37.Trop d'erreurs ?

2K 126 139
                                    

POV ZEE

Assis sur les gradins, les muscles encore tendus après l'entrainement qui vient de se terminer, je laisse courir mon regard sur le terrain d'athlétisme en face de moi, une bouteille d'eau à la main. L'esprit serein, comme toujours après un effort intense, je ne remarque pas tout de suite qu'il prend place à côté de moi. Sans un mot, je lui tends la bouteille et il s'en empare, lui-même aussi muet que moi. Le silence nous entoure, comme à chaque fois que nous nous retrouvons à ce même endroit, une fois par semaine et ce depuis un mois.

Je ne sais même pas comment ça a commencé, mais depuis la conversation que nous avons eu quatre semaines plus tôt, nous avons pris l'habitude de nous assoir ici après nos entrainements respectifs, sans rien dire et pendant environ une quinzaine de minutes. Parfois il ramène de l'eau ou une boisson énergisante, parfois c'est moi, et nous restons plantés, là, nos culs posés sur ces gradins dégueulasses, à fixer l'horizon dans un mutisme total.

Je ne comprends pas trop ce qui me pousse à le rejoindre ici, je crois que son récit m'a chamboulé encore plus que je ne le croyais, peut-être parce qu'il me renvoie à ma propre situation. Je me doute que lorsque mon père apprendra ma relation avec Saint il ne voudra plus entendre parler de moi et je suis certain que ma mère le suivra dans ses décisions, quelles qu'elles soient. Néanmoins, en plus de Saint, je sais maintenant que je peux compter sur Chantira et d'après ce qu'elle m'a dit par téléphone, parce que oui nous nous appelons plus souvent maintenant, Malee me soutiendra tout autant quand elle sera au courant.

En fait je crois avoir pitié de lui, abandonné par ses parents, par son frère, par ses amants qui ne voient en lui qu'une relation d'une nuit. Paradoxalement je le méprise toujours autant et je ne parviens pas à oublier cette soirée d'horreur dans la chambre de Saint, cependant il semble tellement affligé par ses erreurs passées et par sa solitude que la compassion a pris le pas sur la rage. Puis... Il y a autre chose... En réalité, je ne fais pas non plus ça par bonté d'âme, je l'admets. Je ne peux m'empêcher de penser qu'en agissant ainsi, ça me permets de garder un œil sur lui, afin de m'assurer que plus jamais il ne se rapprochera de Saint. Ouais... Je suis vraiment une enflure.

- Pourquoi tu fais ça ?

Je sursaute en entendant le son de sa voix, étonné que pour une fois il prenne l'initiative de briser le silence qui nous accompagne depuis plusieurs semaines maintenant.

- Tu as pitié de moi ? C'est ça ? insiste-t-il sans détourner son regard du terrain.

Je ne réponds rien, je ne suis même pas sûr de connaitre les véritables raisons qui me poussent à le rejoindre, si c'est par empathie ou par sadisme, si j'ai de la peine de voir un mec aussi mal dans sa vie ou si ça m'enchante de me dire que moi je suis mieux loti que lui, que moi j'ai Saint dans ma vie. Si je suis quelqu'un de bien comme le croit Saint ou si je suis bien une pourriture comme je l'ai toujours pensé.

- Est-ce qu'il est au courant ?
- Non.

Mon ton est ferme afin de le dissuader de poursuivre son interrogatoire mais je comprends très vite que c'est sans effet, il est décidé à parler aujourd'hui.

- Pourquoi tu ne lui dis pas qu'on se voit ?
- Parce que je ne veux plus citer ton nom en sa présence, je veux qu'il oublie que tu existes, j'avoue d'une voix forte.
- De quoi tu as peur ?
- Et toi alors ? De quoi tu as peur ?

Pour la première fois en un mois, nos regards se croisent, et je peux deviner qu'il ressent le même dédain à mon égard que celui que j'ai pour lui.

- Pourquoi tu ne lui rentres pas dedans, à ton frère ?

Il arque un sourcil, visiblement très surpris par ma question.

The Moon and the SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant