Chapitre vingt-neuf

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El était assise à ses côtés. La nuit les enveloppait depuis longtemps. C'était encore l'hiver, alors ils avaient amené avec eux une épaisse couverture dans laquelle ils s'étaient emmitouflés. Perchés en haut de la tour d'astronomie, ils avaient l'air de deux esquimaux dans un iceberg de couette. Les étoiles étincelaient avec une force telle que le soleil en aurait pâli.

- Comment tu te sens à l'idée de le revoir ?

Ils avaient parlé de tout et de rien, mais surtout du Gryffondor depuis qu'ils étaient montés. Cela faisait du bien à Draco de vider ses pensées. Il ne partageait l'intimité de son esprit que rarement – en réalité, il ne l'avait fait qu'avec El et Potter. Il lui avait beaucoup reparlé de ce moment seul avec Potter, dans sa chambre d'hôpital. Il était revenu sur son cœur qui battait la chamade, et son souffle qui s'accélérait, et puis cette seconde où il avait frôlé sa main. El l'avait engueulé à mi-voix lorsqu'il lui avait raconté qu'il s'était excusé pour le baiser. « Bordel, Malfoy, tu es un empoté de première classe ! ». Il lui avait ressorti leurs répliques qui s'enchainaient comme s'ils étaient des amis de longue date, comme si tout cela était aussi naturel que respirer. Puis, il lui avait annoncé ce que Weasley lui avait appris, plus tôt dans la journée – voire la veille, puisque minuit était passée.

- Comment je me sens ? fit-il.

Il avait répété cette question, comme s'il se la posait pour la première fois.

- Je ne sais pas encore, avoua-t-il. Tu sais bien que j'ai toujours eu du mal à cerner mes sentiments. J'imagine que je serai heureux de le voir en bonne santé, de voir que l'attaque – potentiellement fomentée par mon propre père – a complètement échoué. Mais je suis sûr que son retour va agiter les rumeurs de nouveau, et je suis fatigué rien qu'à l'idée de ce que je vais me prendre en pleine figure. Et puis, je suis tellement confus par rapport à ce qui s'est passé entre nous... enfin, tout du moins, ce que j'ai l'impression qu'il s'est passé. Il m'a dit de faire la paix... Faire la paix. Pourtant il sait bien qu'on ne peut pas tout effacer. Comment pourrait-on faire la paix ? C'est ce que je veux, je ne dis pas le contraire, c'est ce à quoi j'aspire ardemment sans me l'avouer, j'aimerais bien qu'on puisse tout mettre derrière nous, et se contenter d'être de simples personnes qui s'entendent bien et trainent ensemble.

- Vous n'êtes ni l'un ni l'autre de simples personnes. Et même si je ne crois pas un instant que vous resterez « amis » très longtemps, je pense que c'est une première étape vers la suite

- C'est quoi la suite ?

- Bah, tu sais, la suite c'est le pardon, l'acceptation, c'est avancer vers le futur, c'est devenir ce que vous êtes clairement destinés à être...

- Hein ? la coupa-t-il. De quoi tu parles ?

- Oh, Draco, espèce de prude. Il n'y a vraiment que vous deux pour ne pas voir à quel point vous allez bien ensemble.

- Par le barbe de Merlin ! s'écria-t-il, plus fort qu'il n'aurait dû. Tu es vraiment dingue !

- Mais non, je suis réaliste. Tout le monde sait ça. Sauf les homophobes, bien-entendu, ceux-là se voilent la face encore plus que vous deux.

- J'ai déjà accepté que j'étais amoureux de lui, je l'ai embrassé, El. Il m'a repoussé. Et samedi dernier, je lui ai dit que j'étais désolé ! Il doit croire que tout cela n'était qu'une erreur ! Il n'ira jamais s'imaginer que j'ai des sentiments pour lui. D'ailleurs, qu'est-ce qui te fait croire qu'il pourrait aimer un garçon ?

- Voyons, mon cher, les gens ne sont pas aussi hétérosexuels que tu le crois.

Elle lui glissa un sourire malicieux. Son visage, éclairé par la lueur argentée du croissant de lune, était harmonieux ; elle ressemblait à une perle. Rien ne trahissait un quelconque problème de santé. Draco n'avait pas envie d'aborder le sujet, mais cela le titillait, le tiraillait depuis ce qu'elle lui avait avoué. Prude, en effet il l'était dans tout ce qui touchait à un point sensible. Il s'était dit : tant qu'elle ne l'évoque pas, je ne dis rien. Mais les semaines passaient, et à présent ils allaient peut-être devoir faire face à des obstacles plus difficiles à surmonter que capturer l'odeur de Potter... Ce qui était certain, c'était qu'il y avait un potentiel danger, là-bas, dehors, quelque part. Et il entraînait son amie en plein dedans ; il était possible qu'elle se trouve exposée, par sa faute. Avant que rien de tout ça n'arrive, il voulait savoir, savoir ce qui n'allait pas, savoir ce qu'il pouvait faire pour l'aider, savoir si c'était grave, savoir... Il inspira profondément, avant de se lancer :

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant