Chapitre cinquante-quatre - épilogue

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- Je pars lui apporter des fleurs !

- Tu prends les géraniums et chrysanthèmes que Sirius et Remus nous ont apportés ?

- Oui, et les hibiscus. Si tu peux amener les pensées, les roses blanches et les lys, ce serait parfait.

- Je finis cette lettre pour les remercier, et je te rejoins là-bas.

Draco se pencha pour déposer un baiser sur le front d'Harry, trouvant à peine la place pour ses lèvres entre l'amas de boucles brunes qui tombaient sur son visage.

- Il faut vraiment que je te recoupe les cheveux.

- Je les aime bien comme ça, s'amusa Harry.

Le blond passa une main pour ébouriffer sa tignasse malgré les fausses protestations du brun, avant de finalement prendre son panier rempli de fleurs et sortir de la maison.

Le trajet était assez agréable, surtout par une si belle journée d'été. Il faisait un peu trop chaud pour y aller dans l'après-midi, alors Draco attendait le soir, lorsque le soleil finissait sa course vers l'ouest. Le chemin de terre se faufilait entre les arbres et les champs de fleurs, suivant de plus ou moins près la rivière qui finissait dans le lac, situé juste à côté de leur habitation.

Les parents d'El avaient accepté, et même soutenu sa proposition, lorsqu'il avait partagé l'idée de transférer sa tombe dans une clairière, non loin de chez lui. Ils avaient été d'accord pour dire que le cimetière de leur ville était un endroit trop triste pour leur fille. Ils se déplaçaient rarement, mais Draco les avait déjà aperçus à plusieurs reprises emprunter le chemin. Il n'avait jamais voulu s'avancer à leur rencontrer. Trop tôt. Un jour.

Avec le temps, c'était moins dur. Voir la pierre qui portait son nom ne lui arrachait plus complètement le cœur. C'était une douleur plus sourde, moins vivace, la sensation d'une douleur qui s'était installée, ne partirait pas, avec laquelle il s'était habitué à vivre. Elle ne l'empêchait plus de respirer à présent. Parfois, il la sentait monter, s'étendre en lui, gonfler comme une montgolfière et reprendre toute la place. Dans ces moments-là, il pleurait jusqu'à ce que les larmes se tarissent d'elles-mêmes, et Harry était là, lui tenait la main, restait le temps qu'il fallait. C'était grâce à lui si Draco allait mieux. Ils avaient appris ensemble, au fil des années, comment vivre de nouveau, comment se reconstruire, et ils y arrivaient petit à petit.

Les arbres se faisaient plus parsemés autour du chemin, c'était le signe qu'il approchait de la clairière. Les alentours étaient très beaux, surtout au crépuscule, lorsque le ciel se faisait rose et orange, tout paraissait flotter, l'atmosphère était irréelle. Draco aimait beaucoup cet endroit. Il s'y rendait une fois par semaine. Voire plus, si El lui manquait trop. Souvent accompagné par Harry, d'autres fois seul, pour lui parler comme si elle était là car maintenant il était capable d'en parler. Il avait écrit d'autres lettres, des dizaines et des dizaines, qu'il déposait contre la pierre blanche, et retrouvait détrempées la fois d'après. Ou bien ne retrouvait jamais. Il s'était mis à croire que des nymphes les emportaient. Il venait toujours avec des fleurs. Au début, il craignait cette impression de vide et froid qu'il y avait autour de la tombe, cet aura qui rappelait celui de la mort. A présent, il y avait tellement de fleurs qu'on peinait à voir la dalle derrière. Il y en avait de partout. Remus et Sirius, avec leur jardin florissant, leur envoyaient de nouveaux pots régulièrement. Draco ne savait pas comment les remercier assez. Les fleurs étaient sublimes – ses préférées étaient les camélias et les mauves. Harry, quant à lui, aimait particulièrement les orchidées. Cela lui mettait du baume au cœur lorsqu'il voyait l'arc-en-ciel floral qui entourait El dans sa clairière. Cela lui ressemblait.

Rien ne remplacerait son sourire. Rien ne remplacerait sa présence. Rien ne comblerait jamais le manque d'Eléanor dans sa vie. Il n'y aurait jamais personne comme elle, Draco le savait, et aussi douloureux que c'était, il était arrivé au stade de l'acceptation. Il ne pouvait se morfondre dans son chagrin des années durant ; Merlin savait que si elle le regardait depuis les cieux, elle aurait trouvé un moyen de descendre sur Terre pour lui botter les fesses tout en lâchant d'énormes jurons. Elle ne lui aurait jamais pardonné de finir seul et triste. Draco avait réalisé que continuer était la seule et unique solution ; il ne pouvait abandonner alors que Harry l'attendait. Il avait donc fini par prendre la main qu'Harry lui tendait. Harry. Son prénom était léger comme une plume, ça faisait du bien de le prononcer, après tant d'années de Potter. Harry et ses cheveux longs et toujours emmêlés, tombant sur ses épaules, Harry et ses yeux qui ne cessaient d'étinceler que lorsqu'il fermait les paupières. Harry. Le sourire sur les lèvres de Draco était doux comme le dernier rayon du soleil.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant