Le jour où on rejoindra les étoiles

Chapitre 39 - Gabin

On prendra que ce qu'on est,
Que ce qu'on s'aime que ce qu'on sait, que ce qu'on s'ra
On s'entête et moi je veux nous deux contre l'reste du monde

Nous deux contre les reste du monde - Ben mazué

*

Je ne pensais pas le revoir de sitôt. Certes, il fait partie de l'équipe mais je faisais confiance à Éric pour ne pas m'emmener dans la gueule du loup de suite. Deux semaines se sont écoulées entre temps mais il n'a pas cessé de chercher à m'éviter, et au fond, je crois que j'ai fait pareil aussi. À chaque fois que je le croise, j'ai une boule au ventre, parce que c'est ma voix qui résonne dans ma tête. Tu me dégoûtes.

Les gars ont insisté pour que nous passions la journée tous ensemble, comme avant, avait souligné Darek en me fixant du regard. Je n'ai pas eu la force de refuser. Nous n'avons pas fait une sortie entre nous depuis des semaines et je ne peux pas nier que ça me fait plaisir de passer du temps avec eux.

D'autant plus que j'ai bien vu que l'ambiance qui règne est bien différente. Dans les vestiaires, les regards gênés me sont tous adressés, Darek fait tout pour ne pas se retrouver seul avec moi, rien n'a changé pourtant, j'ai l'impression que nous nous sommes tous éloignés les uns des autres.

Je triture nerveusement les bords de mon gobelet en fixant mon ancien copain. Il étudie les gestes de Jules qui lui explique comment lancer sa boule de bowling. Il paraît plutôt remis de notre-

« Bon, Gab', tu es avec nous là ?

- Oui, Darek...

- Première nouveauté ! Non, mais sérieusement, tu ressembles à une meuf qui vient de se faire larguer, c'est pathétique, répond-il avec son tact habituel, chiale un bon coup et passe à autre chose !

- Darek ! l'interpelle Jules en lui faisant les gros yeux. C'est ton tour, alors bouge tes fesses au lieu de sortir des conneries pareilles. »

L'intéressé lève les yeux au ciel et avance vers la piste tout sourire. J'aperçois du coin de l'oeil Camille qui m'observe sans aucune discrétion. Je ne bouge pas mais il se détourne rapidement et repart en direction de la piste où Éric lui fait signe. Le traître. Je me retrouve seul, assis sur un de ces bancs en bois installés partout dans le bowling. Je sens que cette soirée va être longue...

*

Je reprends mon manteau dans les vestiaires et salue la dame à l'accueil. Je suis le dernier à sortir. Quand je passe la porte, je m'arrête un instant pour laisser à mes yeux le temps de s'habituer à l'obscurité. Les rues sont sombres et la nuit déjà bien levée. Le ciel est couvert et je ne serais pas surpris si les prévisions de pluie étaient justes cette fois-ci. Les lampadaires sont allumés et je distingue une ombre près de l'abribus. Je m'avance, envoyant un dernier message à mon père pour lui dire que je l'attends au sec.

Je prends place sur le banc et frotte mes mains l'une contre l'autre. Il fait froid. La silhouette se tourne vers moi et je lève mes yeux pour faire face à cet inconnu pas si inconnu que ça.

« Camille... »

Il me dévisage et se détourne. Je suis presque certain que ma voix a tremblé. Le froid évidemment. Puis, sans que je ne m'y attende, il s'installe à côté de moi. Je suis surpris mais décide de ne rien laisser paraître.

Il me tend un pull que je reconnais instantanément.

« Prend-le. Celui qui me l'a confié m'a dit qu'il aimait bien que je garde quelque chose de lui au cas où. Mais là, il te sera bien plus utile à toi qu'à moi...