EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]

Chapitre 15

En la voyant débarquer dans sa combinaison noire parfaitement ajustée à son corps, Hakim avait ressenti quelque chose d'inédit. Il ne la trouvait pas que belle, il la trouvait sensationnelle. Au fond de lui, c'était comme une caresse, ou un violent coup de poing dans les côtes, il ne parvenait pas bien à se décider. Probablement, la caresse pour la vision de cette femme qu'il trouvait splendide, et le coup de poing pour la vision de sa main entrelacée avec celle de son petit-ami parfait. La jalousie qu'il avait ressenti quelques jours auparavant au studio n'était rien comparé au pincement infligé à son cœur à ce moment précis.

Elle arrivait à la hauteur du groupe, un sourire incroyable figé sur les lèvres, aussi élégante qu'à l'accoutumée, et clairement incapable de se douter de ce qu'elle dégageait. Il se sentait con de ressentir ça, alors qu'elle était amoureuse d'un autre et que sa relation semblait la combler. Mais on ne contrôle pas ce genre de choses. S'approchant d'elle pour lui faire une bise, amicale, il n'avait pu s'empêcher de respirer son odeur, contrastant avec l'odeur de transpiration et de fumée ambiante. Son parfum iodé lui allait à merveille, et lui avait donné une envie presque irrépressible d'embrasser son cou fin, juste entre l'oreille et la mâchoire. Le pire dans tout ça, c'est qu'il avait conscience qu'il aurait été préférable de se tenir loin de cette fille ensorcelante tant qu'il en était encore temps, mais qu'il en était bien incapable.

Il avait du mal à se remémorer la Maé qu'il avait trouvé un peu coincée et figée, les premières fois qu'il l'avait vue. Elle semblait s'ouvrir et s'épanouir à leur contact, et il y avait là quelque chose de particulièrement frustrant pour lui. Il aurait eu envie de se sentir bien plus responsable de ce tournant dans sa vie, mais il n'était en soi, du moins il le pensait, que très peu de chose pour elle.

Il se forçait à ne pas fixer son regard sur elle, quand, un verre déjà vide à la main, elle commençait à onduler devant lui au rythme de la musique. Il détestait les boîtes de nuit, mais sur le moment, il bénissait ses amis de l'avoir trainé dans ce club. Le spectacle était ravissant. Maé n'était pas filiforme, pas non plus ronde. Elle était proportionnée, elle avait des formes incroyables, qui lui donnaient des idées vraiment pas amicales. Il s'imaginait, en la voyant se déhancher, la plaquer contre un mur, lui dévorer la peau avec passion, elle lui murmurant au passage combien elle était belle, et combien elle le faisait bander.

Face à ses propres démons, il tâchait de se ressaisir, et empoignait son verre pour le boire d'une traite avant de le cogner contre la table. L'alcool était déjà bien présent dans ses veines, mais visiblement pas assez. Les regards furtifs qu'elle lui lançait parfois ne lui permettaient pas de sortir ses idées salaces de son esprit, et même le whisky ne lui était d'aucun secours. Il regrettait même d'avoir bu, et de continuer d'ailleurs, lorsqu'il avait eu l'impression qu'elle dansait pour lui. Il devait lutter férocement contre ses propres vices pour ne pas se lever et laisser ses mains se promener sur elle, et pour que ses lèvres ne se ruent pas sur les siennes.

Et il ne se trompait pas, Hakim. Elle dansait pour lui, bien aidée par l'ivresse, espérant inconsciemment ou presque déceler dans le regard du jeune homme du désir. Elle qui avait bien du mal à s'imaginer en femme fatale, capable d'avoir n'importe quel homme à ses bottes, semblait réaliser son pouvoir de séduction. Son ventre avait été ravagé quand, en arrivant vers ses amis, accompagnée de Jules, elle avait posé son regard sur un Hakim arborant un polo blanc mettant parfaitement en valeur son teint halé naturellement. En le saluant, elle avait reçu comme une décharge violente lorsqu'il avait posé sa main à plat entre ses deux omoplates pour lui faire la bise. La chaleur ambiante de la salle lui avait permis de ne pas avoir l'air rougissante. Elle ressemblait juste à une jeune femme qui dansait très intensément, rougie et transpirante, et personne n'aurait pu deviner qu'Hakim en était dans les faits le seul responsable.