Jules à son coéquipier.

- Salut Jules. Vous me laissez avec Camille un instant s'il vous plaît ? s'adresse-t-il à mes amis sans détourner son regard du mien, sa main ne desserrant pas mon épaule. »

Ils acquiescent quand je lorgne vers eux, d'un air faussement assuré. Gabin attend qu'ils disparaissent de notre vue pour se pencher vers moi.

Mon cœur bat à cent mille à l'heure tant par l'anxiété de ce qu'il va m'annoncer que par sa proximité. Il prend tout son temps pour s'asseoir sur la chaise laissée vide par Jules quelques instants plus tôt et continue de me fixer.

« Bien, commence-t-il, ce ne sera pas long mais on va mettre les choses au clair. Premièrement, si tu penses que ce qui s'est passé avant l'été signifiait quelque chose, tu te trompes. Compris ?

- Tu me prends pour un imbécile ? dis-je en déglutissant.

- Possible. Bon, deuxièmement, si tu penses que tu seras admis dans l'équipe des Hawks, arrête de rêver. L'entraîneur m'a mis au courant de votre petite discussion et jusqu'à nouvel ordre, je participe au recrutement des nouvelles têtes. Et fais-moi confiance, je ne ferais pas rentrer un gars comme toi dans mon équipe.

- Comme moi ?

- Ne fais pas l'idiot. Tu sais très bien ce que je veux dire. En plus, rassure-toi, je vais faire en sorte de croiser le moins possible ta sale tête de l'année. Tu n'auras pas à freiner tes pulsions sexuelles de puceau. Enfin, dernièrement, arrête de prendre cet air choqué que tu arbores maintenant. Bien sûr que non, je ne vais pas te rendre l'année facile après ce que qui s'est passé. Camille réveille-toi deux minutes, le monde n'est pas que bonbons et paillettes en forme d'arc-en-ciel. Je pensais que tu avais compris ça quand Hazel est m-

- Arrête, le coupe-je brusquement, j'ai compris, c'est bon. Merci. Au revoir, Gabin.

- Je te pensais plus fort, j'avoue, ricane-t-il en se levant.

- C'était une erreur, ok ? J'étais bourré. Et je n'étais pas le seul. Tu ne veux pas passer au-dessus ? »

Il ne me répond pas, commence à s'éloigner d'un pas trop assuré pour être vrai et j'ai le droit à la vue sur son dos d'où l'aigle du pull de l'équipe me nargue. Je donnerais beaucoup pour reprendre ce vêtement du capitaine, juste quelques minutes, et m'y enfouir pour échapper à ses yeux méprisants mais garder son parfum enivrant.

« N'y compte même pas ! crie-t-il une fois au bout de la cafétéria, et il me faut quelques minutes pour comprendre à quoi il faisait référence. »

Je soupire. Comment ai-je pu oublier que Gabin a toujours le dernier mot ?

Le jour où on rejoindra les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant