EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]

Chapitre 49

Le mariage avait été à la hauteur de ses espérances. Malgré sa petite altercation avec Hakim, elle avait réussi à profiter du moment et, dansant comme une folle avec Valou, elle avait eu l'impression que rien n'avait changé. C'était comme si elles ne s'étaient jamais quittées, leur complicité était intacte. Elle s'était vraiment amusée à partir du moment où elle avait vraiment réussi à se convaincre de laisser Hakim là où il était, et de profiter de l'instant présent. Après tout, elle était là pour ça, initialement.

Au petit matin, elle avait rejoint sa chambre d'hôtel, raccompagné par un taxi, pour comater de longues heures. La fatigue intense qui s'était emparée d'elle lui avait permis de ne pas trop ressasser les mots d'Hakim et d'effacer son regard noir et triste à la fois. Mais au réveil, tout lui revenait en mémoire avec une violence innommable. A part quelques phrases hargneuses échangées, ils n'avaient pas été capables de se parler et elle le regrettait déjà amèrement, mais cela avait suffit à provoquer en elle une sensation de chute libre. Il était toujours le même, et la boule qu'elle avait souvent ressentie avant qu'ils ne se mettent ensemble, était revenue se loger au creux de son estomac.

Le regard attiré par les quelques fissures présentes au plafond, elle réfléchissait à la suite. Était-il nécessaire de le contacter pour avoir une vraie discussion ? Valait-il mieux laisser tomber et se focaliser sur autre chose, comme elle le faisait depuis des années ? Elle ne pouvait nier que le revoir avait provoqué en elle une insupportable sensation d'inconfort, de frustration, et de tristesse un peu aussi. Il était si beau dans son costume, qu'elle aurait voulu se jeter à son cou pour embrasser ses lèvres dont elle rêvait parfois. Elle s'était surprise à regretter de ne pas être à ses côtés durant la cérémonie. Dans ses rêves, elle aurait serré sa main dans la sienne lorsque leurs amis s'étaient dit oui. Elle aurait posé sa tête contre son épaule pour masquer son émotion. Ils auraient ri ensemble en se remémorant leur plan pour les forcer à se reparler, au studio, se félicitant de la réussite totale de leur projet. Il lui aurait embrassé le front pudiquement comme il en avait l'habitude

Au lieu de ça, ils s'étaient assis à l'opposé l'un de l'autre, comme si la distance physique suffisait à éloigner leurs sentiments et leurs regrets. Même lorsqu'il avait fallu faire des photos de groupe, elle était restée à l'écart, ne voulant pas apparaître sur des souvenirs alors qu'elle n'était pas la bienvenue. C'était douloureux comme sentiment, alors qu'elle avait immédiatement été acceptée dans la famille qu'ils formaient, et qu'elle s'y était sentie si à l'aise. C'était une autre époque, un autre temps, elle devait s'y résoudre.

Perdue dans ses tergiversations, elle sursautait en entendant cogner contre la porte. Elle se levait en grommelant, malmenée par l'alcool ingurgité la veille en trop grande quantité. Elle prenait sur elle pour ne pas hurler à la personne derrière la porte de dégager, mais il y avait de fortes chances pour que ce soit une dame chargée du ménage des chambres, et il était hors de question de rajouter de la méchanceté dans sa journée sûrement déjà assez pénible.

En ouvrant la porte, elle tombait face à une chevelure brune un peu en bataille, qui entrait sans en attendre l'autorisation. Valentine lui avait indiqué le jour de son mariage qui était cette femme, et quoi qu'elle en dise, sa présence la mettait mal à l'aise. Elles ne se connaissaient pas, mais elles avaient quelque chose en commun que Maé aurait préféré n'avoir à partager avec personne.

En revanche, cette tornade brune, ne paraissait pas du tout gênée, bien au contraire. En réalité, elle arborait une mine sévère. Elle était déterminée.

- Bonjour Maé, désolée pour l'intrusion un peu brutale. Estelle, enchantée, elle se présentait en lui tendant la main.

Elle lui faisait penser à Valentine lors de leur première rencontre. Elle chamboulait sa tranquillité sans sourciller. Elle ne semblait pas se soucier des convenances et encore moins de la politesse. Maé s'imaginait qu'elle venait lui demander de se barrer définitivement pour ne pas perturber son équilibre et celui de son fils, ou qu'elle venait lui taper une crise de jalousie pour lui ordonner de ne plus jamais s'approcher d'Hakim. C'est un peu méfiante qu'elle poursuivait l'échange.