Chapitre 14.

477 28 13
                                    


- Enfin, vous vous doutez que notre fille est innocente ! Cette fille l'a très certainement poussée à bout et Bellatrix s'est défendue du mieux qu'elle pouvait. Peut-être que si vous faisiez plus attention à vos élèves, nous n'en serions pas là !

Druella tremblait de rage, debout devant le bureau du professeur Albus Dumbledore qui l'observait avec son calme habituel. À côté d'elle, Cygnus toisait le directeur d'un air méprisant, hautain. Une élève était morte, et donc ? Ce n'était pas une sang-pur, et Bellatrix n'était pas réellement coupable. Cela n'avait été qu'un accident. Un accident que monsieur Black ne semblait pas trouver regrettable le moins du monde.

- Je vous fais confiance, Albus, pour faire tout ce qui est en votre possible afin que l'affaire ne sorte pas de l'enceinte de Poudlard. Il serait inapproprié qu'une élève se trouve harcelée par la presse pour un événement dont elle n'est pas responsable, dit le père de famille d'une voix mielleuse. Je suis sûr que les parents de la fille comprendront, Bellatrix est la véritable victime de cette histoire. Nous avons de nombreux contacts qui nous ont assuré que miss Solway et ses amis harcelaient sans relâche les élèves de la maison Serpentard. Ma fille s'est défendue lorsque le personnel de l'école était incapable de la protéger. Lorsqu'on y réfléchit, les réels fautifs ne sont personne d'autre que le staff responsable des élèves...
- C'est une façon de voir les choses, Cygnus, répondit simplement Dumbledore. Néanmoins, le sort de miss Black n'est pas entièrement entre mes mains. Si j'ai mon mot à dire dans son éventuelle expulsion de Poudlard...
- Expulsion ! s'écria Druella. Avez-vous perdu la raison ? Ma fille est...
- Ce sera au Magenmagot de décider de ce qu'il adviendra de miss Black, continua Dumbledore d'une voix posée. Je vous rappelle, Druella, que ce qu'a commis votre fille aînée est passible d'une peine de prison à Azkaban. Même si je suis moi même peu enclin à voir une de mes élèves entre les murs d'une cellule, cela reste une possibilité. Une élève est morte. Une famille a perdu un être cher...
- Ce sont des choses qui arrivent ! siffla Druella. Cette fille était une horrible personne, une sale sang-de...
- Druella, très chère, coupa Cygnus en posant délicatement sa main sur celle de son épouse. Je suis sûr que le Magenmagot sera du même avis que nous. Nous parlerons à Bellatrix, Albus. C'est une de vos meilleures élèves, je suis sûr que nous trouverons un arrangement.

Dumbledore soupira, et se résigna à raccompagner le couple Black jusqu'à la sortie de l'école.


****


Bellatrix était assise dans une salle de classe vide. Elle n'avait pas été autorisée à rejoindre les autres élèves lorsque Dumbledore avait reçu ses parents. Elle n'avait que brièvement croisé Cygnus et Druella, et son père avait juste eu le temps de lui dire « ne leur dis rien ».

La jeune sorcière lança un regard aux deux aurors qui étaient venus la surveiller. Ils se tenaient droits comme des piques, leurs visages étaient durs, sévères. Ils portaient l'insigne du Ministère de la Magie brodé sur leurs robes, et fixaient Bellatrix avec froideur. Bellatrix les trouvait ridicules. Dans une autre situation, sûrement, elle se serait ouvertement moquée d'eux. Mais à ce moment même, elle ne pouvait pas se permettre de donner la mauvaise impression. Le moindre faux pas serait utilisé contre elle lors du procès qui était désormais inévitable. Alors l'aînée des Black affichait son air le plus accablé, la tête baissée et les yeux imbibés de larmes.

Elle n'irait pas à Azkaban. Sa famille était bien trop puissante. Son père avait trop de contact au Ministère, trop d'influence pour qu'il ne lui arrive quoi que ce soit. Mais mieux valait mettre toutes les chances de son côté.

Bellatrix revit l'image d'Anne, visage contre terre, sa chevelure blonde baignant dans une marre de sang. Un frisson lui parcourut l'échine, et elle poussa un soupir de plaisir. Encore. Elle en voulait encore.


****


Manoir Malefoy, Wiltshire.


- Donc... si je comprends bien, dit Voldemort d'une voix glaciale, la fille Black a tué une de ses camarades sur un excès de colère ?
- C'est exact, Maître, répondit docilement Abraxas. Du moins, c'est la version qui m'a été rapportée. Miss Black va être transférée chez elle en attendant sa première audience au Ministère. Le Magenmagot s'est réuni pour traiter son cas dès que la nouvelle s'est répandue.
- Dumbledore est toujours président-sorcier ? interrogea le mage noir.
- Oui, mon Seigneur. Il dirigera la séance. Il n'avait néanmoins pas l'air de tenir à envoyer la fille à Azkaban.
- Non, bien sûr que non, dit Voldemort avec un sourire dénué de joie sur les lèvres. Il s'obstine à toujours voir le bon chez chacun. Cela sera sa perte... et notre meilleur avantage pour le moment. Combien de nos alliés siègent actuellement au Magenmagot ?
- Une dizaine, répondit Abraxas.
- Hmm...

Voldemort caressa la surface du bureau en chêne du bout du doigt, calculant rapidement les possibilités qui s'offraient à lui. Il lui fallait la fille. Les sentences étaient décidées à la majorité durant les procès. Même si Dumbledore ne comptait visiblement pas l'envoyer à Azkaban, il n'aurait aucun pouvoir si la majorité des membres en décidaient autrement. Et Lord Voldemort n'avait pas encore assez d'alliés à la Cour de Justice Magique pour être absolument certain de pouvoir épargner Bellatrix d'une peine de prison. Après tout, la petite avait commis un meurtre. Prémédité ou non, elle encourait une lourde peine puisqu'elle était majeure.

- Les Black sont une famille respectée, mon Seigneur, ajouta Abraxas d'un ton peu assuré. Je doute que Bellatrix ne reçoive un châtiment aussi lourd qu'une...
- Avec les événements récents, Abraxas, coupa Voldemort, les membres des Vingt-huit Sacrés ne sont plus aussi protégés qu'avant. Seul un idiot penserait que le statut de sang apporte encore l'immunité face au Magenmagot. Il faudra faire en sorte d'apaiser les tensions avant le début du procès... combien de personnes peuvent être soumises au sortilège de l'Imperium ?

Abraxas fronça les sourcils et plissa les yeux. Il resta silencieux un moment, réfléchissant aux moyens qu'il avait de s'approcher des membres qui siégeait au Magenmagot.

- Avec le peu de temps qu'il nous reste, et la nécessité absolue de discrétion qui s'impose encore à nous... je dirais moins d'une dizaine. Sept tout au plus, pour être précis.

Voldemort acquiesça lentement et joignit ses mains devant lui, marquant naturellement sa domination sur son interlocuteur.

- Peut-être pourrions-nous alors nous débrouiller pour... leur présenter une nouvelle option. Il est presque certain qu'ils lui confisqueront définitivement sa baguette. Elle serait alors contrainte de vivre comme une Cracmol, dépendante d'autrui pour toujours. Peut-être qu'ils pourraient considérer qu'une peine de prison serait une sentence trop lourde et peu fructueuse pour un cas comme celui de miss Black. Nous pourrions leur suggérer une prise en charge par un tiers qui s'attèlerait à... apaiser la violence contenue en elle... pourrait apparaitre comme la meilleure des solutions. Ainsi, elle pourrait non seulement garder sa baguette, mais je pourrais la former.
- Vous voulez dire... quelque chose comme un tutorat ?
- Le Magenmagot ne laissera jamais une meurtrière vagabonder en toute liberté dans le pays. Ils voudront la placer en résidence surveillée, dans le meilleur des cas ; si nous réussissons à les « convaincre ». Miss Black nous a prouvé son potentiel en attaquant cette gamine. Si elle a été correctement élevée par Cygnus, je suis certain qu'elle ne verra aucun inconvénient à ce qu'un... tuteur, l'aide à exploiter ce potentiel. Si elle est aussi puissante que ce qu'elle laisse entrevoir, elle pourrait devenir une arme redoutable pour notre cause. Nous savons qu'elle est capable de tuer. Voyons si elle est encline à recommencer, mais cette fois au service de son pays. Pour le plus grand bien.

Les yeux d'Abraxas s'étaient illuminés, et il acquiesçait désormais vigoureusement.

- Nous soumettrons le plus de membres du Magenmagot possible au sortilège de l'Imperium, Maître, promit le sorcier avec enthousiasme. J'ai confiance en votre plan, je crois que cela a de grandes chances de fonctionner.
- Hmm... Albus sera réticent, bien sûr. Le vieillard m'a toujours soupçonné du pire, ce qui contraste avec sa nature habituellement conciliante. Mais après tout ; c'est la majorité qui l'emporte. Pas la voix d'un directeur d'école aux mœurs douteuses.
- Bien entendu, mon Seigneur, bien entendu...
- Abraxas, avant de partir, dit Voldemort d'une voix traînante, envoie une lettre à Cygnus. Préviens-le de ma venue. J'ai quelques mots à toucher à la famille Black...


****

Manoir Black.


Les Black étaient une famille très particulière. Grâce à l'ancienneté de leur ligné et à la pureté de leur sang, leur renommée était telle que leur nom était connu dans toute l'Europe. En Grande-Bretagne, plus particulièrement, nul n'ignorait qui ils étaient. Tous savaient reconnaître les membres de cette noble famille. De part leur attitude altière jusqu'aux traits qu'ils partageaient, il était impossible de les confondre avec d'autres sorciers. Les Black, tous sans exception, étaient d'une grande beauté. Cette beauté, cela dit, était singulière ; ils avaient la peau très pâle, des cheveux très bruns, des yeux aussi sombres que le nom qu'ils portaient, et des visages ciselés de façon presque agressive mais qui frôlaient pourtant la perfection.
Mais il y avait quelque chose, autre chose. Leur simple présence dans une pièce imposait le silence, faisait chuter la température et éveillait la fascination. Les Black dégageaient un charisme tel qu'il était impossible de ne pas leur vouer un respect total. Leur réputation était bien fondée ; de cette famille on disait qu'elle était puissante, fortunée bien au delà du nécessaire, et dangereuse.

L'histoire de la famille Black était sanglante, le chemin qu'ils avaient parcouru sur cette Terre était jonché de cadavres. Tous savaient que les Black étaient d'une violence inouïe, que là était leur nature. Pourtant, grâce à leur renommée, grâce à leur charisme et tout ce qui faisait qu'ils étaient des Black ; ils avaient toujours échappé au moindre châtiment, et par conséquent...à la prison.

Mais les choses avaient changé ces dernières années. La société magique de Grande-Bretagne était de plus en plus conciliante avec les né-moldus, et de plus en plus sévère avec les sorciers les plus conservateurs. Voldemort en était bien conscient. Cygnus et Druella, eux, semblaient persuadés que leur fille ne courait aucun danger. Le mage noir pouvait le lire dans leur esprit alors qu'il était assis en face d'eux autour d'un service à thé préparé par leurs elfes de maison.

Druella était agitée, amère.

Dumbledore n'a pas changé. Favoritisme pour les Gryffondors. Cet ignoble sang-mêlé... défend les sangs de bourbe comme s'il défendait son sang et sa chair. Expulser Bellatrix de Poudlard... ignore-t-il qui nous sommes ? Quel manque de respect... Bella n'a fait que se défendre. Une sang de bourbe en moins, ils devraient la remercier plutôt que de la traîner devant le Magenmagot.

Cygnus, lui, était confiant.

Aucun membre de la famille n'a terminé à Azkaban depuis des décennies. Mon arrière-grand-père était directeur de Poudlard. Bella ne sera jamais renvoyée, et encore moins envoyée à Azkaban pour une bêtise pareille. S'ils arrêtaient d'accepter n'importe qui au sein de leur école, on n'en serait pas là. Bella n'aurait jamais attaqué un sang pur.

Bellatrix, elle, demeurait impassible...

...et son esprit était toujours impénétrable.

Néanmoins, elle observait le mage noir avec curiosité. Elle se demandait sûrement la raison de sa venue. Voldemort s'autorisa à la regarder plus en détail. Bellatrix était assez petite, très mince mais plutôt athlétique. Ses cheveux explosaient autour de son visage en une crinière de boucles sombres. Ses yeux étaient grands, entourés de longs cils noirs, et perçant. Elle avait beau être une Occlumens incroyablement douée, son regard trahissait tout ce qui se passait dans sa tête. Il était animé par la grâce, la force, mais aussi par le doute. Elle tâchait d'apparaître la plus sereine possible, mais elle commençait à se poser des questions. Qu'allait-il advenir d'elle ?

- Donc, dit Druella en posant ses yeux noisette sur Lord Voldemort. Vous dites que vous pouvez trouver un arrangement avec le Magenmagot ?
- C'est exact, répondit le mage noir d'une voix douce. Je crains que votre fille ne risque plus que ce que nous ne pensez... il serait plus judicieux de prendre les choses en mains avant d'avoir une mauvaise surprise. Les juges du Magenmagot ne sont plus aussi souples qu'avant en ce qui concerne les...incidents...provoqués par les membres des Vingt-huit Sacrés. Ils ne font plus la différence entre un sang pur et un sang de bourbe. Ils croient en l'égalité entre tous les sorciers, ce qui est regrettable. Miss Black risque de se voir confisquer sa baguette dans le meilleur des cas.
- Le meilleur des cas ? répéta Druella avec une expression horrifiée. Elle devrait vivre comme une... comme une...

Ses yeux s'emplirent de larmes.

- Non ! dit-elle fermement. Cela n'arrivera pas. Bella est un membre de la noble et très ancienne famille Black. Elle ne peut pas être privée de sa magie !
- Aussi regrettable que cela puisse être, Druella, cela reste une éventualité. Et comme je l'ai déjà dit, cela serait la sentence la plus douce qu'elle puisse recevoir. Aux yeux du Magenmagot, elle aura commis un meurtre. Vous savez où finissent les meurtriers.

Du coin de l'œil, il vit Cygnus déglutir et secouer la tête. Le couple commençait à réaliser qu'ils s'étaient bercés d'illusions. Ils n'avaient pas de solutions pour protéger leur fille. C'était là que Voldemort entrait sur scène.

- Vous avez dit que vous pouviez trouver un arrangement, rappela le père de famille. Quel serait-il ?
- J'ai des contacts importants au Département de la Justice Magique. Si nous sommes assez habiles, nous pourrions les convaincre de placer miss Black en résidence surveillée. Ainsi, elle pourrait garder sa baguette, et apprendre à maîtriser...son tempérament. Il faut leur présenter cette solution comme étant la plus adaptée à la situation. La confiscation de sa baguette serait un handicap, mais ne pourrait pas l'empêcher de s'en prendre à autrui. Un séjour à Azkaban ne ferait qu'endommager son précieux esprit, voire la rendre encore plus dangereuse. Si quelqu'un la prenait sous son aile, la formait, l'aider à se contrôler, elle pourrait réintégrer la société comme une personne saine et capable de se comporter comme il convient.
- Alors elle resterait ici ? au manoir ? demanda Druella. Sans passer ses examens ?
- Je doute fortement qu'elle soit autorisée à rester à Poudlard, Druella, répondit doucement Voldemort. Il est très peu probable, voire impossible que Dumbledore et le reste du Magenmagot la laisse terminer sa scolarité. Elle a causé trop de troubles pour cela.
- Mais il faut qu'elle passe ses ASPIC ! protesta la femme qui tremblait de rage.

Cygnus posa une main sur le genou de son épouse.

- Ma chère... je crois qu'il faut se faire à l'idée, dit-il d'une voix rassurante. Et puis, même sans diplôme, Bella pourra se débrouiller. Tout cela est regrettable, mais le plus important pour l'instant c'est de s'assurer que notre fille ne soit pas privée de sa baguette... et qu'elle ne soit pas envoyée là-bas.

Druella serra les dents, mais finit par acquiescer.

- Cygnus travaille beaucoup, et je fais énormément d'aller-retour entre l'Angleterre et la France, déclara Druella. Si Bella reste ici... je ne sais pas si c'est une bonne idée.
- Elle ne resterait pas ici, répondit Voldemort.

Le couple échangea un regard surpris.

- Dans ce cas... où resterait-elle ? Nous n'avons personne qui...
- Au manoir Malefoy, coupa Voldemort. Je la prendrai sous mon aile. Je la formerai. Je lui apprendrai bien plus de choses que ce qu'elle aurait appris à Poudlard. Si vous êtes d'accord, et si Bellatrix le souhaite également, je pourrais l'amener bien plus loin que ce qu'elle n'aurait jamais imaginé. Je vois un grand potentiel chez votre fille...

Il posa alors les yeux sur la fille en question.

- ...chez toi, Bellatrix, ajouta-t-il avant de marquer une pause et de poser à nouveau son regard sur Druella et Cygnus. Si cet arrangement vous convient, je ferai tout ce qui est en mon possible pour qu'il soit adopté par le Magenmagot. Je vous fais la promesse que votre fille sera entre de bonnes mains. Nous nous connaissons depuis nos jeunes années à Poudlard. Vous êtes au courant de mes plans pour l'avenir de ce pays. Bellatrix pourrait y prendre part. Elle pourrait représenter votre famille dans cette ascension, dans la reconquête du pouvoir aujourd'hui si mal placé. Avec le bon tuteur, elle pourrait faire de grandes choses...

Les yeux du couple s'illuminèrent. Voldemort avait touché dans le mille. Il leur avait dépeint une situation horrible, effrayante, avant de se présenter comme l'unique solution face à un problème hors de contrôle.
Druella et Cygnus se regardèrent un instant, puis regardèrent Bellatrix, et enfin Voldemort, et acquiescèrent. Le mage noir posa alors ses yeux sur la jeune fille qui était restée muette depuis le début. Il savait néanmoins qu'elle avait écouté attentivement. Il se doutait aussi qu'elle était trop intelligente pour refuser une telle opportunité.
Bellatrix Black prit une profonde inspiration.

- C'est entendu.

All the wrong choices Où les histoires vivent. Découvrez maintenant