Chapitre quarante-huit

1.5K 146 18
                                    

Dehors, le chaos.

Le chaos, Draco n'avait pas d'autres mots à sa disposition pour décrire ce qui se passait. Et tout lui rappelait la bataille de Poudlard. A quelques semaines près, cela faisait un an. Un an. Tout lui rappelait cette bataille qui hantait ses rêves, le feu, le feu, les hurlements, les brûlures, la haine, son père, Ginny Weasley, les ténèbres. Il détestait, il détestait ce qu'il voyait, il détestait être là et devoir recommencer, devoir se battre de nouveau. C'était presque pire, parce que cette fois-ci, il avait quelque chose à perdre. Il avait beau douter parfois, douter qu'on puisse l'aimer, lui qui se haïssait tant, il savait, quelque part, malgré lui, qu'il n'avait jamais été aussi entouré qu'à cet instant. El et son regard farouche, ses cheveux roux aussi emmêlés que possible, qui rivalisaient de volume avec ceux de Granger à ses côtés. Luna qui malgré son air perpétuel de rêverie avait sorti sa baguette et la tenait en main comme un poignard. Weasley, qui semblait à la fois effrayé et déterminé, peut-être car lui aussi avait en tête la dernière bataille qui avait eu lieu au même endroit, et sa sœur, allongée par terre de manière semblable à la jeune fille décédée qu'ils venaient de voir. Et puis, il y avait Potter. Potter, Potter, Potter. Son monde qui ne tournait habituellement qu'autour de ce prénom semblait à présent tiré, tiré comme un élastique de toute part, si bien qu'il se sentait à la limite de la déchirure. Mais Potter était là, Potter lui avait effleuré la main un peu plus tôt, Potter. Est-ce seulement possible ? Est-ce que ça m'arrive vraiment à moi ? Une petite voix lui susurrait qu'il pourrait s'enfuir, avec lui, là tout de suite, partir en sécurité où personne ne pourrait plus leur faire de mal, et se tenir la main pour toujours, et s'aimer, et exister l'un près de l'autre, et ça suffirait. Draco chassa la voix, malgré le confort qui émanait de cette idée – être avec Potter, encore et encore, jour après jour – car il savait que Potter était un héros, et un héros ne laisse pas le mal sévir en restant inactif, les bras ballants. Et Potter serait incapable de partir. D'ailleurs, lui non plus ne pourrait pas partir, laissant El, Luna, et même Granger et Weasley en proie aux ombres qui, apparemment, consumaient les gens de l'intérieur. Il n'était plus vraiment le même. Il n'était plus celui qui s'était battu, la mort dans l'âme, un an plus tôt. Celui qui avait vécu des mois durant dans ce manoir glacial, la peur au ventre, l'envie de disparaître à chaque fois qu'il était en présence du Seigneur des Ténèbres. Il avait la sensation qu'il n'arriverait jamais à se remettre de cette période. Toujours, toujours, une noirceur qui refaisait surface, revenait, et, comme une pieuvre, étendait ses tentacules en lui, tâchant tous les coins de son esprit, l'intimité de ses veines, la couleur de son sang, tout devenait sombre et il ne souhaitait que mourir pour que cela cesse.

Mais l'heure n'était pas venue de mourir. On ne peut pas mourir quand Potter est si beau, se dit-il. Je ne vais pas mourir alors que je n'ai connu qu'une seule fois les lèvres de Potter. C'était une pensée assez motivante pour qu'il revienne au présent et prenne son courage à bras le corps pour confronter la vision de terreur et désolation qu'était devenu le parc de Poudlard.

De partout, des ombres. De partout, des corps. De partout, des cris. Des jets de lumière, des hurlements, des formules prononcées à la volée. Il ne reconnaissait pas grand monde, surtout parce qu'il se fichait de la plupart des gens habituellement ; seuls les professeurs retenaient son attention. Ils étaient tous en proie avec des ombres, parfois par dizaine à la fois, Hagrid se défendait bien avec son parapluie, Flitwick malgré sa taille ne se laissait pas faire non plus. Slughorn était dos à dos avec le nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal, et puis plus loin, beaucoup plus loin, à l'orée de la Forêt Interdite, Draco reconnut la directrice, grâce à son chapeau pointu et sa longue robe verte. McGonagall ne faisait pas face aux mêmes ombres que les autres : elle combattait Arioch, le démon. Et Draco le savait parce que les couleurs semblaient s'évanouir autour d'eux, toutes absorbées par le démon, qui, de loin, était comme un point noir attirant toute la lumière pour l'avaler.

Un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant