Anne avec un e - Lettres et confidences

Lettre de Bash à Gilbert

Avonlea

Cher Gilbert,
J'ai bien reçu ta lettre et je me réjouis sincèrement pour Anne et toi. Tu as bien fait d'écouter ton cœur. Je me souviens très bien de la première fois où j'ai vu Anne chez les Cuthbert qui nous avaient gentiment invités pour Noël. Elle avait eu sa manière bien à elle de m'accueillir avec bienveillance et curiosité. Et toi tu n'arrêtais pas de la dévorer du regard! Elle est intelligente et généreuse, tout comme toi. Mary l'appréciait tellement et tu sais qu'elle ne se trompait jamais sur la bonté des gens. Ton secret sera bien gardé, je te le promet.

À mon tour de t'avouer le mien. Ces dernières semaines, je me suis fort rapproché d'une dame. Notre amitié est des plus agréables et comble doucement le vide que ma pauvre Mary a laissé. Cette personne a beaucoup d'affection pour Delphine, n'ayant pas eu elle-même d'enfant. Nous parlons des heures durant, nous pêchons, nous pique-niquons. Personne n'est encore au courant que nous nous voyons et c'est une gageure de garder cela secret sachant qu'on cherche désespérément à me voir remarié. J'ignore ce qu'elle ressent pour moi mais nos différences ne semblent nullement la déranger. Je me sens bien avec elle et je me demande chaque jour ce que le ciel a prévu pour nous.

Mary est toujours dans mon cœur, Gilbert. Je sais qu'elle aurait voulu que je ne reste pas seul à élever notre fille mais je ne peux m'empêcher de penser que d'une certaine manière je trahis ma promesse faite devant Dieu. Je me sens un peu perdu et je t'avoue que je n'ai personne d'autre à qui me confier.

Ma mère est des plus insupportables, même s'il ce n'est pas très charitable de le dire, surtout après tout ce qu'elle fait pour Delphine et moi. Mais ce qui est sûr c'est que ma mère jugerait inconcevable que je m'unisse un jour à cette dame, comme beaucoup d'autres à Avonlea, je le crains.

Delphine change de jour en jour et à dit « papa » pour la première fois avant-hier.

Ehlija est resté avec nous après les moissons. Il s'assagit doucement. Il adore sa sœur et c'est un soulagement pour moi. Il travaille dur pour mériter sa pitance et aide tous les voisins qui en ont besoin. Il m'a avoué qu'il essayait de mettre de côté le peu qu'il gagne pour rembourser tout ce qu'il t'a volé. Dans le fond, ce n'est pas un mauvais bougre et j'espère qu'il sait la chance qu'il a de vivre chez toi, avec nous.

Oui, les récoltes ont été excellentes et les moissons aussi. Tu n'as pas à t'inquiéter pour cela. Dis-moi si il faut que je t'envoie un peu plus.

PS: j'ai posé la question de la lettre à ma mère. Elle se souvient qu'une jeune fille correspondant à la description de Anne est venue et à écrit une lettre mais ne se souvient pas de ce qu'il en est advenu. Excuse-la, j'espère que ce n'était pas trop important.

Travaille bien Gilbert et deviens le meilleur des médecins. Ce ne serait pas un luxe d'en avoir un installé à Avonlea!

Prends soin de toi, mon frère.
Que Dieu te garde.
Sabastian