Chapitre vingt-et-un

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Le cours d'Histoire de la Magie était – comme d'habitude – le cours le plus ennuyant de la journée. Ennuyant étant un euphémisme. Dans la salle, Draco se trouvait avec les autres élèves de huitième année en compagnie du passionnant professeur Binns. Il tentait, tant bien que mal, depuis plus d'une heure, de ne pas laisser son regard dériver vers un certain brun. Malheureusement, sans succès. Ses yeux revenaient inévitablement sur le derrière de la tête de Potter, ses épaules musclées sous son uniforme, ses mains qui jouaient avec une plume, la fine ligne de sa mâchoire... Comment rester concentré ? Maintenant qu'il avait admis ses sentiments, il se sentait beaucoup moins coupable de l'admirer de la sorte. Il n'était plus tiraillé comme avant, à se demander ce qu'il foutait, se répéter qu'il était fou... Tout n'allait pas bien, évidemment. Son cœur s'emballait et battait la chamade à chaque fois qu'Harry esquissait un mouvement. Il s'empressait alors de baisser les yeux sur sa feuille. L'effroi de croiser ses prunelles vert émeraude lui serrait les entrailles. Il sentait les blessures de son âme qui saignaient toujours, les fantômes du passé qui le hantaient sans bruit, la voix de son père qui le taraudait durant ses cauchemars, les souvenirs de la bataille qui le rendaient malade. Il faisait des rêves où Lucius Malfoy lui ordonnait de tuer Potter sous peine de torturer El, et il ne savait qui choisir. Alors, le songe se finissait lorsqu'il préférait faire le saut de l'ange depuis le haut de la tour d'astronomie, et dans sa chute il entrevoyait le corps sans vie d'Eléanor, puis celui de Ginny et ses cheveux en flammes, et celui d'Harry. Ce dernier le regardait droit dans les yeux, répétant son prénom comme une litanie, et il mourrait écrasé sur le sol, en ayant comme dernière image celle de ces émeraudes trop intenses pour exister.

Le professeur leur décrivait en détails la guerre qui avait opposé les Centaures et les Gobelins, tant de siècles auparavant. D'après ce qu'il avait écouté – pendant quelques minutes, tout au plus – il en avait compris qu'un gobelin aurait insulté un centaure d'hybride, ou quelque chose se rapprochant. Le gobelin se trouvant être le fils d'un quelconque roi, ce conflit aurait dégénéré en massacre général après que le centaure ait violemment attaqué ce dernier. Draco trouvait tout cela profondément inintéressant. Sa feuille blanche, dépourvue de notes, était la preuve flagrante que l'histoire des gobelins ne le passionnait guère. Il réprima un énième bâillement. C'était de la torture. Il ne songeait qu'à Harry, et à trouver une façon de l'aborder – ce qu'il ne ferait, de toute façon, pas. Il se remémorait, sans cesse, leur récente conversation et tout ce qui était resté gravé dans sa mémoire. Et, plus que tout, le baiser. Il se demandait ce que Potter en avait pensé. Est-ce que ça l'avait réellement dégoûté ? Draco se souvenait de l'incompréhension qu'il avait perçue dans son regard. Et de la confusion profonde que le Gryffondor semblait ressentir. Il avait l'air confus. Confus, désorienté, perdu, ébranlé. En avait-il parlé à Granger ou Weasley ? A Luna, peut-être ? Harry et elle étaient proches, il le savait. Ils avaient une relation un peu spéciale, mais ils étaient proches, ils étaient amis, et il savait qu'Harry se confiait parfois à elle. Peut-être qu'il l'avait fait. Il faudrait qu'il lui demande. De plus, la blonde passait beaucoup de temps avec El depuis le bal de Noël, alors il pourrait demander à la Serpentarde de lui poser la question... Il se sourit à lui-même ; tous ces plans machiavéliques auraient pu être élaborés par une gosse amoureuse pour la première fois, cherchant par tous les moyens à acquérir des informations sur l'Elu de son cœur. C'était presque triste quand on pensait que ça lui correspondait. C'était, en effet, la première fois qu'il aimait quelqu'un. Draco Malfoy, fils de Mangemort, héritier d'une des plus anciennes et respectables familles de sang pur, dix-neuf ans dans quelques mois, n'avait jamais été amoureux. Jusqu'à aujourd'hui. Enfin, jusqu'à ce qu'il s'en rende compote, tout récemment. Cela faisait peut-être des années qu'il l'aimait, en réalité. L'Humain était plus que capable de dissimuler la réalité à ses propres yeux. Et surtout ses sentiments. Sans Eléanor, il serait certainement encore en train de se demander ce que son cœur foutait à battre comme un malade dès que son regard croisait les prunelles vertes de Potter. Au moins, maintenant, il savait. Il l'aimait. L'aimait, l'aimait, l'aimait. Même s'il ne savait pas exactement ce que ça signifiait, ce que ça impliquait. Mrs Pince ne possédait pas dans sa bibliothèque de livre intitulé « Être amoureux pour la première fois : comment s'en sortir en 10 étapes. » Non, il allait lui falloir se débrouiller seul – avec El – pour se dépatouiller.

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