Chapitre 20

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Le déménagement avait été plus simple qu'elle ne l'aurait cru. Valentine avait raison : la meute de rappeurs n'avait fait qu'une bouchée des meubles et des cartons, d'autant plus qu'il était en fin de compte aisé de déplacer le contenu d'une toute petite chambre de bonne. Elle était soulagée, et surtout, elle appréciait finalement d'investir un appartement plus grand. La bonne humeur était comme souvent de rigueur, les chamailleries et les rires étaient omniprésents, et elle se sentait légère auprès d'eux.

La situation avec Jules n'avait pas beaucoup évolué. Il refusait d'admettre que sa petite amie puisse préférer aménager seule dans un appartement toujours trop petit à son goût, plutôt que de venir vivre avec lui, dans le confort et l'opulence. Il n'avait pas pris part au déménagement pour la simple et bonne raison qu'il avait préféré partir pour un week-end improvisé avec certains de ses amis, alors qu'il connaissait très bien le programme du jour.

Ca avait du mal à passer, d'ailleurs, pour Maé. Elle avait bien remarqué ses assauts plus ou moins discrets pour tenter de la faire changer d'avis, alors qu'elle avait été claire et déterminée dans son choix. Lucide, elle avait tenu bon, et malgré ses tentatives, il n'avait pour une fois pas eu gain de cause. Au bout du compte, il n'était pas là, et finalement, elle prenait conscience que ce n'était pas plus mal.

Une demi-journée avait été amplement suffisante pour mener à bien la mission. L'équipe avait passé la fin d'après-midi vautrée dans le canapé et sur le sol de sa nouvelle maison, à se crier et à se chamailler. Elle n'avait pas aménagé depuis plus de quelques heures, que son voisinage la détestait probablement déjà. Tout naturellement, et pour remercier les déménageurs bénévoles, elle avait entrepris de commander des pizzas et d'aller acheter de quoi s'hydrater et passer une belle soirée. 

Si durant la journée, la situation avait été plutôt simple à gérer, la soirée s'avérait plus délicate à appréhender pour Hakim et Maé. Les regards appuyés, les sourires incontrôlés, les picotements lorsqu'ils étaient trop proches l'un de l'autre, ne laissaient aucune place au doute. L'alchimie entre eux était réelle, et pour une fois, ni l'un ni l'autre n'avait l'envie de refouler ces sentiments puissants. Ils restaient parfois des minutes entières comme coupés du monde, ignorant les conversations autour d'eux, à s'observer en silence, sans se préoccuper de ce qui les entouraient.

Décidé à réagir, Hakim patientait sagement que tous ce beau monde décide de quitter les lieux pour avoir une discussion avec la jeune femme. Ce n'était pas dans ses habitudes, de parler, ou de prendre les choses en main. Depuis de nombreuses années, il n'avait finalement que l'embarras du choix, et se protégeait des situations compliquées. Mais avec Maé, il sentait qu'il ne devait pas rater sa chance. Il devait se faire une raison : elle l'avait envouté depuis longtemps déjà. Il ne savait pas où tout cela pourrait les mener, mais il avait l'intime conviction qu'il était nécessaire d'aller au bout des choses. Il ne croyait pas particulièrement au destin, ne pensait pas que sa vie était écrite à l'avance, mais le hasard l'avait mise sur son chemin, et il ne devait pas la laisser filer.

Quand Ken et Valentine s'étaient, enfin, décidés à rentrer chez eux, il avait pris l'initiative de se lever pour commencer à ranger un peu l'ignoble bordel qui régnait dans l'appartement, pendant que Maé les raccompagnait à la porte. Quand elle avait refait son apparition dans le salon, il s'était senti comme un adolescent, puceau, incapable de savoir quoi faire ou quoi dire.

- T'embête pas à débarrasser, je ferais ça demain... 

- Maé, lâchait-il après avoir pris une grande inspiration. On va faire semblant encore combien de temps ?

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant