Chapitre vingt-trois

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Il avait fait partie de l'équipe de Quidditch des vert et argent pendant des années. Il jouait alors au poste d'attrapeur, non pas parce qu'il adorait l'idée de voler après une minuscule balle dorée, mais surtout parce que Potter était attrapeur. Potter était le meilleur attrapeur que Gryffondor ait vu depuis longtemps, Potter était un joueur talentueux, Potter, Potter, Potter. Il avait eu envie de s'opposer à lui, par tous les moyens. D'exister dans son univers.

A l'époque, il pensait qu'intégrer l'équipe de Serpentard était une façon d'améliorer son image auprès de ses camarades, une façon de se faire remarquer. Une façon de défier Potter, encore et encore.

Aujourd'hui, il s'avouait que c'était surtout pour que le brun lui-même le voie. Pour attirer son attention. C'était une bonne excuse pour l'approcher plus près en toute discrétion – peut-on vraiment parler de discrétion, à vrai dire ? – et tout cela en endossant encore le rôle de l'antagoniste dans l'histoire. Cela lui avait semblé une idée en or. Une bonne manière d'affronter son ennemi sur un tout autre terrain, une autre façon de se mesure à lui, de montrer de nouveau au Balafré qu'il ne le laisserait jamais tranquille. Pour être honnête, il fallait dire que la robe de Quidditch couleur écarlate mettait en valeur sa silhouette, réhaussait son teint, que pendant qu'il volait sur son Eclair de Feu ses cheveux virevoltaient autour de son visage avec tant d'harmonie qu'il était impossible de le lâcher du regard. Lors des matchs, quoi de plus simple que de l'admirer en le suivant à la trace à la recherche du Vif d'or ?

Bien-sûr, il n'avait jamais été un attrapeur d'exception – forcément, s'il passait son temps les yeux rivés sur l'adversaire plutôt qu'à chercher la minuscule balle ailée... Pourtant, personne, à Serpentard, ne s'en était jamais plain puisque Lucius Malfoy leur fournissait généreusement l'équipement – neuf, dernier cri, aussi cher qu'un appartement dans le centre de Londres.

Lorsqu'il avait eu l'occasion de jouer en dehors de Poudlard, Draco préférait le poste de gardien. Il sourit en se remémorant Weasley, notre Roi... Se moquer du rouquin, l'humilier, avait été une de ses activités favorites. Evidemment, c'était cruel, méchant, abominable même, de s'en prendre de cette manière à quelqu'un... Mais qu'est-ce que ça l'avait fait rire. Tout cela appartenait au passé, et paraissait relever d'un autre monde, d'une autre galaxie, une autre dimension. Tout était loin. Des souvenirs. Que restait-il de cette insouciance qu'ils avaient tous et toutes ? Dire qu'il avait passé des soirées entières à concocter un chant spécialement prévu pour ridiculiser Weasley lors de son premier match... Qu'est-ce qu'il donnerait pour pouvoir revenir à ce temps où il n'était encore qu'un gosse se préoccupant des points et de la Coupe des Maisons.

Un match Gryffondor-Serpentard était prévu pour le lendemain, ce qui était exceptionnel, au vu de la guerre récente et des désastres qu'elle avait laissés sur son sillage. C'était le premier depuis mai dernier. Il n'y participerait pas cette fois-ci, mais il avait hâte d'y assister. Il avait beau souhaiter la victoire à sa maison, il mourait secrètement d'envie de voir Harry brandir le Vif d'or dans sa main. Car si le brun attrapait la balle, il faisait du même coup gagner 150 points à son équipe, et assurait donc – presque toujours – la victoire à sa maison. Si les lions remportaient le match grâce à lui, Potter sourirait forcément. Et Draco ne le voyait jamais sourire. Lorsqu'ils se croisaient – par hasard – le jeune homme avait l'air aussi vivant qu'un cadavre. Alors, si remporter la partie s'ensuivait d'un sourire de Potter, le blond était prêt à sortir les pancartes et l'écharpe rouge et or (évidemment, tout cela n'était qu'une façon de parler, un Serpentard ne brandirait jamais aucune pancarte de soutien à Gryffondor – il ne fallait pas rêver).

Draco se moquait intérieurement de lui-même. Oui, il avait effectivement réfléchi à tout ça. Oui, c'était effectivement pathétique. Oui, il était effectivement prêt à soutenir (implicitement) l'équipe ennemie si cela signifiait que Potter serait heureux, pendant une fraction de seconde. C'était totalement pathétique et ridicule, et digne d'un jeune pré-pubère en manque d'amour – ce qu'il était, pas pré-pubère mais en manque d'amour, bien entendu. Et il avait beau ne pas vraiment s'avouer à lui-même qu'il était aussi accro, il ne pouvait s'en empêcher. Le visage sombre et sans expression de l'Elu lui donnait envie de le serrer dans ses bras jusqu'à l'étouffer. Ce qu'il ne, de toute évidence, pouvait pas faire. Alors il pensait à tout ce qui pourrait le rendre heureux. Il y réfléchissait toute la journée – même durant la nuit.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant