Le jour où on rejoindra les étoiles

Chapitre 38 - Camille

I had all and then most of you
Some and now none of you
Take me back to the night we met

The night we met - Lord Huron

*

Ça fait une semaine que j'attends quelque chose qui n'arrivera pas. Gabin m'ignore, je l'ignore, et il n'y a que dans les Hawks que ça a commencé à poser problèmes. Plus personne ne fait semblant de ne pas connaître notre relation, et bien que j'ai parfois le droit à des regards curieux dans les couloirs, je n'ai encore jamais eu le droit à des remarques. Encore heureux. Qu'est-ce que ça peut bien leur faire de savoir qui j'embrasse ?

Depuis que nous sommes rentrés, je loupe chaque entraînement où je sais qu'il sera, et j'ai comme l'impression qu'il fait de même. Des remords, Gabin ? Réfléchis un peu, la prochaine fois, connard. Malheureusement, nos manigances n'ont pas échappées au coach Davis qui ne se dérange pas de rappeler que les histoires de culs, c'est dehors.

Dans l'équipe, tout est déréglé, entre Gabin et moi qui ne sommes jamais ensemble sur le terrain, Darek que je n'ai pas vu se pointer depuis la rentrée, l'ambiance pesante qui traîne sur nous dès que le sifflet résonne, je n'arrive pas à reconnaître l'équipe dans laquelle j'ai été admis en début d'année, et, à voir la mine dépitée de M.Davis, lui non plus.

Il siffle un coup alors que le ballon part de l'autre côté du terrain.

« Stop, venez vous asseoir, ordonne-t-il. »

Nous trottinons vers lui, curieux de savoir ce qu'il a à nous dire.

« Je vais y aller cash, qu'on n'y passe pas la soirée : vous êtes nuls, souffle-t-il.

Pardon ? Bien qu'il n'est jamais été très fin, je n'avais jamais pensé qu'on aurait le droit à ce genre d'engueulades.

- Où est passée votre cohésion de groupe, pu-... naise ?

- Entre les jambes de notre capitaine et Camille, m'sieur ! hurle une voix que je n'ai pas entendu depuis longtemps.

- Darek, t'abuses ! rétorque Éric.

- Non. Non, c'est vous. Toi, toi, toi, et toi, commence-t-il en nous montrant du doigt chacun notre tour. Et l'autre crétin qu'est pas foutu de se pointer quand son ex se trouve dans un périmètre de moins de trois kilomètres. C'est vraiment ça que vous voulez ? Des histoires qui prennent la tête à tout le monde ? Un championnat foutu pour des gamineries ? Mais, merde, quoi, deux minutes. On n'est pas ça, nous. On l'a jamais été, et on va se reprendre très vite, parce que j'en ai marre de voir une équipe de chouineurs.

- Darek, tu peux comprendre que c'est compliqué comme situation pour Gabin et Ca-

- Compliqué de quoi ? Est-ce que je suis venu vous faire chier sur le terrain quand j'ai eu des problèmes avec Noémie ? Non, je ne crois pas. Donc on se reprend, et qui vivra verra où ça nous mènera. Pour ceux qui veulent rester les bras croisés, la sortie, c'est là-bas, merci. Et tu m'excuseras, Camille, mais là, ce n'est pas possible autrement. »

Je hausse les épaules pour montrer que ce n'est pas grave, mais dans ma tête, j'ai envie de hurler que non, tout ce que tu viens de dire me touche vraiment parce que je le sais, putain. Que j'ai beau essayer de faire comme si je m'en foutais, en réalité, j'ai très bien entendu le message vocal de Darek à Jackson où il lui disait qu'il ne voulait plus se changer dans les vestiaires parce qu'il y avait des « pédés » et que ça leur donnerait des idées -on ne sait jamais-. Que même si je montre que je passe au-dessus, oui, les regards lourds de sous-entendus me pèsent. Et par-dessus tout, j'aimerais que les gens se remettent à utiliser mon prénom plutôt que de m'appeler comme « le mec gay, t'sais ».

Et je le hais, lui qui hante mes pensées comme un esprit malsain, lui qui m'a abandonné au moment où j'aurais le plus eu besoin de son aide, lui qui fait comme si c'était trop dur de me regarder en face alors que c'est lui qui a mis un point à notre histoire. Je le hais de ne pas être là en ce moment, parce qu'à deux, c'est tellement plus simple de surmonter une épreuve, et que, même si j'ai des amis en ors qui font tout pour m'aider, il n'y a que lui qui pouvait comprendre.

« J'suis désolé, j'avais oublié que je dois aider ma mère ce soir. Je vous laisse, bon entraînement. »

Et je me casse comme le gros lâche que je suis. Alors qu'une larme roule sur ma joue, j'entends des voix qui m'appellent, mais je décide de ne pas les écouter pour une fois, et bordel, que c'est agréable.

*

« Bonjour, mon chéri.

- Salut mam'.

- Ta journée s'est bien passée ? me demande-t-elle avec douceur.

- Hum.

- Tu ne devais pas avoir entraînement ?

- Si mais il s'est fini plus tôt, je mens pour m'éclipser plus vite.

- Tu viendr-

- Désolé, je suis crevé, je vais me coucher, bonne nuit à tous ! »

Une heure plus tard, c'est une petite main qui touche mon visage qui me réveille.

« Cami, tu es triste ?

- ... Ta journée s'est bien passée, Charlie ?

- Oui. »

Comme il n'ajoute rien, j'insiste :

« Qu'est-ce que tu as fait ?

- J'ai pleuré, annonce-t-il de but en blanc, me serrant le coeur par la même occasion.

- Pourquoi tu as pleuré ?

- Parce que tu es triste tout le temps, maintenant. Et moi, je suis triste pour ça. Je préfère quand tu souris fort, dit-il en étirant les commissures de mes lèvres. »

Je lâche un rire.

« Pourquoi Gabin ne te fait pas souri ? Tu es heureux tout le temps avec lui.

- Gabin est... C'est compliqué.

- Vous êtes plus amoureux ?

- Oui... En quelque sorte, oui. C'est compliqué, tu sais.

- Tu peux lui offrir une fleur, ajoute-t-il d'un air grave.

- Une... Fleur ?

- C'est ce que j'ai fait à mon amoureuse pour ne pas qu'elle me quitte quand j'ai mis de l'eau sur sa robe.

- Oh ! Et ça a marché ?

- Oui. Essaie, toi aussi. »

Je souris et prend ce petit bout d'ange entre mes bras.

« Merci.

- Pour la fleur ?

- Pour tout. Tu es un petit garçon adorable. »

Il se détache de moi, vexé.

« Pas petit, j'ai cinq ans d'abord, fait-il avec une moue en illustrant le chiffre avec ses doigts.

- Oh, pardon, fais-je en riant. »