Chapitre 4

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Le problème quand on est casanière, voire pantouflarde, et qu'on fréquente une Valentine, c'est qu'on n'est jamais à l'abri de se retrouver trainée de force dans un endroit rempli d'inconnus en tout genre. Après la soirée, plutôt agréable en somme, mais qui s'était soldée par un sentiment persistant de honte, Maé avait plutôt bien réussi à esquiver les propositions de sorties de son amie. Elle avait prétendu un rhume des enfers, une migraine de l'espace, un rendez-vous téléphonique de la plus haute importance avec sa grand-mère, mais aujourd'hui, elle n'avait pas pu trouver d'excuse suffisamment persuasive pour échapper à la soirée organisée chez Arthur, pour les 25 ans de Valou. Inconfortable à l'idée de recroiser Hakim, elle avait rassemblé toute sa force mentale pour se convaincre qu'il n'y avait pas mort d'homme et qu'il avait certainement oublié le regard pesant qu'elle avait porté sur lui dans sa voiture.

Une petite voix lui disait quand même de mettre le paquet ce soir-là, juste au cas où. Alors elle avait vidé son dressing, essayé un nombre incalculable de tenues, tenté d'assortir plusieurs vêtements, et avait fini par jeter son dévolu sur une robe élégante mais pas trop, avec des talons hauts mais pas trop, et un maquillage sophistiqué mais pas trop. Elle se sentait belle, ce qui était assez rare pour être souligné. Inconsciemment ou presque, elle espérait que si Hakim se souvenait de ses yeux braqués sur lui, il ne serait pas trop dégoûté en la voyant. C'était idiot, elle le savait, mais elle ne parvenait pas à se raisonner.

En arrivant devant l'immeuble du frère de son amie, tout près de chez elle, elle avait pris son courage à deux mains, et avait sonné. Elle ne faisait jamais ça seule normalement. En principe, elle se débrouillait pour arriver accompagnée ou faisait en sorte que quelqu'un vienne la chercher pour ne pas risquer de débarquer en solitaire, l'air perdu. Elle ne voulait habituellement pas prendre le risque de voir les regards d'inconnus braqués sur elle, alors qu'elle cherchait désespérément un visage familier. C'était typiquement le genre de moment où elle ressentait une profonde gêne. Mais Valou devait probablement être trop occupée pour se soucier de son téléphone, et ne répondait pas à ses appels.

Quand la porte s'était enfin ouverte, Maé avait soufflé un grand coup, s'était assurée que le cadeau pour son amie était toujours dans son sac, et avait gravit une à une les marches la menant à l'appartement.

- Maé, t'es enfin là ! Valou t'attendait !

- Salut Arthur, elle parvenait timidement à lancer.

- Aller rentre. Tu peux poser tes affaires dans ma chambre !

Arthur avait décampé aussi vite qu'il n'était apparu. Elle était bluffée par l'aisance qu'avaient ces gens pour les interactions sociales. Elle n'avait vu Arthur qu'une seule fois, et il s'adressait pourtant à elle comme s'ils se connaissaient depuis des lustres. Elle voulait bien poser ses affaires dans sa chambre, mais encore fallait-il savoir où elle se trouvait. Alors après avoir dit bonjour d'un signe de la main aux quelques invités qui avaient remarqué son entrée, elle était partie à la recherche de la fameuse chambre. Première porte, toilettes. Deuxième porte, salle de bain, Hakim, une femme d'une beauté rare, et leurs bouches soudées avec passion.

- Oh pardon, elle s'exclamait en refermant la porte avec hâte, alors qu'ils n'avaient même pas donné l'impression d'avoir remarqué son intrusion.

Décidément. Elle repartait gênée, à la recherche de la pièce où poser ses affaires, et se redirigeait dans le salon les bras plus légers. La fête battait son plein, Valou était déchaînée et dansait sans aucune grâce au milieu de la pièce, accompagnée de plusieurs de ses amies. Maé avait une nouvelle fois le sentiment de ne pas être vraiment à sa place. Elle était arrivée après tout le monde et était sûrement la seule personne encore sobre de la meute. L'air était rendu irrespirable par la fumée, les enceintes crachaient de la musique qui n'était pas à son goût, et la quantité d'humains à proximité immédiatement d'elle l'enfonçait, paradoxalement, un peu plus dans l'anonymat. Tout le monde se connaissait parfaitement, et elle, elle faisait un peu tâche, seule avec son verre encore plein. En observant son amie, elle regrettait de ne pas avoir la faculté de s'intégrer aussi facilement à un groupe, et se lamentait de se punir elle-même par son comportement. 

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant