Chapitre cinquante-deux

1.2K 128 8
                                    

Le comble était qu'en définitive, la salle n'était pas si loin. Draco n'avait aucune idée de comment il avait bien pu tomber dessus les deux premières fois – il ne fallait pas se poser trop de questions lorsqu'on habitait dans un château magique, ce genre de choses arrivait constamment. L'entrée était dissimulée par une immense et très belle tapisserie représentant une jeune femme près d'une fenêtre. Celle-ci pleurait, ses yeux fixés sur le soleil couchant à l'extérieur, comme si elle était prisonnière, les larmes coulaient sur son visage, dans son cou, sur son buste, scintillantes. Draco en eut le souffle coupé. Il ne l'avait jamais remarquée. Granger, elle, ne jeta pas un coup d'œil à la tapisserie, comme si elle l'avait déjà vue des centaines de fois, et se dirigea directement vers le côté droit de la tenture, la souleva délicatement. Derrière, un passage. C'était si simple que c'en était presque drôle. Il avait perdu tellement de temps à parcourir tous les étages de Poudlard, alors que cette fichue salle-à-fontaines était cachée derrière une tapisserie. Par Merlin. Comment donc Granger connaissait son emplacement ? Il eut beau poser plusieurs fois la question, elle refusait – obstinément – de lui répondre. Après avoir traversé le court passage sombre de quelques mètres de longueur, Draco fut immédiatement attiré par la fontaine qui trônait au centre de la pièce, la beauté froide de cet édifice de marbre, l'éclat mesmérique de son eau, sa couleur innaturelle, surréelle, onirique. Cette eau qui pouvait, si l'on en croyait la nymphe de la forêt, sauver son aimé – son élu. Est-ce que boire cette eau suffirait ? Cela pouvait-il être un tel jeu d'enfants, après toutes ces épreuves ? Draco peinait à y croire. Il avait le souvenir vague d'Hermione mentionnant des effets indésirables la dernière fois qu'ils s'étaient trouvés en ce lieu... Mais son esprit était un brouillard, et de toute manière, rien de cela n'importait, aucune éventuelle conséquence n'importait. Il se devait de sauver Harry.

En tremblant légèrement, il franchit les derniers mètres qui le séparait de la fontaine, et sortit de sa poche la petite fiole que Granger lui avait fournie plus tôt sur le chemin. Il cessa de respira lorsqu'il tendit son bras vers la fontaine et remplit la fiole, en prenant bien soin à ne pas toucher l'eau avec sa peau. Après l'avoir rebouchée, Draco observa l'eau à travers le contenant en verre – le liquide était d'un bleu royal, foncé, intense, perturbant, scintillant comme des saphirs.

- Tu sais d'où provient cette eau ? s'entendit-il demander.

Il se sentait un peu hors de son corps – si fatigué, éreinté, si terrifié à l'idée de perdre le garçon qu'il aimait, si confus après tout ce qui s'était passé.

- Selon l'Histoire de Poudlard, répondit Hermione d'un ton distant, la fontaine est apparue du jour au lendemain, aux débuts de l'école. Les fondateurs sont tour à tour tombés dessus au hasard, mais personne ne sait comment elle a été créée. Il existe quelques textes d'historiens qui ont cherché à découvrir d'où elle provenait, qui l'avait placée là, comment, pourquoi, sans succès. Ce que l'on sait par contre, c'est ce que cette eau est capable de faire. Jusqu'au XII° siècle, il y avait trop de craintes autour des objets magiques inconnus pour qu'ils tentent de s'en servir. Puis, un élève de l'école a trouvé la fontaine, et c'est lui qui a rendu son eau célèbre. Il avait perdu tout espoir, raconte l'histoire, cherchant à tout prix à guérir la malédiction d'un de ses amis, touché par le sort d'un mage noir. Il fait boire quelques gouttes de l'eau à son ami, qui fut libéré du sort immédiatement. Après ce miracle, des centaines de sorciers, notamment des guérisseurs, vinrent à Poudlard pour trouver la fontaine... Cette... gloire ne dura que quelques temps, avant que le scandale éclate.

- Quel scandale ?

Granger le regarda droit dans les yeux avant de continuer son récit.

- La guérison procurée par l'eau ne vient pas sans contrepartie. Pour chaque personne guérie, une autre tombe malade. La guérison n'est pas un don altruiste. C'est un échange. C'est ainsi que fonctionnent les nymphes : ce que tu prends à la nature, tu dois le rendre. On ne peut jamais savoir ce qu'en seront les conséquences. Selon les témoignages, cela peut entraîner des blessures irrémédiables, ou bien la mort, sur des proches, ou bien sur la personne qui a cherché à utiliser l'eau. Ce n'est pas... ce n'est pas sans risque, Draco. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... D'autant plus que rien ne dit que cela pourrait guérir une blessure faite par un démon. Encore moins ramener quelqu'un à la vie.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant