Le problème de l'amour, de la fusion et de la passion, c'est la douleur qui vous ravage le corps dès qu'un grain de sable s'invite dans les rouages. Or, Maé avait la très douloureuse impression que ces derniers temps, un sablier entier se vidait sans interruption sur sa vie, sur son idylle avec Hakim, comme pour s'assurer que plus rien n'aille correctement. Il n'était pas question d'une crise ingérable, d'une trahison impardonnable ou d'un amour qui s'évapore. C'était comme si, pour tout ce qui était beau entre eux, un nouvel élément avait fait son apparition, mettant en péril leur équilibre et leur entente. C'était douloureux, mais pas seulement.
En réalité, la jeune femme était devenue comme une étrangère dans sa propre vie. Son existence, réglée comme du papier à musique jusqu'alors, semblait ne plus avoir aucun sens. Elle était perdue, elle cherchait des réponses sans vraiment savoir où les chercher. Faire des listes, organiser ses idées, cloisonner son esprit, rien ne fonctionnait.
La première grande décision avait été prise rapidement après le départ de sa mère, au grand damne de son père : elle arrêtait l'école prestigieuse, elle arrêtait les études élitistes, elle arrêtait de toujours vouloir être en haut de la pyramide. Laurent avait bien essayé de lui faire entendre raison et de lui faire changer d'avis, mais rien n'y avait fait. L'idée n'était pas qu'il pensait qu'elle faisait une erreur en voulant emprunter une autre voie, mais il ne lui restait qu'un an à tirer, il trouvait que ça ressemblait fort à un abandon. Lui aussi, s'inquiétait de voir Maé changer autant. En revanche, elle avait tenu bon, expliquant qu'elle voulait que sa vie ait un sens, qu'elle voulait apporter quelque chose au monde, même minime, et qu'il était hors de question de continuer dans un cursus qui lui semblait désormais complètement déconnecté de la réalité.
Ça, c'était pour le côté plutôt pragmatique.
D'autre part, il y avait Hakim. Cet homme qu'elle aimait parfois au point d'avoir l'impression d'en mourir à petit feu. Leurs âmes étaient probablement sœurs, le genre de rencontre qui n'arrive qu'une fois dans la vie des plus chanceux, et jamais dans la vie des moins chanceux. Elle, elle savait ce que c'était, d'avoir trouvé son alter-ego. Leurs cœurs étaient liés à vie, par un lien si fort, qu'elle avait l'impression parfois d'être prisonnière de ses propres sentiments.
Au départ, et dans le contexte de sa vie d'avant, elle avait vu en Hakim un repère, une bouée, un être fabuleux et rassurant auquel elle pouvait s'accrocher et sur lequel elle pouvait se reposer. Elle n'avait pas de grands rêves, pas de grandes passions. Comme un nourrisson que l'on emmaillotte dans une couverture bien serrée, elle avait adoré cette sensation de cocon qu'il apportait à sa vie. Il était fort, Hakim. Il avait cette dévotion, ce besoin de protéger. Il était exactement ce dont elle avait besoin. Et c'était réciproque.
Mais il fallait se rendre à l'évidence. Tout avait changé. Elle qui rêvait autrefois de buildings, de vie citadine, de mégalopoles, de quartiers d'affaires, se trouvait oppressée au milieu de tout ça. Elle rêvait de se sentir libre, elle rêvait de grands espaces, de montagnes, de plaines, d'océans... Hakim n'était pas un frein à tout ça. Mais ses sentiments pour lui en étaient un. Ne vous méprenez pas, elle ne voyait pas Hakim comme un boulet ou un handicap, avortant ses envies d'ailleurs. Elle l'aimait. Vraiment. Plus que tout au monde, plus qu'elle-même. Sa peau contre la sienne, sa bouche, son regard, ses grandes mains, continuaient de la séduire chaque jour. Mais elle se sentait divisée. Elle aurait aimé pouvoir se dédoubler, tiraillée entre ses envies et ses besoins, entre son amour et ses rêves. Il n'existait aucune solution. Si elle n'avait pas le don d'ubiquité, elle serait donc condamnée à rester dans cet entre-deux. « Tu as le cul entre deux chaises ! », aurait dit Mémé et ça aurait parfaitement illustré sa situation. Elle ne voulait pas d'une vie sans Hakim, elle ne voulait pas d'une vie sans ses amis, sans sa famille, mais elle savait qu'un jour ou l'autre, elle regretterait d'être restée, alors que partir l'obsédait.
VOUS LISEZ
EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]
Fanfiction"Pour croire avec certitude, il faut commencer par douter." HAKIM x MAE