La chambre était trois fois plus petite que celle qu'il avait au manoir, pourtant Draco l'aimait beaucoup. Elle était simple, contrairement à celle de son enfance. Pas de sculptures, de tableaux lugubres, de lustres, de vases de valeur qui avaient tous appartenus à ses illustres ancêtres. Ah ! Il avait rêvé tant de fois d'envoyer valser contre les murs tous ces objets stupides. Ici, la pièce ne contenait qu'un lit, un bureau, et une armoire. Il ne se sentait pas étouffé, par sa famille, son héritage, ses devoirs. Ici, il était libre.
Les murs étaient de différentes couleurs ; gris plume et orage, vert pomme et émeraude. Emeraude. Le bureau était fait en bois sombre, aux rainures profondes et noires. Le lit, du même bois, ne comportait qu'une couverture verte et noire ainsi que deux oreillers.
Pas de portrait de son arrière-grand-père le fixant de ses yeux froids et sévères. Draco se sourit à lui-même en se remémorant les cauchemars que ce tableau lui provoquait lorsqu'il n'avait que quatre ou cinq ans. Quelle idée, pensait-il, de meubler une chambre d'enfant avec des tableaux pareils. Mais, les Malfoy avaient une autre conception de l'enfance.
Les vacances de Noël en étaient déjà à la moitié. Et Draco n'était plus sorti de cette pièce depuis le bal, exception faite pour les repas. Il ne se sentait plus capable de faire face à la réalité. Car, depuis cette fameuse nuit où El lui avait fait part de son idée, c'était comme si une bombe avait explosé à l'intérieur de lui-même. Causant des dégâts innombrables. Alors, il essayait de faire le constat. Le constat des dégâts. Il essayait de trouver un moyen. Pour ne pas devenir fou. Pour ne pas se fracasser, se fissurer pour de bon. Un moyen de rester debout.
Il n'avait pas encore trouvé.
Ses pensées fusionnaient, s'entrechoquaient les unes aux autres, s'écrasant contre les parois de son crâne. Draco n'était plus à même de réfléchir normalement. Comme si El, en prononçant ces quelques mots, avait appuyé sur un bouton qui déclenchait la Troisième Guerre mondiale à l'intérieur de sa tête. De son cœur. De lui. Comme s'il avait suffi de ça, juste ces petits mots, pour que tout s'écroule. Un peu plus.
Comment était-il censé faire face ? Il n'avait encore jamais vécu ça. Personne ne l'avait préparé à cette épreuve. Il était un Malfoy. Il n'était pas censé éprouver des sentiments pour quiconque. Il n'était pas censé ressentir. Mais, alors, que se passait-il ? Il ne savait pas. C'était là l'une des nombreuses lacunes de l'éducation malfoyenne : on ne lui avait jamais appris à exprimer ses sentiments. Pire : on ne lui avait jamais dit qu'il pouvait en ressentir. Et maintenant Draco se trouvait complètement perdu, comme un gosse, au beau milieu d'une foule d'émotions dont il ne connaissait rien. Hop ! et allez, débrouille-toi avec ça. Débrouille-toi avec ce bordel.
- Putain !
Cela faisait une semaine qu'il ruminait toute la journée. Seul. Il n'avait autorisé personne à pénétrer dans sa chambre. Il n'adressait la parole à personne lors des repas. Il fuyait les questions, il fuyait les regards, il fuyait ses amis, El, Luna, Alya, il fuyait le monde entier. Il fuyait Potter. Surtout Potter. Parce qu'il lui était impossible de ne pas tomber en lambeaux lorsque le Gryffondor était dans les parages. Draco ne comprenait pas ce qu'il se passait, et ne voulait pas comprendre.
Car ce qu'El lui avait dit était insensé. Impensable. Dément. Impossible. N'est-ce pas ? Il cherchait à tous prix à se convaincre. Lui, Draco Malfoy, héritier d'une des plus grandes familles de sang pur, ex-Mangemort, assassin de Ginny Weasley, ne pouvait pas, en aucun cas éprouver des sentiments pour Harry Potter. Le Sauveur, l'Elu, celui qui avait survécu. Il ne pouvait pas.
Le jeune se laissa tomber lourdement sur le matelas de son lit. Il se mit à fixer intensément le plafond, et son esprit continua de vagabonder de plus belle. Et se tourna, inévitablement, vers le garçon à la cicatrice en forme d'éclair. Harry, Harry, Harry. Comment cela avait-il pu arriver ? Ce n'était pas prévu comme ça. Ça n'aurait jamais dû arriver. Jamais, jamais, jamais. Et il y avait un bon nombre de raisons à cela. Tout d'abord, Draco était un garçon. Et Potter aussi. Et... c'était une bonne raison, non... ? Non, le blond le savait au fond de lui. Il connaissait plusieurs couples homosexuels, à commencer par sa meilleure amie El, et Luna ; mais aussi Dean et Seamus, et quelques autres à Poudlard. Il n'était pas homophobe, bien-entendu. Mais... de là à penser que lui... pourrait être gay... Il n'avait eu que de très brèves relations insipides, mais elles avaient toutes eu lieu avec une fille. Et il ne s'était jamais questionné à ce sujet. Il faut dire que dans sa famille, l'orientation sexuelle était un sujet peu abordable. Disons même tabou. L'idée qu'il puisse ne pas être hétéro, par Merlin, il fallait être timbré ! L'homosexualité était aussi mal vue que les nés-Moldus, c'était dire. Mais honnêtement, cela n'était rien en comparaison à l'idée que ces sentiments seraient tournés vers Potter lui-même. Draco ne voyait pas dans quelle mesure ces fameux sentiments auraient pu se développer. Alors qu'il essayait de tout son cœur de pourrir la vie de Potter ? Alors qu'ils se haïssaient ? Alors qu'il se ralliait au Seigneur des Ténèbres ? Alors qu'il lançait un fatal Avada Kedavra à sa petite-amie ? Mais, le pire était que Draco n'y avait jamais songé. Il n'avait jamais songé, pas même une seconde, à cette possibilité. Quand ses battements cardiaques lui tambourinaient le cerveau, quand il croisait ce regard vert, quand il pensait à Potter tout au long de la journée, quand il rêvait de lui, quand il se posait d'inlassables questions à son sujet, quand sa présence le perturbait à ce point. Et à présent, il se souvenait de ce lointain cours sur l'Amortentia. S'il avait effectivement des sentiments pour Potter, alors l'odeur qu'il avait sentie s'échappant de sa potion devait être l'odeur du Gryffondor.
Après une semaine de réflexion intensive, c'était la meilleure idée qu'il avait eue. Trouver un moyen, n'importe lequel, de connaître l'odeur de saint Potter, puis la comparer avec celle de l'Amortentia. Draco avouait volontiers que ce plan paraissait assez flippant exposé comme ça ; mais que pouvait-il faire d'autre ?
Il n'était pas capable de comprendre par lui-même si ces sentiments étaient réels ou non. Il lui fallait une preuve palpable. Il lui fallait quelque chose d'autre, quelque chose de plus que ce qu'El croyait. Que ce qu'il ne pouvait pas démêler. Car, si c'était là la vérité, il allait mettre du temps à l'accepter. Dans un premier temps, il lui faudrait réaliser pleinement. Ce que ça signifiait ; avoir des sentiments pour quelqu'un. Il lui faudrait définir, exactement, ce qu'il se passait dans son pauvre cœur défoncé. Il lui faudrait trouver les mots. Il lui faudrait accepter.
Draco n'était pas prêt à accepter. Il n'était même pas prêt à réaliser. Il n'était prêt à rien du tout.
Le blond se leva brusquement de son lit. Il était temps. Il se dirigea vers la porte, sans penser un instant à se changer, ou se coiffer pour paraître un peu plus convenable. Il n'était vêtu que d'une chemise froissée et d'un vieux jean usé, habits qu'il n'avait pas ôtés depuis la veille. Ses cheveux n'avaient reçu aucun coup de peigne depuis des jours ; mais il s'en foutait. Draco se rendit aussi vite qu'il put, comme porté par une soudaine révélation, vers l'endroit où El et Alya dormaient. Il se mit à toquer vivement, oubliant que c'était le milieu de la nuit et qu'il était probablement en train de réveiller toute la maison Serpentard – mais il s'en fichait pas mal, de toute manière. Au bout d'un certain temps – disons au moins dix bonnes minutes –, une tête sortit dans l'embrasure de la porte. Une chevelure rousse hirsute encadrait un visage aux traits fatigués, et d'une mauvaise humeur qui ne présageait rien de bon.
- Qu'est-ce que tu veux Malfoy ? cracha-t-elle d'une voix sèche. Tu fais la gueule pendant une semaine et tu te pointes comme une fleur à 1h du matin ? J'ai autant envie de te voir que d'embrasser un Scrout à Pétard !
Peut-être qu'il aurait dû attendre que le jour se lève, en effet. Réprimer ses pulsions nocturnes était, de toute évidence, à rajouter à sa longue liste de choses à faire. Draco avait – possiblement – été quelque peu impulsif sur le coup ; et ne s'en rendait compte que maintenant.
Il commença à se dandiner, mal à l'aise. Durant la semaine, il avait envoyé bouler, plutôt violemment, tous ceux qui s'approchaient de lui. Sans compter la nuit du bal de Noël, où il avait laissé El en plan après qu'elle eût exposé ses pensées. Il allait devoir se faire pardonner son attitude.
- El... Je suis désolée. J'ai agi comme un con ces derniers jours, je le sais...
Elle s'apprêtait à répliquer, mais il ne lui en laissa pas le temps.
- Ce n'est pas pour ça que je suis venu, continua Draco. J'ai bien réfléchi ; et il faut absolument que je te parle.
- Et ça peut pas attendre demain ? demanda la rousse d'un ton exaspéré. Je meurs d'envie de foutre un coup dans ton beau visage d'aristo, mais j'ai encore plus envie de roupiller.
Ledit aristo ne put s'empêcher de sourire. Eleanor lui avait manquée plus qu'il ne saurait le dire. Il acquiesça sans mot, les lèvres toujours recourbées vers le haut. La jeune fille lui lança un dernier regard noir avant de refermer la porte derrière elle.
Draco marcha à pas lents vers la salle commune des Serpentard, qui se trouvait tout près. Il s'avachit dans un grand fauteuil en velours vert, en pensant attendre ici que l'aube se pointe. Mais ses paupières se firent bientôt lourdes, lourdes, lourdes, et le sommeil l'envahit en quelques minutes.
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hey! not dead! okay, je m'excuse une énième fois de poster mes chapitres avec tant d'irrégularité. ce chapitre a été écrit en 2016 en plus, alors il commence à dater... ne me tuez pas!
au moins, j'ai pris pas mal d'avance dans l'écriture; je suis fière de vous dire que j'ai dépassé les 70 000 mots, ce qui est, pour moi, énorme. cette histoire prend de plus en plus forme, et écrire Un jour me donne l'occasion de me sentir vivante et de m'évader totalement.
je vous remercie de toujours me suivre; merci pour les commentaires, les vues, les votes, merci, merci de me lire, et d'attendre les nouveaux chapitres aussi nombreux.

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Un jour
Hayran KurguDraco doit retourner à Poudlard pour faire une huitième année. Sera-t-il assez fort pour affronter le regard des survivants ? Réussira-t-il à enfin faire ses propres choix ? Mais surtout, pourra-t-il enfin découvrir qui il est réellement ? Les tén...