Chapitre cinquante

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Aussi insolite que cela puisse paraître, Arioch n'avait pas tué tous ses amis à leur retour, et ces derniers n'étaient pas non plus figés, ce qui était a priori une bonne nouvelle. Hermione avait certainement mis en place les sorts de protection dont elle avait parlés. Tout était très confus dans la tête de Draco, il avait du mal à se concentrer sur les détails, il avait le souffle court d'avoir couru dans la forêt, slalomé entre les arbres, sauté au-dessus des racines, de la boue séchée sur ses vêtements, le cœur battant la chamade, l'esprit en feu, essayant tant bien que mal de digérer les événements. Il venait de tuer son père. Tout ce qu'il souhaitait à présent c'était en finir, en finir, que ce cauchemar cesse et soit relégué au passé. Il essayait de rétablir cet état intérieur où il ne ressentait rien, aucune émotion, aucune culpabilité d'avoir tué de nouveau, aucune terreur face à la perspective du combat avec le démon, aucun effroi devant la possibilité de perdre les êtres les plus chers à son cœur.

Narcissa, qui courait à ses côtés, n'avait prononcé aucun mot depuis qu'ils avaient laissé le cadavre de Lucius derrière eux. Peut-être qu'elle n'avait plus rien à lui dire après tout. Qui étaient-ils l'un pour l'autre, maintenant que leur ennemi commun était éliminé ? Elle était sa mère et avait promis son aide, mais, après tout, pouvait-il lui faire vraiment confiance ? Cesse ces conneries, pensa-t-il. C'est ta mère, et tu n'as pas le temps de tout remettre en question. Il lui jeta un coup d'œil, qu'elle lui rendit, un éclair passa entre eux, et il cessa de se questionner.

Lorsqu'il arriva enfin à leur hauteur, à l'orée de la forêt, Draco comprit tout de suite que les autres avaient tenté de former un rectangle autour d'Arioch, sans pour autant y parvenir. Le démon était-il au courant qu'un sortilège existait pour le renvoyer dans l'Autre-Monde ? Etait-il conscient qu'ils n'étaient pas autant démunis que la première fois ? Fallait-il risquer une approche diplomatique, entamer une discussion, une négociation, maintenant que Lucius était mort ? Quelles raisons le démon avait-il encore d'attaquer Poudlard et ses occupants, quelles raisons avait-il de le faire souffrir, de se venger de Potter ? Pourquoi un démon, à lui tout seul, aurait quoi que ce soit à voir avec les affaires des humains ? Draco ne comprenait pas grand-chose pour tout dire, il ne comprenait pas les intentions d'Arioch, il avait encore du mal à comprendre toute la haine de son père, il ne pigeait rien à la manière dont ce démon fonctionnait. Le seul être qu'il avait vu fonctionner de cette manière était le Seigneur des Ténèbres, et Draco n'était pas sûr d'avoir jamais rien compris à ce qui se tramait dans la tête de celui-ci – ce qui valait probablement mieux

Luna et El furent les premières à les voir arriver, sa mère et lui, puis dans la seconde suivante les autres se retournèrent également. Ils avaient tous l'air éreinté, remarqua Draco, vraisemblablement comme lui, de la suie, du sang séché sur le visage, la peau luisante de transpiration. Tous le regardaient avec interrogation, mais finalement il n'y avait pas vraiment besoin de poser de question. Ils avaient disparu à trois, Narcissa, Lucius, et lui, et ils ne revenaient qu'à deux. L'issu de leur interaction n'était pas un mystère. Les yeux de Potter étaient plein de sollicitude, mais Draco avait du mal à soutenir son regard. Il commençait à sentir sa force le quitter – la présence du démon en était peut-être en partie la cause, mais malgré ses tentatives de s'en distancer, c'était surtout la mort de son père qui lui pesait. Tuer, ce n'était pas quelque chose qu'il pensait faire de nouveau. Par Merlin, qu'il haïssait avoir été obligé de prononcer cette horrible formule une nouvelle fois, qu'il haïssait être un meurtrier.

L'entrelac d'ombres noires qui enveloppait le démon se mouvait dans l'espace comme si le monde matériel n'existait pas pour lui – Arioch s'avançait lentement, flottant, glissant sur le sol, ressemblant de moins en moins à une forme humaine, s'avançant jusqu'à lui faire face. Draco se rendit compte qu'il retenait son souffle.

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