Chapitre 54

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La nouvelle était tombée.

Les jeunes volontaires pour partir faire du bénévolat dans une école en Afrique ne manquaient pas, objectivement. Après avoir négocié et prouvé sa détermination, Maé et les décisionnaires de l'association avaient pu trouver un accord sur l'organisation de sa mission pour l'année à venir. Désormais, elle aurait la charge de former l'un d'eux à l'enseignement et au fonctionnement de l'école dans un premier temps, pour qu'il puisse la remplacer convenablement par la suite, tout en rejoignant le siège à Paris de temps en temps, pour aider à la récolte des fonds, et du matériel à expédier à l'école.

C'était un soulagement énorme, elle était rassurée de ne pas partir pour plusieurs mois sans interruption, mais malgré tout, un sentiment de déchirement la hantait. Même quelques semaines, ça lui semblait trop long, trop loin. Ce qu'elle avait adoré faire, le sens qu'elle avait trouvé à sa vie, lui apparaissait comme une contrainte désormais, même si elle refusait de l'admettre. Elle aurait pu tout envoyer valser, mais comme des années en arrière, elle fonçait un peu tête baissée, sans vraiment réussir à faire la part des choses.

Hakim, lui, avait été visiblement apaisé également, même si au fond, il s'était figuré qu'en cas de refus de la part de l'association, l'idée de devoir partir pendant une année complète suffirait à la convaincre de renoncer à sa mission. Il n'avait cessé d'espérer qu'elle se lève un matin en lui expliquant qu'elle ne voulait plus partir et qu'elle préférait se concentrer sur lui. Or, il avait compris en apprenant que l'association acceptait qu'elle revienne de temps en temps, qu'elle ne renoncerait pas.

Il était rongé par cette séparation, même temporaire, son départ approchait à vue d'œil, il était temps de prévenir tout le monde. Il ressentait le besoin d'être épaulé, de sentir que si Maé partait, la famille qu'il avait choisie, elle, restait auprès de lui. Il ne lui en voulait même pas. Après tout, il savait que s'il avait été suffisamment lucide des années auparavant pour ne pas la laisser partir sans se battre, ils n'en seraient pas là. Elle serait rentrée après l'expédition, ils auraient repris leur vie où elle s'était arrêtée, elle n'aurait jamais foutu les pieds dans une école au fin fond de la campagne du Niger. Mais c'était ainsi, il préférait subir cette situation quelques mois et ne pas la perdre.

******

Framal, qui venait d'emménager dans un appartement suffisamment spacieux pour accueillir tout le monde dans son salon, les avait tous invités pour fêter ça. Concrètement, c'était juste une bonne excuse pour réunir tout le monde, plus qu'une réelle volonté de célébrer son déménagement. Il s'en tapait vraiment de faire une crémaillère ou non. Il avait juste envie de voir ses potes, et ces derniers temps, c'était compliqué. La vie de couple ou de famille de certains limitaient inévitablement les rassemblements trop fréquents, et cette distance imposée par la vie le rendait nostalgique. Il avait besoin de les voir.

Ce soir-là, Maé et Hakim avaient décidé d'annoncer à tout le monde leurs choix : leurs réconciliations et leur volonté d'enfin avancer ensemble, d'abord, puis le départ temporaire de la jeune femme pour le Niger. Concrètement, ils naviguaient en eau trouble, bien incapables d'anticiper avec certitude la réaction de leurs proches. Ils étaient à peu près sûrs que Valentine et Ken réagirait avec virulence, mais concernant les autres, ils n'avaient aucune idée de comment ils pourraient prendre la nouvelle. Elle allait revenir, c'était certain, mais le souvenir de son départ brutal avait laissé des traces auprès de chacun.

Logiquement, ils arrivaient ensemble, et il n'en fallait pas moins pour que les remarques fusent. C'est Valentine qui ouvrait la bouche en premier, elle qui attendait depuis des jours de voir ses doutes se confirmer.

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant