S'ils mourraient ici, à cet endroit, cette nuit, il ne saurait jamais. Harry ne saurait jamais. Il ne saurait jamais à quel point le cœur de Draco dégringolait dans sa poitrine lorsque leurs yeux se croisaient. Il ne saurait jamais que son prénom ne quittait jamais son esprit. Il ne saurait jamais, jamais, jamais que Draco se laissait parfois aller à rêver d'un monde où tout serait facile, où ils s'aimeraient sans difficulté, où ils se tiendraient la main et s'embrasseraient, où tout serait beau.
S'ils mourraient ici, ils demeureraient deux ennemis d'enfance dont la relation était ambiguë au possible ; leurs dernières paroles l'un pour l'autre seraient cette dispute, ces insultes, ces mots durs que Potter avait prononcés à son égard.
S'ils mourraient ici, on se rappellerait de lui comme celui qui avait entrainé l'Elu, le Sauveur, dans un piège mortel, l'ex-Mangemort qui avait prétendu se repentir pendant des mois, avant de changer de camp de nouveau et de revenir auprès de son père. Ses excuses, ses remords, sa haine envers lui-même et tout ce qu'il avait fait, rien de tout cela ne serait connu. On oublierait. On oublierait qu'il avait tenté de devenir quelqu'un d'autre. Qu'il avait tenté de devenir lui.
Cette pensée était insupportable.
S'ils mourraient ici, son père aurait tout gagné. Tout, de A à Z.
Draco ne pouvait pas rester assis par terre en attendant la sentence. La peine que les paroles de Potter avaient créée en lui s'était atténuée, se muant en douleur sourde, moins vive qu'auparavant. Il se sentait moins anesthésié, moins paralysé. Il était installé le dos contre le mur, les genoux ramenés contre sa poitrine. Le Gryffondor était dans une position semblable, en face de lui, collé au mur opposé, la tête enfouie entre ses bras.
- Potter, dit-il.
Non, ce n'est pas juste.
- Harry, reprit-il, en essayant de faire porter sa voix suffisamment loin pour que l'autre entende.
Soit il n'avait pas parlé assez fort, soit Potter préférait faire la sourde oreille. Ce n'est pas grave, pensa-t-il. Il fallait qu'il parle, au bout d'un moment le brun se rendrait bien compte qu'il soliloquait.
- Harry, continua-t-il, prononçant son prénom comme un poème. Je peux seulement imaginer ce que je vous ai fait subir pendant ces années. Comme tu le dis, j'étais arrogant, j'étais fier, je voulais plaire à mon père. Je voulais correspondre exactement à l'image du parfait fils. A vrai dire, j'étais tellement obnubilé par cette idée que ce n'est que très récemment que j'ai pris conscience que... que tout ce temps, je n'avais jamais pris une seconde pour penser à qui j'étais réellement. Je voulais tellement devenir ce fils idéal voulu par mon père que je n'avais en fait aucune idée de la personne que j'étais si je n'étais pas le fils Malfoy. J'ai menti, des années durant, j'ai fait tout pour vous pourrir la vie, je ne pouvais concevoir que les autres soient si... heureux. Que vous soyez, que tu sois tellement heureux.
Il leva les yeux un quart de seconde, juste assez pour voir que Potter avait laissé tomber la position du fœtus pour le regarder sans ciller.
Trouver le courage de poursuivre. Ne pas s'arrêter. Ne surtout pas s'arrêter.
- Tout a basculé. Ça a commencé en – en sixième année...
Il respirait par grandes inhalations, grandes expirations – essayait d'enrayer la montée de l'angoisse, la venue des souvenirs.
- Je croyais que ce ne serait rien, que c'était la suite logique des évènements. Et mon père comptait sur moi. Je pouvais tout arranger... Sauf que rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé, rien, ou plutôt, si ; oui, j'avais réussi à les faire venir, j'avais établi un plan, j'avais réparé les armoires. Mais j'ai cru que j'allais y laisser ma peau. Et quand j'ai été face à lui, quand c'était à mon tour de prononcer les mots...

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Un jour
FanfictionDraco doit retourner à Poudlard pour faire une huitième année. Sera-t-il assez fort pour affronter le regard des survivants ? Réussira-t-il à enfin faire ses propres choix ? Mais surtout, pourra-t-il enfin découvrir qui il est réellement ? Les tén...