Chapitre deux

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Il se dirigeait d'un pas pressant vers les quelques calèches qui partaient vers le château. Il y en avait très peu en comparaison aux années précédentes. La plupart des élèves qu'il avait croisés le toisaient d'un air de dégoût mêlé à de la peur – mais de la peur habituelle, celle qu'on donnait aux Malfoy, la peur de leur nom, la peur de ceux qui soutenaient le lord ; bien que cette peur n'était plus la même, elle était toujours présente. Comme s'ils se disaient : « Par Merlin il a été capable de faire ça et il revient quand même. » Oui, pensa-t-il, j'ai été capable de faire ça et je reviens quand même. Ne demandez pas pourquoi, je l'ignore moi-même.

Luna avait rejoint Longdubat en sortant du compartiment. Elle lui avait jeté un dernier regard dont il ne comprenait pas la signification. De quel côté était-elle ? Enfin même, y avait-il un côté ? Il était du « côté du bien » maintenant, non ? Il n'avait pas été jeté en prison, à Azkaban pour le reste de ses jours, et sa mère non plus... son père, lui, aurait dû y être envoyé, mais sa disparition avait rendu l'emprisonnement compliqué. Draco grinça les dents. Narcissa et lui avaient été du côté du Lord depuis toujours. Tous ses ancêtres, tous, tous ces sang-pur, ces gens durs et sombres, il devait être comme eux. C'était le problème. Il ne l'était plus. Il n'était plus d'accord avec les longs discours de son père sur les races supérieures des sorciers. Il n'était plus d'accord avec les pratiques barbares des Mangemorts. Il n'était plus d'accord avec son père, plus d'accord avec ses ancêtres. Il n'était plus d'accord, et il ne pouvait rien faire d'autre que d'obéir. Il avait mis trop longtemps à ouvrir les yeux. Il avait mis trop de temps pour réagir, pour comprendre, pour se rendre compte... C'était trop tard maintenant. Il avait fait tout ça. Toutes ces choses qu'il ne pouvait même pas nommer. Il n'avait aucun ami. Il n'en avait jamais vraiment eu, mais il avait été entouré, admiré ! Que diraient ses ancêtres s'ils le voyaient aujourd'hui ? Penseraient-ils qu'il était un « traître à son sang » comme Weasley ? Un lâche ? Mais après tout, est-ce qu'il s'en souciait, lui ? Peu lui importait, franchement, ce que pensaient ses ancêtres.

La calèche dans laquelle il était monté sans vraiment le remarquer s'arrêta devant le vieux château. Les rénovations n'étaient pas terminées, aussi des parties de la bâtisse étaient toujours inaccessibles.

Il s'avança vers la Grande Salle où la première Répartition post-guerre allait bientôt commencer. Draco balaya les tables du regard, en essayant de voir des visages familiers. Bien évidemment, la bande de Potty chez les Gryffondors. Ils riaient. Son regard croisa brièvement celui de Granger qui étrangement n'était ni haineux ni dégoûté. Plutôt comme empreint d'une lointaine compassion. Non, il devait rêver. Granger était intelligente, très intelligente, même, elle ne pouvait pas – ne devait pas – éprouver de la compassion pour lui après ce qu'il avait fait. Il se dirigea d'un pas lent vers la table presque déserte des Serpentards. Personne de son année n'était revenu. Tous morts, emprisonnés, disparus. Il était juste... seul. Seul.

***

Les cauchemars étaient horribles. La bataille. Et le sang. Puis les cris. L'effroi. Il se sentait mourir. Il les voyait mourir. Paralysé. Il comprenait. Tout devenait flou, noir, mort, mort, silence. Rouge. Sang. Des hurlements. Des détonations, des bruits de pas, de courses, des flashs, des explosions. Boum, boum, boum. Respire. Il ne savait plus respirer. Il y avait quelque chose qui le brûlait, le brûlait, il brûlait ! Il remonta sa manche, vit que son avant-bras était en feu, littéralement en feu. Puis les flammes s'évanouirent, d'un coup, et laissèrent apparaître le serpent tatoué qui trônait sur sa peau. Dans sa peau. Pour toujours. Le serpent ondulait, ondulait et il brûlait Draco jusque dans son âme ; ce serpent était l'incarnation du mauvais, du mal, et il était encré, ancré dans sa peau, pour toujours. Le reptile sortit tout à coup de son bras, et se jeta sur lui, augmenta de volume, jusqu'à devenir énorme, énorme, immense, jusqu'à ce qu'il recouvre son champ de vision entier. Et il se jeta sur lui.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant