Chapitre 9

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Les semaines qui avaient suivi avaient été épuisantes. La jeune marseillaise avait dû rendre de nombreux devoirs, le tout en affrontant le manque de sommeil et le harcèlement de Valou pour sortir boire des verres en terrasse. Les deux tests de grossesse qu'elle avait faits, tremblante, dans la salle de bain minuscule de Maé s'étant tous révélés négatifs, elle pouvait s'envoyer des verres sans culpabiliser, et elle ne s'en privait pas.

La pression que s'imposait Maé à elle-même demeurait très forte, elle avait pris à cœur d'aider Valentine à retrouver le sourire, et cela impliquait de devoir partager son temps entre son travail acharné, et les sorties nocturnes si chères aux yeux de son amie. Amie qui refusait d'entendre quiconque prononcer le prénom de Ken, qui ignorait ses appels et fuyait dès qu'il était question qu'ils se retrouvent dans la même pièce. Pour le moment, ça semblait plutôt lui réussir, à Valou, mais elle n'était pas tombée de la dernière pluie. Elle souffrait. Et Ken aussi d'ailleurs, d'après les quelques SMS qu'elle avait pu échanger avec Hakim. Elle avait eu envie plusieurs fois d'essayer d'aborder d'autres sujets avec lui, de ne pas parler que de Ken et Valentine, mais elle ne voulait prendre le risque de le déranger. Et puis elle restait persuadée que les frissons et les picotements, elle était seule à les avoir ressentis.

Même si elle retirait une grande satisfaction dans sa réussite dans ses études et le moral en apparence retrouvé de sa nouvelle acolyte, son quotidien bien chargé commençait à avoir un impact sur son moral et sa productivité.

Alors rien de tel que quelques jours de vacances auprès des siens, dans la cité Phocéenne, pour remettre les choses dans l'ordre dans son esprit. Elle avait organisé un séjour chez elle, pendant les vacances de février, pour se recentrer et pallier le manque permanent de ses racines. Elle sentait ses certitudes s'effacer parfois au contact de ses nouvelles fréquentations, et elle commençait à réaliser que certains de ses objectifs de vie s'en trouvaient perturbés. Elle refusait l'idée d'avoir fait autant d'effort pour lâcher prise au moment le plus décisif de sa vie, et elle avait décidé d'y remédier.

Et à tout le reste, s'ajoutait désormais Jules.

Jules.

Ça avait commencé quelques jours plus tôt, quand dans le cadre d'un projet particulièrement important pour l'obtention de son année, Maé avait eu à partager de longues heures en compagnie de camarades de sa promo. Son amitié immédiate et intense avec Valentine ne l'avait pas incitée à aller à la rencontre des autres étudiants, mais elle n'avait eu d'autres choix que de collaborer avec certains d'entre eux cette fois. C'est ainsi qu'elle avait rencontré Jules et elle n'avait pas compris comment elle avait pu passer à côté d'un truc pareil pendant autant de temps.

Jules avait tout pour lui. D'abord, il était beau. Vraiment beau. Des yeux très expressifs montés sur un visage parfait. Une chevelure châtain coiffée en bataille, une barbe de quelques jours parfaitement maîtrisée, une silhouette de mannequin et un style élégant sans être prétentieux. Et ça, ce n'était que la partie émergée de l'iceberg. Il était également gentil, bien élevé, impliqué et drôle.

******

En foulant de nuit le sol de la gare Saint Charles et de son parvis, qui offrait une vue illuminée de la Bonne Mère, Maé avait ressenti ce profond soulagement qui vous envahi quand vous rentrez à la maison après de longs mois loin de chez vous. Le quartier n'était pas huppé, ni très riche, mais c'était Marseille, et elle aimait cette ville sous tous ses aspects. Elle s'était délecté d'entendre l'accent chantant de ses habitants, et même la conduite approximative des automobilistes dans les rues lui avait donnée le sentiment apaisant d'être là où elle devait être.

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant