EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]

Chapitre 31

Noel n'avait pas de valeur pour lui, et il n'avait jamais ressenti l'envie de célébrer cette fête. Malgré toute sa dimension culturelle, Noël restait une fête propre à une religion qui n'était pas la sienne. Mais quand Maé lui avait proposé de l'accompagner à Marseille pour passer le réveillon avec son père et sa grand-mère, il avait accepté de bon cœur. C'était une occasion précieuse de vivre un moment de joie auprès d'elle, et il ne boudait jamais une telle opportunité. Et puis, il fallait bien l'avouer, il avait su s'attirer les bonnes grâces de sa famille. Ce n'était pas difficile d'être bien vu quand on passait après Jules. Magdalena demandait systématiquement de ses nouvelles quand elle discutait avec Maé au téléphone, et il en était très fier.

- Ton sac est prêt ? Elle lui demandait, surexcitée à l'idée de rejoindre sa famille. Tu crois que je peux faire rentrer le cadeau de Mémé dedans ? J'ai beau essayer, ça rentre pas dans le mien.

- Vas-y, il me reste de la place.

- Je vais pas tomber sur mon cadeau ? Elle le taquinait.

- Ca risque pas, je comptais rien t'offrir. Il riait.

- Si tu veux passer pour un radin devant mon père, c'est comme tu veux, elle se moquait.

Si elle savait... Il avait préparé sa surprise depuis des semaines avec Valentine, qui avait été d'une aide précieuse. Il n'avait pas eu à chercher bien longtemps pour trouver le cadeau parfait, il était certain d'avoir tapé dans le mille, et il n'avait qu'une hâte, voir son visage s'illuminer en ouvrant son paquet. S'il avait fallu se couper en morceaux pour lui faire plaisir, il l'aurait fait sans hésiter. A ses yeux, elle méritait le plus beau, et le plus grandiose.

Elle avait finalement renoncé à prendre un appartement. Ceux qu'elle avait visités étaient soit minuscules, soit hors de prix, et en fin de compte, elle avait du mal à s'imaginer passer ses soirées d'hiver seule chez elle, alors qu'Hakim était seul aussi, chez lui. Alors, sans que ça ne soit dit officiellement, elle avait arrêté ses recherches, et avait définitivement installé ses affaires neuves aux côtés de celles de son amoureux. Lui, bien trop heureux de la tournure que prenaient les évènements, s'était appliqué à débarrasser des étagères entières pour qu'elle puisse y stocker ses vêtements, ses livres et ses cours, et il adorait voir sa brosse à dent partager le même verre que la sienne. Non, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus glamour, une brosse à dent, mais n'était-ce pas le parfait symbole d'une cohabitation réussie ?

******

Arrivés à l'aéroport, ils attendaient sagement qu'on les appelle pour l'embarquement. Maé s'émerveillait devant le spectacle que lui offraient les voyageurs. Définitivement, elle adorait ces halls et ces salles d'embarquement. Elle suivait les passagers du regard, admirait par les grandes baies vitrées le ballet des avions qui décollaient ou qui atterissaient, et se prenait à rêver à de grands voyages.

- Qu'est-ce que t'as à sourire comme ça, toi ? Il lui demandait amoureusement, attendri par sa mine joyeuse.

- Je sais pas si je te l'ai déjà dit ... mais j'ai une certaine fascination pour les aéroports... j'ai l'impression que c'est un monde à part. J'aime bien imaginer la destination des passagers. Peut-être qu'ils vont juste bosser, ou retrouver leur âme-sœur, ou leur meilleur pote du lycée qu'ils ont perdu de vue depuis des lustres... et on le saura jamais, parce qu'on les connait pas. Dans quelques heures, certains seront au bout du monde, t'imagines ?

Il n'avait jamais vraiment réfléchi à ça, en réalité. Tout pragmatique qu'il était, il voyait les gares et les aéroports comme ce qu'ils étaient. Un endroit d'où partaient et où arrivaient des engins, qui permettaient de se rendre d'un point A à un point B. Mais Maé avait raison sur un point. Ces lieux hébergeaient sûrement des souvenirs inoubliables, des joies, des peines, des angoisses également. Il l'aimait aussi pour ça, Maé. Avec son air ingénu, elle l'obligeait à poser un regard nouveau sur les choses, même les plus insignifiantes.