Chapitre 3

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Maé avait cédé face à son amie qui l'avait suppliée de rester. On lui avait servi un nouveau verre, qu'elle avait bu rapidement, comme pour se donner de la contenance. Ils avaient déserté le balcon pour se réfugier à l'intérieur, préférant la chaleur de l'appartement bondé au froid polaire de l'extérieur. Le volume de la musique n'avait pas été baissé, et même si elle était peu habituée à ce style musical, elle n'avait pu s'empêcher de bouger sa tête en rythme.

L'ambiance était chaleureuse, et contrairement à ce qu'elle avait pu ressentir en débarquant en terre inconnue au beau milieu de la soirée, elle se sentait à sa place. Assez pour se détendre et pour somnoler, la tête en arrière posée sur le dossier du vieux canapé en velours rouge dans lequel elle était avachie avec Valentine. Elle sentait les effets de l'alcool s'estomper, et même si elle n'avait aucune notion de l'heure qu'il pouvait être, la fatigue la gagnait de plus en plus intensément.

- Valou, je suis morte, je vais vraiment y aller cette fois.

- Je vais rentrer avec toi, je vais essayer de nous trouver un taxi.

- Vous emmerdez pas, je pars aussi, je vous ramène, avait annoncé Hakim.

Elles n'avaient pas vraiment eu leur mot à dire. En fait, quand il avait ouvert la bouche, Maé avait bien senti que ça n'avait rien d'une question. Et quand une voix aussi grave et imposante résonnait, inconsciemment ou non, on se contentait d'obéir sans rechigner. Sans attendre, ils s'étaient équipés pour affronter les températures négatives qui sévissaient dehors, et quelques minutes plus tard, ils avaient les fesses posées sur les sièges en cuir de la voiture d'Hakim. Les deux amis installés à l'avant discutaient de sujets qui échappaient à Maé, qui peinait à garder les yeux ouverts, bercée par les vibrations du véhicule.

- Maé, Hakim va te déposer après moi, ça sera plus simple.

- D'accord, si ça ne te dérange pas. Interrogeait la jeune femme, implicitement.

- Non ça me va. Répondait simplement le grand brun. Il n'était pas particulièrement bavard, ça ne faisait aucun doute.

Après avoir déposé Valentine devant son immeuble, et après s'être assurés qu'elle pénétrait sans encombre dans son immeuble, Maé avait pris place à l'avant du véhicule, et ils avaient repris la route en direction de chez elle. Elle était très fatiguée, mais ça n'avait rien de comparable à la gêne qu'elle ressentait. Elle était plutôt timide habituellement, mais là, elle n'arrivait même pas à trouver quoi lui dire.

- C'est toi qui étais dans l'avion quand on est rentrés à Paris en Septembre, non ? Demandait soudainement le jeune homme

- Oui. Vous êtes assez peu discrets pour qu'on se souvienne de vous.

- Le monde est petit...

La conversation s'arrêtait là. Le reste du trajet se déroulait dans un silence parfait, uniquement perturbé par le bruit du moteur et parfois des clignotants. Il n'avait même pas jugé bon de mettre un peu de musique, et Maé, scrutait la route, espérant que le trajet passe le plus vite possible. En réalité, elle n'était pas seulement gênée. Elle était aussi intimidée. Quand elle laissait dériver ses yeux vers lui, elle ne voyait que ses mains épaisses, aux ongles parfaitement coupés. A travers son blouson, elle devinait les muscles de ses bras se contracter lorsqu'il actionnait le levier de vitesse ou tournait son volant. Pour la première fois depuis longtemps, peut-être même depuis toujours, elle se demandait ce que cet homme pouvait bien penser d'elle. Elle s'appliquait à garder la tête droite pour éviter qu'un double menton un peu traitre ne vienne gâcher son cou fin et son visage. Elle avait même essayé de rentrer un peu son ventre pour qu'il ne voit pas le petit bourrelet qu'il formait, trop serré contre le bouton de son jean. Concrètement, les chances qu'il ne l'observe étaient très faibles. Il était drôlement concentré sur la route déjà, et puis elle n'était pas certaine d'être son genre. Mais sans explication rationnelle, elle tentait de se montrer sous son meilleur jour, et elle se sentait un peu ridicule d'agir ainsi. Sans compter qu'il n'était pas vraiment le genre d'homme qu'elle avait l'habitude de côtoyer. Elle aimait les hommes élégants, blonds si possible, pas forcément musclés, qui n'avaient pas de mal à faire la conversation et qui semblaient à l'aise partout. En somme, pas Hakim.

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant