Chapitre dix-huit

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Eléanor arriva enfin à la bibliothèque, une bonne demi-heure après eux. Leur discussion avait continué de tourner autour du futur pendant un bon moment ; Harry lui avait avoué qu'il ne savait pas plus que lui vers quel métier il allait se tourner au sortir de Poudlard. Puis, ils avaient parlé durant de longues minutes de Quidditch – sujet intarissable pour les deux jeunes hommes. Draco jouait, à l'époque, au même poste que Potter, soit attrapeur. Sauf qu'il avait choisi ce poste surtout – et uniquement – car c'était celui du brun. S'il venait à jouer de nouveau, il pensait que celui de gardien ou poursuiveur lui conviendrait mieux. Ils avaient enchainé sur les professeurs, les examens, les devoirs ; tout ça sans aucune remarque, aucun sous-entendu, à propos de la guerre. Tout ça avec le naturel qu'aurait eu une conversation entre deux amis de longue date. Alors que dans leur cas, c'était plutôt « ennemis de longue date » qui conviendrait.

Draco remarqua la rousse à la seconde où elle s'introduit dans la pièce. Discrète comme un troll. Heureusement que le Gryffondor était dos à l'entrée ; de ce fait, il ne la vit pas. La jeune fille s'était assise à une table bien loin d'eux ; elle les observait depuis, sans rien faire, attendait probablement le bon moment pour agir. Une vague de soulagement déferla instantanément à l'intérieur du corps du blond. C'était bon. Ça y était. Le plan allait être mis à exécution. Son amie les avait trouvés. Et, en même temps, une question le taraudait. A quoi bon ? Pourquoi risquer de mettre en péril l'espace de paix qu'il y avait entre eux, pour une simple odeur ? Surtout maintenant qu'il savait. Enfin, pouvait-on dire qu'il savait, vraiment ? Il avait eu une sorte de révélation, un peu plus tôt. Lorsqu'un changement s'était produit en lui. Dans son cœur. Un léger changement. Presque imperceptible. Presque rien. Mais ça lui avait fait l'effet d'une claque en pleine gueule. Un assourdissant fracas dans son crâne. Un énorme boum ; laissant un tas de débris. Et tout – quasiment tout, n'exagérons pas – s'était éclairci. Une réponse avait surgi. Qui aurait dû être évidente ; mais qui ne l'était pas à ses yeux. Eléanor avait raison. Est-ce qu'il l'acceptait pleinement ? Il ne savait pas. Disons... disons qu'il admettait réellement cette possibilité au champ des possibles. Des probables. Des presque certitudes. Ça paraissait si simple, et pourtant inconcevable. Cependant, cette réponse, aussi ridicule qu'elle puisse paraître, résolvait bon nombre de problèmes sans fin qu'il se posait sans cesse. L'attitude plus qu'étrange qu'il avait en la présence de Potter, ce cours sur l'Artomentia, les regards échangés, son cœur qui partait dans tous les sens, cette impossibilité qu'il avait de se contrôler, son... attirance – encore plus inconcevable. Ses pensées qui n'avaient plus aucun sens. Des flashs lui transpercèrent les paupières, sans qu'il ne puisse les stopper. De furtifs instants, souvenirs, sensations ; orage violent au plus profond de son être.

Pourquoi est-ce qu'il ressentait des picotis dans le ventre en prononçant son nom ? Ça n'avait pas de sens. Rien n'avait de sens.

Son cœur battait trop fort, toujours trop fort, mais ça faisait moins mal. Il ne pouvait quitter Potter du regard.

C'était un rire qui allait plus loin que l'obscurité. Un rire qui lui faisait du bien, et il aurait donné beaucoup pour l'entendre, encore, et encore, toute la nuit durant. Même, toute la vie durant.

Je ne dis pas que tu l'aimes, ni que tu es amoureux, s'empressa-t-elle d'ajouter, mais que tu as des sentiments pour lui, dans le même sens que j'en aie pour Luna.

Jamais encore Draco n'avait senti son cœur battre aussi fort.

Il avait fermé les yeux. Complètement effacé le monde, se concentrant sur les images qui défilaient, encore, et encore. Oublié le garçon en face de lui. C'est sa voix, murmurée, qui le ramena brusquement à la réalité.

- Malfoy ? Tu sais que ça fait cinq minutes que t'es parti dans les vapes ?

Dans les obscurs méandres de son âme.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant