20 septembre 1968, École de sorcellerie Poudlard, Écosse.
Cela faisait une vingtaine de jours que les cours avaient repris pour les sœurs Black. Bellatrix et Andromeda passaient chacune des examens cette année, leurs BUSE ou bien leurs ASPIC. Les professeurs n'arrêtaient pas de le leur rappeler, et les deux sorcières commençaient à s'en agacer.
- BUSE par ci, BUSE par là ! J'en ai marre moi, marre ! Comme si je n'étais pas assez stressée à l'idée de passer mes premiers examens ! Comme si maman ne m'avait pas déjà pris la tête tout l'été ! se plaignit Andromeda en laissant tomber son sac remplis de grimoires en tout genre sur son lit.
- Si McGonagall nous parle encore une fois des débouchés au Ministère de la Magie, je lui tranche la gorge, grommela Bellatrix qui était allongée de tout son long sur son matelas inconfortable.
- Et ces abrutis de Gryffondor qui sont plus stupides que jamais cette année... ils nous traitent comme si on était responsables de ce qui s'est passé cet été !
Les Cracmols, pensa Bellatrix. Andromeda n'avait pas tord. La plupart des Gryffondors avaient toujours été ennuyants avec les Serpentards. La rivalité entre les deux maisons semblait avoir existé depuis la fondation de Poudlard. Mais ces jours-ci, plus particulièrement, les élèves de la maison rouge et or prenaient un malin plaisir à tourmenter les jeunes sang-purs.
- Ils ont créé une chanson sur moi, murmura Bellatrix. Ils savent que Dolph étaient là-bas, alors ils en ont déduit que j'avais quelque chose à faire avec cette histoire.
- Mais c'est complètement débile ! on ne savait même pas ce qui allait se passer ! s'offusqua Andromeda.
- À vrai dire, je n'aurais vu aucun inconvénient à y participer, admis Bellatrix avant de se relever brusquement, ses yeux étincelants de colère. Mais ce n'est pas le propos. Ils s'amusent à salir mon nom avec leur comptine idiote. Ils veulent m'humilier alors qu'ils ne sont que de la vermine qui ne mérite même pas de respirer le même air que moi. Je vais leur faire payer. Je vais leur rappeler qui je suis. De trop nombreux élèves ont oublié ce qu'est le respect. Ils ont oublié à quel point nos familles étaient grandes. Je vais le leur rappeler, ce n'est qu'une question de jours.
- Qu'ont-ils dit ? demanda Andromeda, l'air visiblement préoccupée.
Bellatrix soupira longuement, puis baissa les yeux et se mit à chantonner « Sinistre Bellatrix, croisez son regard et elle vous transforme en cafard ; sinistre Bellatrix, elle vous achèvera et vous donnera à manger aux rats ; voyez un peu la noble et ancienne famille Black, la fin de race un peu patraque ; sinistre Bellatrix, qui tue des Cracmols au moindre bémol ».
Les yeux d'Andromeda prirent une teinte écarlate, et Bellatrix crut qu'elle allait littéralement exploser.
- COMMENT OSENT-ILS ? hurla la cadette.
Sa colère était telle que la lumière des bougies qui éclairaient le dortoir s'était mise à vaciller comme si une brise légère venait caresser les flammes qui ondulaient. L'atmosphère était soudain devenue lourde, et la température avait chuté. Bellatrix y était habituée, mais les autres filles présentes aux alentours lancèrent de curieux coups d'œil aux deux sœurs.
- Ils vont regretter, répéta Bellatrix, le regard grave. McLaggen et sa bande de copains délurés. Ils vont le regretter.
****
29 novembre 1968.
Bellatrix avait fait exactement ce qu'elle avait dit qu'elle ferait.
Elle avait commencé par raconter à tous les Serpentards ce qui s'était passé en expliquant que « lorsqu'ils insultent les Black, ils s'en prennent à tous les Sacrés. Il faut leur rendre la monnaie de leur pièce ». Elle leur avait donné les noms : Tiberius McLaggen, sa petite amie Anne Solway, Dave Clatermoll, Mistie Bell et George Frobisher. Les élèves de Serpentard s'étaient alors afférés à faire de leurs journées une misère totale, et Bellatrix les regardait faire avec un malin plaisir. Ceux qui s'étaient moqués d'elle constataient régulièrement que leurs affaires disparaissaient. Une fois, Lucius avait réussi à glisser une limace explosive dans le sac de Tiberius, et ses affaires ont trainées avec elles une odeur nauséabonde une semaine durant. Anne, qui était allée jusqu'à traiter Bellatrix de « salope sans morale », avait été victime d'une rumeur des plus amusantes, lancée sur demande par Rita Skeeter. Depuis, tout le monde croyait que mademoiselle Solway avait des pustules incurables au derrière. Le reste du groupe subissait le même genre de farce, sans jamais avoir de preuve pour accuser les Serpentard, et encore moins Bellatrix qui orchestrait tout sans jamais directement agir.
Peut-être, après deux mois de vengeance, était-il temps d'arrêter. Peut-être que les Gryffondors avaient compris la leçon. Bellatrix, vraisemblablement, ne se préoccupait pas de ce qui était juste. Elle avait réussi à reprendre l'ascendant sur ces idiots, à leur rappeler qui avait le pouvoir dans cette école, et elle aimait cela. Peut-être qu'il était temps d'arrêter, mais ce n'était pas dans les plans de l'aînée de la fratrie Black.
Un soir, alors qu'elle prenait des escaliers vers la Grande Salle où le dîner allait commencer, elle croisa Mistie et Anne. Les deux filles se figèrent en haut des escaliers en voyant apparaître devant elles Bellatrix, accompagnée d'Andromeda, Narcissa, Lucius et les jumelles Yaxley. Les deux Gryffondor échangèrent un regard et se décidèrent à croiser le chemin du groupe guidé par la jolie brune. Au moment où Anne passa au niveau de Bellatrix, elle chuchota quelque chose. C'était presque inaudible, et Bellatrix fut la seule à entendre le mot prononcé par la fille. Malheureusement pour Anne Solway, Bellatrix avait passé une mauvaise journée. Une très mauvaise journée. Et ce mot, ce tout petit mot qu'elle aurait pu ignorer en temps normal, était la goutte de trop. Bellatrix fit volte-face et agrippa fermement Anne par le poignet.
- Répète un peu ce que tu as dit, hissa la sorcière dont les yeux brillaient maintenant d'une lueur dangereuse.
Anne hésita une fraction de seconde, puis la Gryffondor en elle ressurgit lorsqu'elle leva fièrement le menton, toisant Bellatrix, et répéta clairement :
- Salope.
Bellatrix ne contrôla rien de ce qui se passa ensuite. Elle entendit à peine le cri horrifié de Mistie lorsqu'elle lança un sortilège qui envoya Anne dévaler tout le long de l'escalier avant qu'elle ne s'écroule au sol. Elle remarqua à peine que les conversations s'étaient arrêtées autour d'elle. Elle savait juste que son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'elle pensait qu'il allait exploser, et que la vision d'Anne qui s'effondrait à terre était peut-être ce qu'elle avait vu de plus beau dans toute sa vie.
- Bella...
La voix d'Andromeda lui parvint de façon lointaine. La petite main de Narcissa qui s'était agrippée à son avant bras était comme une caresse contre sa robe d'écolière, Bellatrix ne la sentait à peine. La tâche de sang qui s'élargissait autour de la tête d'Anne, en contrebas, était, elle, bien réelle.
- Il faut qu'on s'en aille, entendit-elle.
C'était Andromeda qui avait parlé. Elle avait essayé de maintenir un ton calme, mais un léger tremblement trahissait sa panique. Bellatrix sentit un peu plus la main de Narcissa tirer sur sa manche. Ses sœurs voulaient fuir. Fuir ? Pour aller où ? Ce qui était fait était fait. Il n'y avait aucune échappatoire. Pourtant, Bellatrix était étrangement sereine. Elle ne bougea pas d'un cil, ne prêtant pas aux supplications de sa cadette, ni aux larmes qui baignaient désormais les joues de la benjamine. Son regard était braqué sur le corps inanimé d'Anne Solway. Elle ressemblait à une poupée de chiffon, avec ses bras placés bizarrement autour de son visage.
Les gens se rassemblaient autour d'elle, incapables de réprimer leur curiosité. Les tableaux murmuraient, scandalisés. Les élèves jetaient des regards emplis de terreur vers Bellatrix qui était restée là où elle était, immobile sur les marches d'escaliers. On se demandait si elle était morte. On se demandait si ça avait été un accident, ou si c'était fait exprès.
- Espèce de malade ! hurla une voix qui se détachait de la foule.
Mistie Bell revenait faire Bellatrix, le visage baigné de larmes et déformé par la haine, sa baguette serrée si fort entre ses doigts que ses phalanges en étaient blanchies.
- Meurtrière !
Ce mot sembla ramener Bellatrix à la réalité, et la brune leva sa baguette en direction de la sorcière qui s'approchait d'un air menaçant vers elle, prête à la jeter elle aussi à travers la pièce. Elle ouvrit la bouche pour prononcer une incantation et...
- Expelliarmus !
...sa baguette vola d'entre ses mains pour atterrir entre celles d'Albus Dumbledore. Le vieil homme ordonna fermement à ce que l'on se disperse, et les élèves s'éloignèrent hagards du corps sans vie. L'infirmière se rua vers la dépouille pour s'en occuper, et Dumbledore retint Mistie et Bellatrix.
- Dans mon bureau, jeunes filles.
En emboitant le pas à Dumbledore, Bellatrix lança un dernier coup d'œil en direction de ses sœurs. Narcissa était en larmes, et Andromeda la regardait l'air grave.
****
Mistie avait passé les vingt premières minutes à pleurer devant le directeur qui l'avait calmement écoutée. Il avait recueilli les versions des deux filles, avait interrogé les portraits qui avaient assisté à la scène, et avait, éventuellement, fini par envoyer une lettre aux parents de Bellatrix leur demandant de se rendre à Poudlard le plus rapidement possible. Suite à cela, il avait très gentiment invité miss Bell à se rendre à l'infirmerie afin que l'on puisse prendre soin d'elle. La pauvre enfant était dans un état de choc complet après avoir vu sa meilleure amie mourir sous ses yeux.
Bellatrix, elle, n'avait presque pas parlé. La jeune sorcière était restée d'un calme olympien devant Albus Dumbledore. Elle savait qu'elle risquait gros. Accident ou pas, une élève avait perdu la vie à cause d'elle. Elle n'allait pas s'en tirer avec une simple heure de retenue cette fois-ci. Cependant, elle savait aussi qu'elle avait des relations importantes au Ministère. Si elle jouait le jeu, elle avait une chance d'échapper à une sentence trop lourde.
- Chocogrenouille ? proposa Dumbledore.
Bellatrix secoua la tête, déclinant poliment l'offre. Albus enfourna une friandise dans sa bouche et s'assit derrière son bureau. Il observa Bellatrix par dessus ses lunettes en forme de demi-lune. Son regard était dépourvu de toute animosité. Pourtant, la sorcière décela une autre émotion ; une émotion qu'elle n'avait jusque là jamais vu dans les yeux du directeur. De la méfiance.
- Vous ne pouvez ignorer, miss Black, que la situation est grave, dit le vieil homme d'une voix douce. Les parents de miss Solway vont exiger des réponses, et demanderont justice.
Bellatrix resta silencieuse.
- Nos amis accrochés au mur ont parlé d'une altercation entre miss Solway et vous, reprit-il lentement. Ils m'ont expliqué que vous aviez agi de façon impulsive. Est-ce correct ?
- Oui, professeur.
- Bellatrix, vous savez que ce genre de comportement ne peut être toléré à Poudlard. Vous être une jeune sorcière d'une intelligence remarquable, aussi je crois ne pas me tromper en avançant que vous savez également que vous ne pourrez rester impunie.
- Oui, professeur.
- Votre impulsivité devra être domptée à l'avenir. Il est trop dangereux de laisser une personne avec de tels pouvoirs se balader librement dans ce monde, sachant que sa colère peut exploser à tout moment.
Bellatrix resta de marbre.
- Néanmoins, ajouta Dumbledore après avoir laissé un silence pesant s'installer, cette même impulsivité témoigne de l'absence de préméditation. Bellatrix, avez vous voulu faire du mal à miss Solway en lui jetant ce sortilège de stupéfixion ?
- Non, professeur, répondit doucement Bellatrix.
Elle hésita une fraction de seconde, juste assez longtemps pour qu'une lueur de doute traverse le regard du directeur.
- Je n'ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit, continua la sorcière. Anne n'était pas une personne que je portais dans mon cœur, mais mon but n'était pas de...
Bellatrix était une très bonne actrice. Elle avait laissé sa voix trembler juste assez pour feindre un profond tourment. Elle prétendait ne pas pouvoir prononcer le mot qui devait suivre. Tuer.
Peu importe si Dumbledore la croyait ou non. Tout ce qu'elle disait maintenant allait être répété au Ministère, aux aurors qui se chargeraient de l'affaire. Le directeur était trop intelligent pour ne pas déceler le mensonge derrière les paroles pourtant convaincantes de Bellatrix, mais tous les tableaux présents dans le bureau d'Albus n'y verraient que du feu. Eux aussi seraient certainement interrogés, et lorsqu'ils raconteront ce qu'ils ont vu et entendu aux aurors, ils diront qu'ils étaient face à une pauvre innocente accablée par le regret et le chagrin.
Une larme argentée coula le long de la joue de Bellatrix, et elle baissa les yeux. Albus resta impassible, mais lui tendit un mouchoir avec bienveillance.
- Ce qui s'est passé ce soir est une véritable tragédie, miss Black. Pour la victime et ses proches, bien sûr, mais pour vous aussi. Le meurtre est passible d'une peine à Azkaban. Je pense, quoi qu'il en soit, qu'un séjour en prison ne serait pas le châtiment approprié pour vous. Je crois, Bellatrix, que vous avez besoin d'aide.
Une voix à l'intérieur de sa tête cria à la jeune fille d'arguer qu'elle n'avait besoin de l'aide de personne, qu'elle ne regrettait pas un seul instant son acte ; plus encore, qu'elle y avait pris plaisir et qu'elle recommencerait à la moindre occasion car commettre un meurtre s'était révélé hautement divertissant.
- Cela n'arrivera plus, professeur, assura-t-elle. Anne n'aurait pas dû tomber des escaliers. Je voulais simplement la repousser. J'étais trop choquée par la suite pour essayer d'empêcher l'inévitable. Je n'arrive toujours pas à croire ce qui s'est passé. Je n'arrive pas à croire qu'elle est... morte. À cause de moi. Je suis une horrible personne qui n'a sa place qu'à Azkaban.
- Allons, allons, dit doucement Dumbledore. Ne vous punissez pas vous-même, miss Black. De malheureux accidents arrivent bien plus souvent que ce que l'on pense...
Il s'arrêta un instant, et son regard se perdit dans le vide quelques secondes. C'était comme s'il assistait à une scène que lui seul pouvait voir. Puis, sans prévenir, il revint sur terre et adressa un sourire à la jeune élève devant lui.
- Vos parents seront là d'une minute à l'autre. Avant qu'ils ne vous prennent en charge, miss Black, je ne peux que vous donner un dernier conseil... parfois, lorsque les passions se déchaînent, il faut savoir partir sans regarder en arrière. Si les émotions viennent une nouvelle fois à vous submerger, chassez-les. Trouver un endroit de paix profonde en vous même, et restez stoïque comme la pierre. Je crois que vous pouvez faire cela, n'est-ce pas miss Black ?
Il avait ajouté cette dernière supposition car il savait qu'elle était capable de fermer son esprit. Un Occlumens doit pouvoir chasser toutes les pensées parasites afin de rester impénétrable à la légilimencie. Albus Dumbledore lui demandait de faire la même chose dans la vraie vie. Il lui demandait, en quelque sorte, de savoir mettre son humanité de côté aux moments opportuns. Se doutait-il alors que son conseil allait se révéler d'une grande utilité pour la jeune sorcière ? Peut-être. Savait-il qu'elle en ferait usage d'une toute autre manière que ce qu'il avait imaginé ? Nul ne pouvait en être certain.
Quoi qu'il en soit, Albus Dumbledore espérait sincèrement que l'héritière de la famille Black ne prendrait pas le chemin sinistre qui commençait à prendre forme devant elle. Il voyait sincèrement le bon en elle, comme il le faisait habituellement avec n'importe lequel de ses élèves.
Mais il y avait cette chose chez Bellatrix Black qui semait le doute en lui, peu importe à quel point il s'efforçait de la considérer comme une personne foncièrement capable de faire le bien.
Bellatrix Black lui rappelait un ancien élève que Dumbledore avait eu alors qu'il n'était encore que professeur à Poudlard.
Un élève brillant, puissant, dotés de dons prodigieux et d'une capacité à manipuler les esprits qui restait à ce jour inégalée.
Un garçon qui avait fait tous les mauvais choix possibles.
Tom Jedusor.
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All the wrong choices
Fanfiction1967. Bellatrix entame sa sixième année à l'école de sorcellerie Poudlard. Au même moment, un mystérieux mage noir fait campagne au sein des plus grandes familles de sang pur. Lorsque l'aînée de la famille Black fait la rencontre de celui qui se fai...