EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]

Chapitre 12

Le mois de mars n'allait pas tarder à se terminer, et un peu sur un coup de tête, un certain nombre de nos compagnons avait décidé de partir une dizaine de jours se réfugier dans les montagnes pour profiter de la neige. Le printemps et l'été qui se profilaient ne s'annonçaient pas de tout repos, il fallait recharger les batteries et emmagasiner le maximum d'ondes positives.

Le dilemme avait été de taille pour Maé, qui avait dans un premier temps refusé catégoriquement de rater la moindre heure de cours. Dévaler les pistes c'était bien, mais éviter une catastrophe lors de ses examens, c'était mieux. On ne se refaisait pas, il ne fallait pas exagérer. Et puis Jules avait avancé exactement les mêmes arguments. Leur relation avait plutôt évolué dans le bon sens, ils construisaient petit à petit une relation stable et équilibrée, mais il était encore moins prêt à faire des concessions que sa petite-amie. Surtout, Valentine n'avait pas suffisamment d'emprise sur lui pour essayer de le convaincre de quoi que ce soit, et de toutes manières, elle n'en avait pas la moindre envie. Elle campait sur ses positions, Jules n'était pas fait pour Maé, point à la ligne. Et puis elle le trouvait toujours chiant.

Mais revenons à nos moutons...

Maé avait donc d'abord refusé catégoriquement de participer à l'excursion alpine. Mais le destin s'en était mêlé : De nombreux cours venaient d'être annulés en raison de l'absence de certains professeurs. Ses résultats à ses derniers partiels avaient été irréprochables, frôlant la perfection, et Valentine s'était servi de cet ensemble de bonnes raisons pour convaincre son amie de finalement prendre part au voyage. Jules en revanche campait sur ses positions : il ne partirait pas s'enfermer dans un chalet avec des gens qu'il ne connaissait pas, à quelques semaines du début de ses épreuves de fin d'année.

C'est ainsi qu'ils s'étaient retrouvés à séjourner dans un petit chalet, qui ne payait pas de mine de l'extérieur, mais qui se révélait être un parfait cocon de chaleur, au cœur des Alpes de Haute Provence. Tout le monde s'était cotisé pour la location, et bien que personne n'ait rien demandé aux filles, elles avaient tenu à s'affranchir de leur part. Les bons comptes font les bons amis, comme on dit, même quand les bons amis en question ont de l'argent.

Le programme établi par Valou était chargé, et elle s'était donné du mal : Ski et vin chaud au bord des pistes, restaurants et after-Ski pour la fête. Enfin, ça, c'est ce qui avait été convenu au départ. Un élément de taille, qu'ils n'avaient pas anticipé, venait interférer dans leurs plans : La neige. S'il était habituel de voir la neige tomber à cette période de l'année dans une telle région, c'était la quantité, qui commençait à poser des problèmes.

- Putain mais ça va jamais s'arrêter... Se lamentait Valentine en regardant par la fenêtre.

- A la télé, ils parlent d'encore plusieurs jours de neige sans interruption. Informait Maé, consciente qu'en soit, ça n'avait rien de rassurant.

- On voit même plus les voitures.

- Même si on les voyait, on pourrait pas en faire grand-chose. On est coincés ici.

Cela faisait 4 jours déjà qu'ils étaient enfermés dans ce chalet. Le premier jour, ils avaient accueilli cette neige avec euphorie et enthousiasme. Des boules avaient fini échouées contre les visages de certains, des bonhommes avaient été bâtis et habillés, et l'ambiance avait été à l'amusement. Le deuxième jour, l'épisode neigeux était resté une bonne nouvelle. Ils avaient prévu de séjourner dans la station pendant 10 jours, ils avaient encore bien du temps pour profiter de la poudreuse fraîchement tombée sur les pistes. Le troisième jour, la situation était devenue plus critique. Pas d'amélioration des conditions météos dans les prévisions. Au contraire, les chaînes d'informations en continu alarmaient sur l'aspect historique de ces chutes de neige, le seuil d'alerte maximal pour les avalanches venait d'être atteint, certaines routes étaient coupées, des villages entiers se trouvaient isolés, et nos amis parisiens commençaient à se demander s'ils avaient bien fait de venir s'enterrer vivants dans ce trou paumé. Les grands axes étaient régulièrement déneigés autant que possible, mais jamais un chasse-neige ne s'aventurerait sur la minuscule route de village qui menait au chalet.