Chapitre 26

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En montant deux par deux les marches de l'immeuble, ses mains se mettaient à trembler, et un incendie se formait autour de son estomac. L'incertitude et la peur, mêlées au souvenir frais des mots terribles de Jules, lui faisaient monter les larmes aux yeux. Mais il était trop tard pour tergiverser, la machine était lancée, et elle ne voulait plus faire marche arrière.

Elle tapait trois légers coups sur la porte, mais seul le silence lui répondait. Sentant sa détermination flancher face à cette porte qui restait désespérément close, elle parvenait à rassembler son courage pour réitérer son geste, avec plus d'énergie cette fois.

De l'autre côté de la cloison, c'était un Hakim en caleçon, les yeux collés et l'esprit encore dans son rêve qui s'avançait en trainant des pieds mollement vers la porte. Il se demandait bien qui pouvait le déranger à cette heure-ci. Il n'attendait personne, et l'époque où ses frères débarquaient en pleine nuit pour lui demander de l'aide ou l'hospitalité était révolue depuis longtemps. Son cœur aurait pu s'arrêter net, tellement la surprise était grande.

- Maé ?! Qu'est-ce que tu fous là ? Il demandait d'une voix encore plus grave qu'à l'accoutumée.

- J'ai quitté Jules. Elle claquait.

Ne sachant pas bien quoi répondre à ça, il se frottait le visage et les yeux avec ses mains, comme pour se persuader qu'il n'était pas en plein rêve. Si elle débarquait comme ça, les yeux humides et les joues rouges, à cette heure si tardive, ce n'était pas juste pour l'info. Il sentait que le reste de sa nuit ne serait pas de tout repos, et il avait raison.

- Je peux rentrer ? Elle se risquait à supplier

- Vas-y. Murmurait-il en se déplaçant contre le mur pour la laisser passer, tout en ne prenant aucunement le risque de la frôler.

En prenant place silencieusement dans le canapé, elle tentait de maintenir son rythme cardiaque au plus bas, par peur qu'il ne lâche. Elle qui ne faisait jamais de vague, était en train de provoquer un ouragan dévastateur tout autour d'elle. Elle avait imaginé ce moment de nombreuses fois, mais elle était bien incapable de trouver ses mots dans l'immédiat et elle ne savait pas vraiment comment amorcer la conversation.

- Tu sais que ma grand-mère est venue me voir à Paris ? Elle commençait tremblante.

- Non je savais pas... Mais je vois pas le rapport avec le fait que tu débarques chez moi en pleine nuit, en me balançant que tu as quitté ton mec.

- On a beaucoup discuté, et...

- Va droit au but Maé. Il ordonnait en croisant ses bras sur sa poitrine, comprenant de moins en moins où elle voulait en venir.

Il venait de se réveiller en sursaut en entendant cogner contre sa porte, avait découvert la femme qui occupait son esprit depuis des semaines au bord des larmes sur son paillasson, lui expliquant qu'elle était désormais célibataire, et là tout de suite, il avait le plus grand mal à assembler toutes les pièces du puzzle. Enfin, il se doutait bien quand même, mais par crainte de faire fausse route, il restait sur la défensive.

- Maé, accouche... il s'impatientait.

- J'ai quitté Jules. Elle répétait. J'ai essayé je te le jure, mais j'arrive pas à te sortir de ma tête. C'est plus fort que moi, je suis terrorisée, mais je peux plus faire semblant. J'ai plus la force de m'obliger à garder mes distances avec toi alors que quand tu es près de moi, tout est différent. J'arrivais à me raisonner jusqu'au déménagement, et puis j'ai compris ce que c'était d'être bien aux côtés de quelqu'un. Vraiment bien, je veux dire... J'ai peur que tu me rejettes. Et puis j'ai peur que ça soit trop tard, mais au moins je t'aurais dit ce que je ressens. En réalité, j'ai jamais ressenti ça pour personne, j'ai envie de te parler, j'ai envie de te sentir contre moi, ça devient obsessionnel...

EQUILIBRE INSTABLE [MEKRA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant