Cher journal, je me suis réveillée ce matin avec la délicieuse surprise de trouver ma chère Diana dans notre chambre. Nous n'avions guère le temps pour les grands récits aussi nous dûmes attendre le soir pour nous confier nos histoires respectives à l'abri des oreilles indiscrètes.
À la vue du sourire indétrônable de Diana j'avais compris que sa fin de semaine avait dû être mémorable. Et à sa façon de joliment rougir, je compris qu'il y avait eu bien plus que ce qu'elle n'osait m'en dire ou qu'elle voulait se l'admettre.
Comme il fallait s'y attendre, sa mère l'a sermonnée tout le vendredi sur ce qu'une demoiselle respectable pouvait et surtout ne pouvait faire. Sa longue diatribe prit fin lorsqu'ils arrivèrent chez la Tante Joséphine. Miss Barry a ce charisme qui, du haut de son grand âge, lui permet de dire ce qu'elle pense à qui elle veut, neveux et nièces par mariage compris!
Tante Joséphine fit directement une telle éloge de la famille de John et James qu'elle eut le mérite, aussi étrangement soit-il, de calmer tout aussi rapidement les craintes de la mère de Diana. Miss Barry les informa donc qu'elle avait invité la famille complète de ces deux jeunes gens à se joindre à eux pour un repas dès le lendemain.
Je ne sais qui des Barry devait être le plus excité. Le père qui allait être présenté à une famille d'ingénieurs de renom, la mère qui se demandait si elle avait prit les toilettes en conséquence, Diana qui ne savait qu'en penser ou Minnie May qui voyait cela sûrement comme un jeu?Quoiqu'il en soit, dès le lendemain matin, Diana fut ballotée par sa mère de commerces en boutiques dans toute la rue commerçante de Charlottetown afin de pouvoir lui trouver la tenue adéquate. Alors qu'elle me racontait, j'imaginais aisément la scène. Sa mère, exigeante sur les étoffes qui ne provenaient pas de Paris, Minnie May faisant des caprices et Diana soupirante et impuissante face à ces deux tornades.
Finalement le choix fut pratique, car, par manque de temps, elles durent se limiter au Prêt-à-porter local. Diana crut que son calvaire avait prit fin lorsqu'elle sortit de la septième boutique avec un grand carton dans ses bras, mais c'était sans compter les accessoires qu'il était semble-t-il indispensable d'acquérir. Diana a craint un instant ressembler à un présentoir de vitrine mais à son grand soulagement, sa mère opta pour seulement une paire de bottillons blancs et un châle assorti à sa robe. Il n'était pas prévu de sortir aussi le chapeau et le manteau pouvaient attendre.
À mesure que sa mère tournait autour pour l'apprêter telle une poupée, l'angoisse de Diana monta silencieusement en elle. Après tout, John n'avait jamais exprimé le moindre mot qui pourrait lui confirmer ses attentions envers elle. D'après ce que j'ai compris, elle se sentait prise dans un guet-apens où les éléments s'accéléraient autour d'elle sans pouvoir arriver à les freiner.
Ma pauvre Diana, elle qui est calme et douceur. Je sais qu'elle n'est pas contre un peu d'aventure mais là il s'avérait qu'elle n'était maîtresse de rien.Diana fut donc crispée durant tout le repas. Les deux paternels ont vite trouvé des conversations toutes masculines auxquelles prenaient part parfois John. Mrs Barry flattait de manière bien trop peu discrète Mrs McDonald qui, d'après Diana, n'en prenait pas ombrage. Tante Joséphine, Cole et James parlaient poésie, Minnie May gigotait sur sa chaise et ma douce Diana restait bien esseulée au milieu de tout ce beau monde. Je voyais parfaitement le tableau.
Mais le reste de la journée prit une tournure à laquelle mon amie ne s'attendait guère. Les invités proposèrent de sortir par cette froide soirée afin de se rendre à des festivités dans le quartier irlandais à la lisière de Charlottetown. Mrs Barry fut un peu outrée à l'idée d'aller de nuit dans un quartier populaire et ce la veille même de la Toussaint. Mais Diana m'apprit que justement c'était parce que c'était la veille de « tous les saints » que cette fête d'origine celtique avait lieu.
Ce qu'elle m'en expliqua ne fit qu'accroître ma curiosité. Une marche aux lampions, des chants, des danses et de la soupe aux potirons!
Diana passa finalement une excellente soirée. Sa mère avait préféré rester auprès de Tante Joséphine, Mrs McDonald et surtout de Minnie May qui avait fait une crise de nerfs pour ne pas avoir été conviée à la sortie.
Dans une taverne installée à même le trottoir, les pères abusèrent peut-être un peu trop de whisky, laissant les jeunes profiter de la soirée à leur guise. John fut avenant auprès Diana, lui tenant le bras durant la marche et plus tard la faisant danser. Elle ne m'en raconta pas plus mais je vis à ses yeux brillants que la soirée avait été pleine de surprises.Le dimanche après l'office, les Barry ont retrouvés les McDonald devant le musée de la ville afin de visiter une exposition temporaire dont James et Cole avaient beaucoup parlé. Cette sortie là fut bien plus studieuse et raisonnable. Les pères étaient plus taiseux, probablement l'effet de quelque abus de la veille, à moins que ce soit du à une probable réprimande de leurs épouses. Mais cela donna aussi l'occasion à Diana de pouvoir parler avec John plus au calme tout en déambulant agréablement dans les différentes galeries.
Malgré les ombres de l'amour déchu de Sebastian et Muriel, je suis malgré tout heureuse. Non seulement j'ai passé trois jours auprès de mon cher Gil mais maintenant je sais que ma douce Diana a eu elle aussi des moments riches et agréables qui en augurent bien d'autres.
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Anne avec un e - Lettres et confidences
FanfictionFanfiction épistolaire qui fait suite à la dernière saison de Anne with an E. Les personnages sont issus du roman de Lucy Maud Montgomery et/ou de la série télévisée qui en est inspirée diffusée en trois saisons sur Netflix (2017-2020). Illustration...