Le puits de guerre #4

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La haine. La haine et la tristesse. C'était tout ce que ressentais Dean depuis des jours. Il regardait son poignet avec abus, comme un drogué dont la dernière dose remontrait à plusieurs semaines. Il avait cherché, il avait refait son chemin, réfléchi, re-parcouru les derniers lieux où il avait pu le perdre, mais rien. Impossible de remettre la main sur ce fichu bracelet.

Cette haine et cette tristesse c'était rajoutée à celle qu'il avait déjà amassée depuis les dernières semaines et Dean éprouvait un mélange d'émotions contradictoires: fatigue, confusion, excitation et peur d'une nouvelle agression...

Ca n'avait plus aucun sens, comment était-ce arrivé? Comment la guerre là-bas au loin pouvait-elle avoir un effet d'attraction et la camaraderie devenir repoussante? Dean était sûr d'une chose, actuellement, il aurait préféré être quelques mètres plus loin, dans le no man's land, a se battre pour survivre, le corps en sang, le nez pollué par les odeurs qu'ici, entouré de ces six types qui voulaient lui faire la peau.

Alexander avait succombé à ses blessures, on lui avait jeté à la figure que c'était de sa faute, qu'il n'avait pas été assez rapide pour ramener l'eau qui aurait dû lui servir pour nettoyer sa blessure. Et ce prétexte avait suffit pour qu'ils s'acharnent sur lui comme ils l'avaient secrètement espéré depuis ce jour où Thomas avait reçu son courrier.

Dean n'avait pas pu le lire, mais il en avait vu quelques mots en fouillant dans les affaires de cette ordure. Il avait juste vu le cachet du général en chef des armées qui avait approuvé ce courrier écrit de la main d'un haut gradé au centre des armées. Haut gradé qui avait un lien fort avec Thomas Krüger. Et le peu qu'il avait pu voir, pointait du doigt Dean comme un dépravé. Un déréglé. "Une tapette" comme l'avait-on décrit.

"Ils ont fait une enquête sur moi?!", s'était-il offusqué. Et puis avant qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, trois des plus proches amis de Thomas l'entouraient.

Ils n'avaient rien fait. Ils étaient juste restés là, comme-ci le monde s'était arrêté de tourner un instant et que plus rien autour n'était réel. Et ils souriaient, d'abord Dean s'était senti rassuré, mais bien assez vite, il s'était vite senti mal à l'aise et il avait fini par se rendre compte que ces sourires n'avaient rien d'amicaux, les rictus mauvais qu'ils avaient pris se portaient aussi bien que leurs casques. Ils cachaient quelque chose d'autre dessous, et même si Dean avait réussi à s'en sortir juste avec un croche-pied lui valant une belle chute dans la boue, maintenant, il ne dormait plus, effrayé à l'idée de se retrouver pendu les pieds en l'air ou même de s'être fait enterré vivant.

Qu'est-ce qui le retenait ici? De toutes manières, il ne survivrait pas à la guerre et si ce n'était pas elle qui le tuait ce serait ces hommes, qui peut-être suite à un manque évident d'affection, finiraient par s'en prendre à lui.

Dans la soirée de vendredi, ils s'étaient mis à faire des allusions déplacées, prononcées limpidement dès que le plus jeune du régiment se trouvait à quelques pas. Même si Dean s'efforçait de ne pas s'en inquiétait, il devait se l'avouer, au plus profond de lui-même, il avait terriblement peur de ce qu'ils pourraient lui faire.

Sous la chaleur soudaine, il n'avait même pas osé ouvrir son uniforme ou même retirer son casque, il disait que c'était pour être prévenant, personne ne savait quand les bombardements reprendraient, mais il le savait et eux aussi : c'était pour une toute autre raison.

Il regarda le bâton planté dans le sol et se pencha en avant pour observer l'ombre. C'était quelque chose que Ed lui avait appris parmi tant d'autres. Le cadran solaire affichait le milieu de l'après-midi. Il allait devoir attendre encore plusieurs heures pour y retourner. Le temps paraissait long, beaucoup trop, les jours se confondaient, les minutes devenaient des années et la faim, de plus en plus prenante l'avait fait s'évanouir deux fois, laissant son corps exposé aux ennemis du ciel comme de la terre. Un corbeau était venu lui planter son bec dans son mollet le faisant bondir immédiatement. Depuis, il arborait un petit trou dans la peau comme un trophée alors qu'il n'avait fait qu'être mangé comme un déchet.

OS Destiel & MultiverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant