Chapitre quarante-trois

2K 193 20
                                    

Avant de se coucher, alors que tous les autres étaient déjà partis s'étendre de tout leur long sur leurs matelas, Draco était resté encore un peu dans la cuisine pour boire une infusion. Oui, c'était digne d'un pépé, et alors ? Une tisane, ça permettait de se poser, de réfléchir, et tout ça avec une boisson chaude dans le gosier.

Depuis hier matin, depuis l'aube qui se levait et cette lumière si ténue dans les cachots, tout était étrange. Draco avait un peu l'impression d'être là sans l'être réellement. L'altercation avec Potter l'avait secoué plus qu'il n'avait bien voulu le montrer. Or, il avait toujours besoin de réfléchir sur ces moments-là pour les intégrer, les assimiler, pouvoir avancer. Néanmoins, aujourd'hui et la veille, parler du démon avait été le plus important.

Et à présent, après avoir discuté du démon jusqu'à ne plus savoir quoi en dire, après avoir passé une journée dans les collines et les champs aux côtés de Potter dans un silence quasi-complet, les paroles échangées dans la cave lui revenaient à l'esprit.

Presque avec surprise, il se rappelait qu'il avait – et clairement cette fois-ci – avoué à Potter ses sentiments pour lui. Et ce n'était pas une blague, ce n'était pas une farce super drôle organisée par les jumeaux Weasley, ni le genre de prank dont les Moldus raffolaient. Non, c'était bel et bien réel. Il l'avait dit.

J'ai réalisé que je ressentais plus pour toi que ce que je voulais bien admettre. Que mon cœur s'emballait quand je croisais ton regard, et que ce n'était pas anodin que tu sois si souvent dans mes pensées.

Un tout petit microscopique minuscule sourire s'étira sur ses lèvres.

Par Merlin, il l'avait fait. Et Potter n'était pas parti. Bon, il fallait aussi prendre en compte le fait qu'ils étaient alors tous les deux emprisonnés dans un cachot. Certes. Mais tout de même ! Il aurait pu le frapper, le plaquer de nouveau contre le mur, l'agonir d'insultes. Il n'avait eu que le silence, le silence et une paire d'yeux émeraude qui le fixait. Qu'est-ce que ça signifiait, bordel ? Et puis, devait-il seulement évoquer ce geste, plus tôt dans la journée, sur la colline ? S'il avait été dans son état habituel, il aurait été fou à la simple idée de toucher Potter. Mais alors là, lui prendre la main ? Sans mentionner le fait qu'Harry avait entrelacé leurs doigts, comme dans tous ces films à l'eau de rose que Draco n'aimait, bien-sûr, pas du tout. Pourtant, il n'était pas devenu barjot. Il n'avait pas perdu les pédales. Il était resté sain d'esprit – aussi sain qu'un gars comme lui pouvait l'être – et avait laissé le moment l'emporter sur le reste. Il s'était laissé porter, comme s'il n'était qu'une simple feuille dans le vent. Léger. Forcément, cette sensation ne durait pas, pas lorsqu'on était Draco Malfoy. Au moins savait-il que ça existait, et qu'il pouvait le ressentir.

Ressentir. Ressentir. Ressentir. Existait-il une plénitude plus complète que celle qui l'avait envahie dans ce champ de fleurs, Harry près de lui, et le soleil dans le ciel ?

Harry, Harry, Harry et ta main dans la mienne.

Draco peinait à y croire, parce que croire c'était espérer un peu, et l'espoir, ça fait toujours mal. Et comment prononcer le mot « espoir » alors que tout peut basculer ?

Pourtant, n'était-ce pas cela qu'il attendait sans l'admettre depuis des mois ? Depuis qu'il avait enfin compris que c'était plus qu'une obsession de gamin, que ce n'était pas juste un tiraillement de l'estomac mais une véritable farandole de papillons, que le cœur de tout le monde ne chavirait pas en croisant les yeux d'Harry Potter. Oui, c'était bien ce dont ses rêves les plus insensés étaient peuplés : Potter qui lui tenait la main, comme s'il n'était pas le sauveur du monde, mais un simple garçon, comme si lui, Draco, n'était pas un ex-Mangemort meurtrier, mais un autre simple garçon, et comme s'il n'y avait rien de plus simple que se tenir la main et s'aimer tranquillement dans un champ de fleurs, en contemplant le soleil et le ciel. Dans ses rêves, il n'avait pas le passé d'un Malfoy, il n'avait pas de père psychotique, il n'avait pas de sang sur les mains. Dans ses rêves, il était léger et rien ne le retenait, rien ne lui faisait obstacle – il n'y avait qu'un brun aux yeux d'émeraude en face de lui, qui lui souriait, et l'accueillait, et la sensation de chaleur dans sa poitrine, qui lui faisait penser que son cœur était une étoile sur le point d'imploser. Sauf que la simplicité n'était en rien réaliste ; ici, dans ce monde, dans leur réalité, rien ne serait jamais si facile. Se tenir la main, loin des autres, loin du reste, ce n'était qu'un instant suspendu... Ce n'était qu'une brèche, un court et éphémère échappatoire, dont le sens se dissolvait à présent que le moment était passé. Est-ce que leurs mains entrelacées pouvaient vraiment répondre aux questions qu'il se posait ? Est-ce que le regard que Harry avait posé sur lui, sur sa paume, et son geste, et eux deux, sous le ciel coloré et immense, est-ce que cela était suffisant ? Et puis la question qui suivait : était-il prêt ? En était-il seulement capable, si cela débordait des frontières de la brèche, de ce moment éphémère ? Pouvait-il faire ça, être confronté aux sentiments d'un autre, accepter qu'il pouvait être aimé, qu'il était possible que Potter ressente quelque chose à son égard ? Pouvait-il se laisser être aimé ? Il avait laissé El l'aimer, oui, mais c'était si différent. Il n'avait pas passé des années à penser à elle, il n'avait pas le cœur sens dessus dessous lorsqu'il croisait ses yeux, il n'espérait rien de plus d'elle que son amitié, et c'était déjà ce qu'elle lui offrait. Mais qu'attendait-il de Potter ? Il n'en savait rien. Si ce n'était... plus ? plus que tout ce qu'il avait cru être possible, plus que tout ce qui leur était permis. C'était n'importe quoi. Ses pensées étaient chaotiques. Il était si perdu.

Pourquoi l'aimait-il ? Pouvaient-ils être ensemble ? Pouvaient-ils s'aimer, tous les deux ? Est-ce que c'était plausible ? Est-ce que c'était une vraie possibilité, quelque chose de vraiment réalisable, pas quelque fantasme onirique ni rien, mais une éventualité concrète ? Harry et Draco, Draco et Harry, eux deux, tous les deux, ensemble ?

C'était l'incertitude, et en même temps l'adrénaline. Allait-il se passer quelque chose d'autre ? Ou est-ce qu'il devrait patienter la fin de cette histoire pour que la leur avance ? Devait-il mettre son cœur en pause le temps qu'ils en finissent avec son père et le démon ? Draco devait se forcer à respirer lentement, respirer, respirer, pour ne pas laisser son rythme cardiaque s'emballer. Par Merlin, tout arrivait si vite. Il avait peur de ne pas être prêt, de ne pas savoir comment faire, d'être trop nul, trop maladroit. Il ferma les yeux. Calme. Tenir la main d'Harry. C'était déjà beaucoup. Peut-être fallait-il s'en contenter pour le moment.

Plus tard, lorsqu'il eut terminé de boire sa tasse de tisane à la camomille, alors que la soirée était bien avancée et qu'il montait vers la chambre qui lui avait été attribuée, il croisa sa rousse préférée. Assise, le dos contre le mur, elle avait la tête en arrière, les paupières closes. Ses longs cheveux encadraient son visage et créaient un contraste si fort avec sa peau que c'en était perturbant. Elle aurait tout simplement pu être fatiguée – mais alors pourquoi ne pas aller dormir directement ? – sauf que ses mâchoires étaient serrées, et ses poings crispés.

- El ? fit Draco à voix basse.

La jeune fille ouvrit les yeux et se leva immédiatement – si vite qu'elle perdit l'équilibre et faillit tomber dans les escaliers ; elle aurait dévalé les marches la tête la première si Draco ne l'avait pas retenue à temps.

- El ? Ça ne va pas ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Non, c'est rien t'inquiète, assura-t-elle en faisant un signe de la main. Un peu de fatigue, c'est tout. Je gère. Pas de souci.

Elle lui claqua une bise sur la joue et s'éloigna aussitôt, allant à l'étage supérieur. Comme si elle ne voulait pas s'attarder près de lui.

L'interaction avait duré tout pour tout une poignée de secondes. C'était bizarre. Mais Draco était exténué, le cerveau plein de questions et de Harry et d'hypothèses et de rêves de mains qui s'entrelacent, et il préféra se jeter dans son lit plutôt que de gamberger sur le pas de la porte.

_____________________

helloo! je reviens avec un petit chap tranquille, et ensuite viendra un autre que j'aime assez bien, et j'espère que vous l'aimerez aussi. après... après, disons que ça se complique mais bref je n'en dirai rien...

j'espère également que vous allez tous.tes au mieux au vu des circonstances actuelles! je dois le redire à chaque fois, mais prenez soin de vous. <3 

merci encore et toujours de continuer à lire et suivre un jour, et un énorme merci à celles et ceux qui commentent, ça m'aide vraiment beaucoup à trouver la confiance dans ce que j'écris et c'est toujours une source de joie pour moi. donc merci merci merci <3

xoxo

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant