Chapitre trente-sept

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Lucius avait l'air d'un homme délabré. Il semblait ne pas avoir mangé depuis des jours, et ne pas non plus avoir changé de vêtements – ce qui n'était absolument pas le style Malfoy. Draco n'avait jamais vu son père autrement que propre sur lui, coiffé, parfumé, dans un costume noir, parfaitement ajusté, le regard haut et fier. Toujours élégant, toujours froid. Là, sous ses yeux, ne demeuraient que des lambeaux de cet homme passé. Il comprenait ce que sa mère avait voulu lui dire. Il ne restait plus rien de son père. Un esprit fou qui n'avait pas pu se remettre de sa chute. Sa voix ne tremblait pourtant pas, malgré son apparence faible ; elle portait dans toute la pièce, dure et glacée comme la voix de ses cauchemars.

Il se tenait dans l'embrasure d'une des portes qui donnaient sur le salon. Ses cheveux, autrefois longs, blonds et soyeux, étaient à présent rêches, emmêlés ; il lui en manquait même à certains endroits. Sa peau était parsemée de cloques noires, saupoudrées de cendre. Des brûlures ? des blessures de combat ? les marques laissées par l'utilisation de rituels démoniaques ? les traces de l'usage de la magie noire sur le long terme ? Bien que son corps donnât l'impression que c'était un homme brisé en mille morceaux, et donc peu menaçant, qui se tenait en face d'eux, Draco savait bien à quoi s'en tenir. Son père était le roi des faux-semblants. Et il suffisait de prêter attention à ses yeux, qui luisaient trop brillamment, pour voir que quelque chose ne tournait pas rond dans sa caboche.

Potter ne disait rien, mais serrait les poings si fort que ses doigts étaient blancs comme neige. Draco ne savait pas tellement quelle stratégie adopter. Lui sauter dessus ? lui lancer un sortilège suffisamment puissant pour le neutraliser immédiatement ? Lucius demeurait un sorcier doué, et il connaissait tout un pan de la magie qui leur était plus ou moins inconnu. Et s'ils s'enfuyaient réellement ? Tout cela était, il fallait bien le dire, probablement une très mauvaise idée, susceptible de très mal tourner. Cependant, maintenant qu'il était là, il devait trouver sa mère. C'était bien là la raison de sa venue. Il avait entraîné Potter dans ce bourbier pour une raison.

- C'est un plaisir de te revoir, Harry Potter, continua Lucius d'un ton doucereux à vomir.

Draco était dégoûté par la vision de ce sorcier, ce père qu'il n'avait jamais vraiment eu, ses lèvres qui formaient une moue amusée comme si tout ceci n'était qu'une vaste blague. Seule l'envie de retrouver sa mère saine et sauve lui permettait de contenir sa colère. De lui envoyer son poing en pleine face, il pouvait se retenir, mais il ressentait le besoin viscéral de s'assurer de l'état de Narcissa. Il n'avait jamais autant réalisé à quel point elle comptait pour lui. Certes, elle n'avait pas été très chaleureuse ni tendre, et n'était pas intervenue quand Lucius s'en prenait à lui, mais elle avait tout risqué pour lui l'année précédente, elle avait mis sa propre vie en danger, et elle était venue le voir à Poudlard pour le prévenir ; il ne pouvait pas la laisser tomber. Il ne se le pardonnerait jamais si quelque chose lui arrivait, et il y avait déjà tant et plus qu'il ne pouvait se pardonner.

- Où est ma mère ? cria-t-il.

Il n'avait plus vraiment peur ; c'était de la rage qu'il ressentait. De la rage contre cet homme qui avait gâché sa vie. Cet homme qui lui avait donné son nom et l'avait élevé, cet homme qui l'avait entraîné, qui l'avait poussé, tout au long de son existence, à devenir ce qu'il n'aurait jamais dû être. C'était fini. Il ne serait plus son pion. Il ne serait plus sa chose. Il ne serait plus son fils.

Lucius se léchait presque les lèvres de satisfaction de les voir ici, chez lui, dans son piège – Draco en était sûr. Son géniteur s'avança de quelques pas vers eux.

- Pourquoi aurais-je eu besoin de ta mère ici, quand il suffisait de t'écrire une lettre de quelques mots pour te faire venir ?

Draco s'étrangla. Aucune pensée ne pouvait prendre forme dans son esprit.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant