Chapitre quarante-cinq

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Draco venait à peine de se rendormir lorsqu'il entendit des cris. Ou plutôt des hurlements si stridents qu'ils lui perforèrent les tympans. En renfilant le pull qu'il avait ôté une dizaine de minutes auparavant, il sortit en trombe de sa chambre pour voir ce qui se passait. Il tomba nez à nez avec Luna, ses grands yeux si écarquillés qu'ils semblaient faire la moitié de son visage. Draco n'apprécia pas, mais vraiment pas du tout, la lueur qu'il décela dans ses prunelles.

Une lueur de peur.

- C'est El, murmura-t-elle du bout des lèvres.

Sensation de ciment dans ses poumons. Bruit de marches qu'on gravit en vitesse.

Le trio doré arrivait à hauteur de son palier. Draco prit l'initiative de monter, la boule au ventre. La chambre d'El était juste au-dessus de la sienne. Luna lui emboîtait le pas.

La porte était entrebâillée. On entendait les cris, longs et déchirés – déchirants, comme ceux provenant d'un animal blessé. Il s'avança, très lentement, craignant ce qu'il s'apprêtait à voir. Il n'arrivait même pas à faire d'hypothèses. Il n'arrivait même pas à penser. Il n'arrivait même pas à respirer. Il laissait ses yeux faire leur travail, sans que son cerveau ne semble comprendre les informations qu'on lui envoyait. La lampe de chevet gisait sur le sol comme une chose morte, les draps étaient déchirés, la tringle de rideaux pendait d'un côté. Et au milieu du chaos, une jeune fille rousse, l'air éperdu, les doigts agrippés à ses cheveux, comme tentant de les arracher, et sa bouche, sa bouche grande ouverte d'où s'échappaient les hurlements qui l'avaient réveillé.

- El ?

Elle ne semblait pas les entendre. Elle criait, apparemment de douleur, criait et dès que ses mains lâchaient son crâne, elle brisait tout ce qui l'entourait. Pendant un instant, ils restèrent tous les cinq ébahis, sur le seuil, ne sachant quoi faire.

Lorsqu'il sentit de l'eau tomber sur son bras, Draco comprit qu'il pleurait.

Il regarda les autres, restés quelques pas en arrière, pour voir comment ils réagissaient. Luna était plus blanche que linge, absolument désemparée. Hermione avait saisi le bras de Ron. Harry le fixait, comme s'il attendait sa réaction. Cela ne lui arrivait que très rarement, mais Draco se décida à prendre les devants. Il devait faire quelque chose. Il ne pouvait pas rester là, sans rien faire, à regarder sa meilleure amie hurler et s'arracher les cheveux et tout casser. Il avait peur de la brusquer, d'empirer son état, mais il s'avança, en chuchotant des paroles qu'il pensait rassurantes. Peut-être qu'en l'allongeant sur le matelas, elle se rendormirait ? Mais dès qu'il la toucha, elle le repoussa si fort qu'il s'étala de tout son long. Potter vint de suite l'aider à se relever.

- Partez ! hurla-t-elle. Qui êtes-vous ? Je vous hais ! Les oiseaux, les oiseaux, les oiseaux fous, partez, partez, partez ! Laissez-moi tranquille, arrêtez de me griffer, non, arrêtez !

Elle regardait ses bras, se mit à les griffer, puis d'un seul coup, elle se tourna contre la fenêtre, en arracha les rideaux, et se mit à frapper contre la vitre de toutes ses forces.

- El ! appela Draco.

Il remarqua la manière dont sa voix se cassait.

Harry et lui se lancèrent vers elle pour la retenir ; elle se débattait comme une furie contre leur étreinte, lançait ses jambes dans tous les sens et se contorsionnait en criant, continuant de crier à propos des oiseaux fous qui lui faisaient du mal. Hermione décida alors de lancer un sortilège pour la calmer, ce qui la fit tomber dans une espèce d'état comatique sur le coup. Le silence qui s'abattit dans la chambre était assourdissant. Ils échangèrent tous un regard, un mélange de choc, de peur, de panique. Aucun d'entre eux ne dit mot. Draco sentait les larmes qui continuaient de mouiller ses joues.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant