38.Colère Tristesse Culpabilité

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POV SAINT

La tête contre la vitre, je regarde les gouttes d'eau tomber sur la route engloutie par l'obscurité. La nuit est bien entamée et je sais qu'il me reste encore de longues heures avant d'arriver à destination. Finalement je n'ai même pas pleuré, peut-être que je n'ai plus assez de larmes et que mon corps est en train de puiser un peu partout pour m'en refaire un stock complet. En fait je suis comme dans un état second, j'ai fermé mon esprit et je ne pense plus à rien, ainsi ça fait moins mal, enfin, je crois.

Je jette un rapide coup d'œil à l'heure affichée sur mon portable et me décide enfin à passer ce coup de fil, j'ai déjà trop attendu, je dois prendre mon courage à deux mains. Je lance l'appel et colle le téléphone à mon oreille d'une main fébrile, angoissé à l'idée de le déranger.

Après quelques sonneries, il décroche enfin.

"- Hey Saint ! C'est rare que tu m'appelles à cette heure-ci, tout va bien ?"

Le timbre rassurant de sa voix me réchauffe immédiatement le cœur et me confirme que j'ai eu raison de prendre cette décision.

"- Je... Je suis désolé de te déranger, vraiment, mais est-ce que je peux passer quelques jours chez toi ?
- Qu'est-ce qui se passe ? Tu as un problème ?"

J'entends tout de suite à son ton qu'il est inquiet, comme toujours avec moi, si gentil et protecteur.

"- Honnêtement... Ca va pas très bien...
- Tu viens quand tu veux Saint, mais il fait déjà nuit, tu comptes venir demain matin ?
- En fait je suis déjà dans le bus et j'arrive dans trois heures"

Un court silence accueille mes propos. Mince... Je débarque chez lui à l'improviste, c'est totalement impoli de ma part, j'aurais vraiment du le prévenir avant de prendre ce foutu bus ! Mais quand j'ai vu que ce serait le dernier de la journée et qu'il aurait fallu attendre demain midi pour le prochain, j'ai agi sur un coup de tête et j'ai foncé, emportant uniquement quelques affaires à la va vite.

"-Je viens te chercher à la gare, mon campus n'est pas loin.
- Je suis vraiment désolé de m'imposer comme ça et de...
- Arrête Saint ! Ca me fait plaisir de te voir ! Profite des trois heures restantes de trajet pour te reposer un peu, d'accord ?
- Promis !"

Il raccroche alors que je continue à fixer l'écran de mon téléphone, essayant d'ignorer le nombre toujours plus élevé d'appels en absence et de messages réceptionnés. Je suis bien évidemment soulagé mais en même temps j'ai le cœur lourd. Je n'ai écrit qu'un mot rapide qui disait que je partais quelques jours chez un ami, sans préciser l'endroit ou le nom de l'ami en question. Je sais qu'il va s'inquiéter, qu'il va s'en vouloir, qu'il va se détester mais je n'y peux rien, j'ai besoin de créer cette distance, tant physique que morale.

Bien entendu je n'ai pas non plus prévenu Tom et Jim car je devine que la première chose qu'il fera ce sera de leur poser la question. A la place, j'envoie un petit message à ma mère pour la tenir au courant, je ne veux surtout pas qu'elle se ronge les sangs par ma faute si jamais elle cherche à me joindre durant ses quatre jours. Je suis certain qu'il n'osera pas la contacter, car ce serait lui révéler qu'on traverse une crise.

Une fois le texto envoyé, j'éteins mon téléphone et le range tout au fond de mon sac, décidé à ne pas l'allumer jusqu'à la fin de mon séjour. Ma tête retrouve sa place d'origine, contre la vitre et je me laisse bercer par le mouvement régulier du car, le regard toujours perdu dans le vide. Dire que demain il a son match important, j'espère qu'il sera quand même d'attaque pour le disputer, je m'en voudrais atrocement si par ma faute il devait le perdre.

Sans que je ne m'en rende compte, je finis par m'assoupir et c'est le bruit fait par les autres passagers rassemblant leurs affaires qui me réveille. Un peu hagard, je les imite et descends prestement, plissant les yeux pour le repérer dans cette semi-pénombre. Soudain, je le vois, agitant les bras pour attirer mon attention tout en s'avançant dans ma direction, son doux sourire sur les lèvres mais l'expression soucieuse.

The Moon and the SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant