Chapitre 58.

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25 septembre 1976, 12, Square Grimmault, Londres.


Les enfants moldus qui jouaient habituellement dans la cour du square Grimmault étaient rentrés depuis longtemps auprès de leurs parents quand deux silhouettes se détachèrent de la pénombre pour se diriger droit vers le numéro 12 devant lequel elles finirent par s'arrêter. L'une d'entre elle leva sa main vers le bâtiment et, sans que quiconque ne puisse le remarquer, les murs s'écartèrent pour dévoiler un passage étroit et obscur qui semblait interminable.

« Avance » ordonna celle qui avait dévoilé le passage, et l'autre obéit sans donner le moindre signe de protestation. Les s'engouffrèrent dans les entrailles du bâtiment, et le square Grimmault tout entier ne remarqua rien de ce qui venait de se passer. Aucun des moldus encore éveillés ne se doutait de ce qui allait alors se dérouler chez leurs voisins, et nul ne pourrait jamais le deviner.


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Bellatrix déverrouilla l'entrée du numéro 12, qui était gardée par une porte sans verrou ne pouvant être ouverte qu'à l'aide d'une baguette, et entra dans la demeure ancestrale de la famille Black. La maison familiale datait du 18ème siècle, et avait vu des générations de sorciers vivre entre ses murs. Tous avaient appartenu à la même famille, et tous avaient toujours été très fiers de porter le nom qui était le leur. Du moins ; tous ceux qui figuraient sur la tapisserie familiale. Les autres étaient effacés, purement et simplement.

Le 12, Square Grimmault transpirait la magie. C'était comme si la maison toute entière en était imprégnée, comme si elle était vivante, presque. Les sœurs Black n'avaient pas habité là, mais y avaient passé une bonne partie de leur enfance, avec leurs cousins. Bellatrix connaissait les moindres recoins de l'habitation, ses pièces n'avaient pour elle aucun secret. Elle pouvait décrire avec une immense précision les motifs gravés sur les moulures du plafond, donner le nombre exact de tête d'elfes de maison empaillées accrochées en rang le long de l'escalier qui menait à l'étage supérieur, ou encore citer chaque sorcier représenté sur les nombreux portraits qui décoraient l'habitation.

La mangemort avança le long du couloir d'entrée, suivie par la deuxième personne ; une femme, non : une fille, encore adolescente, dont les yeux voilés ne laissaient entrevoir aucune forme d'émotion, reflétant à la place une étrange absence.

La maison était plongée dans l'obscurité. Seule une unique pièce était éclairée par des lampes à gaz, au rez-de-chaussée. La salle de réception, celle où était peinte la superbe tapisserie de la famille. C'est là que se rendaient les deux femmes.

- C'est celui-là... c'est ici que j'ai trouvé le rituel.
- Il n'a pas été pratiqué depuis des siècles...

Bellatrix reconnut immédiatement les voix ; celles de sa sœur, et de sa tante.

Suivie de la jeune fille, elle entra dans la lumière de la salle de réception. Les voix se turent, et tous les regards se tournèrent vers elle. Tous les Black encore en vie étaient là. Narcissa les avait réunis, implorant leur aide pour protéger la famille. Arcturus et Lucretia, le père et la sœur d'Orion, étaient là. Pollux et Irma, les parents de Cygnus, étaient présents également, de même que la sœur de ce dernier, la maîtresse des lieux, Walburga, et leur tante Dorea. Et, enfin, il y avait les derniers, les plus jeunes : Regulus, Narcissa, et Bellatrix.

Un air solennel était peint sur chacun de leurs visages. Tous savaient que l'heure était grave. Leur noble et ancienne famille avait été la cible d'assassins, l'objet de représailles. Trois d'entre eux avait péri, leurs vies avaient été dérobées injustement. Il fallait se battre en retour, mais surtout ; il fallait prendre les mesures nécessaires pour se protéger.

Et les mesures nécessaires étaient là, avec eux. Chaque membre de la famille était venu accompagné d'une jeune fille. Certaines d'entre elles étaient encore mineure, de simples enfants.

C'était l'innocente Narcissa qui avait eu l'idée. Elle avait trouvé le rituel des années plus tôt, dans un vieux grimoire de magie noire perdu dans l'immense bibliothèque des Malefoy. Elle ne s'était pas douté, à l'époque, que cette lecture lui serait utile. Le rituel, pour autant, avait profondément marqué son esprit, et notamment parce qu'il demandait de ses créateurs des actes terribles.

Le rituel avait été créé par une très ancienne famille de sang pur aujourd'hui éteinte ; la famille Gaunt. Autrefois très riche et très influente, elle avait souhaité faire de la demeure qui l'abritait un véritable sanctuaire où nul ennemi ne pourrait pénétrer. Pour cela, le patriarche de la famille avait décidé de donner vie à sa demeure, afin qu'elle repousse par elle-même tout oppresseur et n'obéisse qu'aux sorciers qui partageraient le sang Gaunt.
À cette époque, les sorciers étaient encore traqués et massacrés par les moldus. Alors, la création de ce rituel avait été une véritable révolution chez les sangs purs. Cependant, tous n'osaient pas avoir recours aux méthodes nécessaires pour protéger leurs demeures. Au fil des siècles, le rituel a été abandonné aux profits de protections plus simples, comme le sortilège du fidelius.
Les Gaunt, qui n'avaient pas été dérangés une seule seconde par la violence requise pour l'exécution du rituel, ont fini par ne plus quitter leur sanctuaire, et ont peu à peu perdu la raison, sombrant dans un entre-soi malsain qui finira par ravager leurs gênes. Le puissant rituel avait fini par tomber aux oubliettes, et plus personne n'en avait entendu parler.

Jusqu'au jour où Narcissa avait trouvé ce vieux grimoire poussiéreux au fond d'une étagère.

Le rituel avait été décrit par une jeune sorcière, à la manière d'un journal intime. Narcissa se rappelait de ses mots comme si elle les avait lus la veille.


Tante Belvina est morte hier, exécutée pour sorcellerie. Nous l'avons regardée brûler, et ses cris de douleur, mêlés aux cris de joie des moldus, résonnent encore dans mes oreilles.
Mais père a trouvé un moyen de nous protéger. Ce soir, nous nous sommes réunis dans le hall d'entrée du manoir. Tout le monde était là, nous étions une quinzaine.

Le manoir demande du sang, du sang neuf, innocent. Chaque sorcier et chaque sorcière a fait offrande d'une vierge, afin de rassasier l'esprit du manoir. Les moldues avaient été chassées dans le village d'à côté, et ramenées sous le sortilège de l'Imperium. Cela ne les a pas empêché d'hurler lorsque leurs gorges ont été tranchées. Nous avons laissé le sol s'imbiber de leurs fluides, et c'était comme si la demeure toute entière tremblait de plaisir.

Nous avons chanté l'incantation pour qu'il nous entende et accepte notre demande. Nous avons imploré sa protection, et avons versé de notre propre sang -le plus pur- afin de l'honorer et de nous faire reconnaître comme ses maîtres légitimes.

Les cadavres resteront sept jours dans le cœur du manoir. Leurs âmes seront à jamais prises au piège dans cette demeure, rappelant toujours ce qui arrivera aux ennemis de la noble maison Gaunt qui tente de pénétrer dans notre sanctuaire.

Lorsque je me réveillerai demain, je saurai que, entre ces murs, je serai à l'abri. L'esprit du manoir Gaunt veillera toujours sur les membres de notre famille. Jamais plus nous ne serons en danger, tant que nous demeurerons ici. La lignée des Gaunt est désormais assurée pour l'éternité.


Bellatrix regarda Narcissa droit dans les yeux. Sa petite sœur était pâle, mais semblait décidée à faire ce qui était nécessaire pour protéger les siens. La mangemort posa les yeux sur la fille amenée par Narcissa. Elle n'avait pas plus de douze ans.

Le silence dans la salle était pesant. La plupart des Black ici présents n'avaient jamais ôté une vie, et encore moins celle d'un enfant. Mais ils n'avaient plus le choix, désormais.

D'un mouvement de baguette, Bellatrix ferma la porte, verrouillant l'unique issue possible. Puis, elle traça au centre un pentagramme, et regarda les sorciers réunis en cercle devant elle un à un, avant de prendre la parole.

- Tenez les filles devant vous. Prenez vos baguettes. Vous avez tous pris connaissance de la formule ?

Les Black acquiescèrent en silence.

- Il n'y a pas de retour en arrière possible désormais. Vous avez tous accepté de participer au rituel, pour notre propre protection. L'offrande que vous avez amenée ne pourra pas survivre. Il ne faudra pas hésiter. Lorsque le moment sera venu de les exécuter, il faudra que votre geste soit clair, net et précis. Si l'une des victimes survit, le rituel échouera.

Bellatrix sentit Regulus frémir à côté d'elle.

- Bien. Commençons.

Au moment où elle prononça ses mots, les Black scellèrent le cercle en se tenant la main. Puis, d'une même voix, ils entamèrent l'incantation.

« Nous, membres survivants de la Noble et Ancienne Famille Black, demandons à notre demeure ancestrale de veiller sur les nôtres. Nous invoquons son esprit, afin qu'il nous reconnaisse comme ses maîtres et nous protège de ceux qui sont nos ennemis. Nous invoquons son esprit afin qu'il n'obéisse qu'à ceux qui partagent notre sang, et qu'il s'en prenne aux êtres impurs qui osent franchir l'entrée de cette demeure. Nous invoquons son esprit afin qu'il puisse, de lui-même, repousser ceux qui nous veulent du mal et ceux qui sont indignes de s'approcher de nous. Moldus, sangs de bourbe et autres immondes créatures périront ici, tant qu'un des maîtres de cette demeure n'aura pas donné d'ordre contraire. Nous offrons à l'esprit du 12, Square Grimmault, le sang de neuf vierges, afin qu'il reconnaisse notre dévotion ».

D'un seul homme, les Black posèrent la pointe de leur baguette sur la peau des filles et tracèrent une ligne droite de part et d'autre de la gorge de leurs victimes, libérant un flot de sang chaud et écarlate. Quelques-unes d'entre elles émirent un grognement guttural, la douleur prenant le pas sur le sortilège de l'Imperium, avant de s'écrouler à terre, convulsant comme des poissons hors de l'eau.

« Ces murs seront impénétrables aux étrangers qui ne seront pas accompagnés par l'un des nôtres. La maison veillera à jamais sur ses habitants. Ses habitants veilleront à jamais sur la maison. Nous offrons notre sang pour affirmer notre promesse, et lier à jamais nos âmes à l'esprit de notre demeure ».

Cette fois, ce fut sur leurs propres chairs que les Black tracèrent une profonde coupure. Ils tendirent en même temps leurs mains sanguinolentes au-dessus des filles inanimées, et laissèrent quelques gouttes de sang se joindre à la flaque pourpre qui grandissaient sous les corps sans vie.

« Prend ce sang qui t'es offert, nourris-toi et deviens plus fort. Sept jours ces corps resteront en ton cœur, sept jours tu grandiras. Et à la fin de ce délais, tu prendras vie et entamera ton rôle de gardien. »

Tout à coup, la lumière vacilla et la pièce fut plongée dans l'obscurité la plus totale. Bellatrix ne pouvait entendre que les souffles saccadés des autres sorciers dans la pièce. Puis, il y eu une sorte de sifflement lugubre, comme un courant d'air qui parcourut la maison entière, suivit d'un grincement sinistre. La maison prenait vie.

Et, soudain, la lumière revint.

Lorsque Bellatrix posa les yeux sur le tas de cadavres devant elle, il n'y avait plus une goutte de sang sur le plancher en bois.

Le 12, square Grimmault avait d'ores et déjà commencé son dîner.

Le rituel avait réussi.

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Chapitre court, mais ô combien sinistre! J'ai hâte que Grimmault Place prenne vie, mais je ne sais pas si on verra réellement les effets du rituel dans ce premier tome. Au moins, on est sûrs de deux choses : les membres de la famille Black ont maintenant un refuge impénétrable, et ils sont dorénavant tous des meurtriers. Et oui, même Cissy.

Maintenant, nous allons revenir au plus important, et nous approcher de la fin de ce tome... mesdemoiselles, mesdames et messieurs, à suivre : la chute du Ministère de la Magie ou l'art du coup d'Etat.

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