Draco ne s'était pas senti aussi détendu depuis des mois. Des années.
Il laissait son regard revenir sur Harry, assis à ses côtés, sans que l'angoisse ne lui lacère la peau, profitant de la douce chaleur des rayons du soleil. Pour une fois, étonnamment, il était bien. En lui, les voix qui semaient d'ordinaire le chaos s'étaient tues.
Il flottait.
Il flottait, un peu au-dessus de ce qui venait de se passer. Une tentative de fuite qui s'avérerait probablement futile et éphémère, puisque la réalité le rattraperait forcément, mais à cet instant précis, il était léger, et c'était extraordinaire.
Contrairement à ce qu'il s'était imaginé, les parents de Ginny Weasley ne l'avaient pas traité comme un monstre, un pestiféré, ni jeté à la porte. Ils avaient à peine cillé en l'apercevant dans le groupe de jeunes qui débarquaient chez eux à l'improviste à 8h du matin. Ils étaient arrivés à une centaine de mètres de la maison, et Draco avait été abasourdi par le calme qui régnait dans cet endroit. Le ciel clair, l'air frais, l'herbe, le chemin de terre, les collines.Tandis qu'ils s'avançaient en marchant vers la maison de Ron Weasley, le silence emplissait l'espace entre eux. Ils auraient pu discuter de ce qu'il s'était passé, se poser des questions, lui hurler dessus pour être stupide, pour avoir entrainé Potter dans un piège qui aurait pu les mener tous les deux à la mort. Draco aurait pu les interroger sur la manière dont ils étaient intervenus – comment avaient-ils réussi à pénétrer dans le manoir sans déclencher les systèmes de sécurité de Lucius, comment avaient-ils mis à terre des sorciers qui les avaient battu avec tant de facilité ? Il n'en fit rien. La seule chose qu'il fit, ce fut de demander à Hermione si sa présence n'allait pas être dérangeante. Après tout il était un meurtrier. Il était un ex-Mangemort, fils de Mangemort, originaire d'une famille de sang pur qui haïssait les traitres à leur sang, les Sang-de-Bourbe, et les amis de Dumbledore. Et la famille Weasley était clairement le contraire le plus absolu des Malfoy. Draco se rappelait les avoir détestés, méprisés. Il les avait trouvé détestables et méprisables. On le lui avait dit, n'est-ce pas ? Ce qui est important c'est ce dont tu as l'air. Ce qui est important, c'est d'écraser ceux qui se trouvent sur ton passage et montrer ta puissance. Ce qui est important, c'est être mieux. Et être mieux, ça veut dire être parfait – et parfaitement odieux, de préférence. Et les Weasley, les Weasley étaient si imparfaits que c'en était pathétique. Il les pensait pathétiques.
Hermione lui avait dit que tout irait bien. Il n'avait rien répondu, mais n'avait pas compris. Comment, par tous les diables, cela pourrait-il « bien aller » ? Il avait tué leur fille. Littéralement tué, de sa main. Le sort fatal était sorti de sa baguette, l'avait atteinte en pleine poitrine. Ses cheveux de feu dans le capharnaüm de la bataille de Poudlard. Un enfant leur manquait, et c'était sa faute. Il avait meurtri cette famille. Et ils allaient accepter l'assassin de leur fille au sein de leur demeure, comme ça, sans rien dire ? C'était impensable. Draco avait eu envie de se barrer en courant, immédiatement. Mais il n'avait rien fait.
Il s'était tenu à l'arrière, essayant de passer inaperçu, comme si c'était seulement possible.
Arthur et Molly Weasley, serrés l'un contre l'autre, se tenaient dans l'embrasure de la porte, les attendant tranquillement. Comme s'ils avaient l'habitude, qu'ils faisaient ça tous les jours – accueillir une bande de jeunes adultes qui revenaient d'une aventure dans les cachots d'un manoir démoniaque. Weasley avait entouré de ses bras ses deux parents, d'une force qui avait frappé Draco – qui avait-il jamais embrassé ainsi –, et puis, Hermione et Harry eurent également le droit à leur embrassade. Quand ce fut au tour de Luna, elle déclina l'offre, déclarant qu'elle était probablement contaminée par un virus qui impliquait des Nargoles et des laboratoires de gobelins complotistes. Eléanor fut très élégante, s'excusant de l'arrivée imprévue si tôt dans la journée, espérant ne pas les déranger. Draco ne sut que dire lorsque les yeux des parents Weasley se posèrent sur lui. Il se mordillait les lèvres pour ne pas craquer, ne pas pleurer, ne pas s'enfuir, ne pas hurler ; et voyant qu'aucun mot n'allait sortir, ils ne dirent rien non plus. Ne dirent rien, mais Draco vit sur leurs visages passer une expression de tristesse infinie.
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Un jour
FanfictionDraco doit retourner à Poudlard pour faire une huitième année. Sera-t-il assez fort pour affronter le regard des survivants ? Réussira-t-il à enfin faire ses propres choix ? Mais surtout, pourra-t-il enfin découvrir qui il est réellement ? Les tén...